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Peut-on payer une victime pour l’empêcher de porter plainte ?

Slimane accusé de harcèlement sexuel : Peut-on payer une victime pour l’empêcher de porter plainte ?

question juridiqueLa rumeur concernant l’achat du silence d’un technicien ayant porté plainte contre Slimane a été démentie. Elle pose néanmoins des questions de droit français
Cécile De Sèze

Cécile De Sèze

L'essentiel

  • Un technicien a déposé plainte contre Slimane pour des faits de harcèlements sexuels pendant sa tournée en 2023.
  • Une rumeur racontant que le silence de la victime présumée aurait été acheté par le chanteur circulait, et a été démentie par une source contactée par 20 Minutes.
  • Elle pose néanmoins plusieurs questions sur la possibilité, ou non, de l’existence d’une transaction pour faire taire de possibles victimes.

C’est une rumeur qui a fait éclater l’affaire. Un technicien engagé sur la tournée de Slimane « Cupidon Tour » en 2023 aurait été payé par le chanteur pour le dissuader d’aller en justice. Ce dernier a finalement déposé une plainte pour harcèlement sexuel contre le chanteur, a indiqué mardi le parquet de Saint-Etienne, confirmant une information dévoilée par Le Parisien.

Le silence a-t-il été acheté ? Une source contactée par 20 Minutes affirme qu’il n’y a pas eu de transaction. Mais cette simple éventualité pose des questions. Encadrée par la loi aux Etats-Unis, une telle démarche est-elle seulement possible en France ? Que risque une personne à marchander avec sa victime sous la contrainte ? 20 Minutes fait le point.

Peut-on acheter le silence d’une victime en France ?

On peut toujours essayer, mais on risque une double peine, celle pour le délit initiale et celle pour avoir tenté d’y échapper. L’article 434-5 du Code pénal prévoit en effet en cas de « menace ou tout autre acte d’intimidation » afin de dissuader une « victime d’un crime ou d’un délit à ne pas porter plainte ou à se rétracter » une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende. Donc « la promesse d’une somme d’argent accompagnée d’une tentative d’intimidation pourrait rentrer dans le champ d’action de cet article », explique Emmanuel Daoud, avocat spécialisé en droit pénal.

Il faudrait que cette personne visée par une tentative d’intimidation aille déposer plainte. Car si « techniquement le parquet pourrait engager des poursuites, en pratique, les services d’enquête croulent sous les dossiers et n’ont pas le temps de s’en saisir », précise l’avocat.

En ce qui concerne une personne qui aurait été témoin des faits dans une affaire similaire, et qui aurait ainsi le statut de témoin dans l’enquête, là encore une tentative d’approche pour le dissuader de rapporter les faits peut tomber sous le coup de la loi. « Ça peut être passible de poursuites sous le qualificatif de subornation de témoin », ajoute le spécialiste.

Une victime doit-elle rendre l’argent si elle porte plainte ?

En revanche, la victime peut accepter une somme d’argent, à condition qu’elle ne soit pas accompagnée d’intimidations ou de menaces. « En soi, ça peut ne pas être critiquable », estime le spécialiste du droit pénal, ajoutant qu’on se situe alors dans « une zone grise ». Et si cette victime décide néanmoins de ne pas respecter les termes de la transaction, « on ne peut rien lui réclamer », ajoute-t-il.

Attention au retournement de situation. Si les faits se révèlent faux, la personne qui se présentait comme victime pourrait être poursuivie pour tentative d’extorsion de fonds.

Cette manœuvre est-elle fréquente en France ?

Ce genre d’entente à l’amiable pour éviter le scandale est digne d’un scénario américain. Pourtant, même en France, « ça arrive tous les jours, aussi bien dans des dossiers au civil, qu’au pénal », dévoile Emmanuel Daoud. « Ce qui est singulier, c’est que cela soit porté à la connaissance du public », ajoute-t-il.