procèsRetour sur l’affaire « French Bukkake » qui a secoué le monde du porno

« French Bukkake » : Viols, traite d’être humains… Retour sur l’affaire qui a secoué le monde du porno amateur

procèsDix-sept hommes mis en examen dans le dossier seront jugés pour viols en réunion, traite d’êtres humains en bande organisée ou encore proxénétisme aggravé
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Il y aura bien un procès pour les dix-sept hommes soupçonnés d’être impliqué dans l’affaire « French Bukkake ». En cause, un système à l’origine de viols aggravés sur des dizaines de femmes lors de tournages pour la plateforme pornographique « French Bukkake ». Retour sur cette affaire qui a secoué le porno amateur français et où s’additionnent viols aggravés, traite d’êtres humains ou encore proxénétisme.

Un système de prédation

Des violences « systémiques » perpétrées contre des femmes. Voilà ce qu’a conclu l’enquête, selon l’avocate Me Lorraine Questiaux, qui représente plusieurs parties civiles. Ouverte en octobre 2020, l’information judiciaire s’est focalisée sur le « système » orchestré par Julien D., un Rémois de 42 ans, d’après l’ordonnance signée par deux magistrates parisiennes dont l’AFP a eu connaissance.

Dans une industrie où de nouvelles actrices sont « rares et difficiles à recruter », Julien D. est accusé d’avoir incarné, entre 2013 et 2019, trois personnages virtuels successifs visant à appâter des jeunes femmes : une amie rassurante, Axelle Vercoutre, qui les persuadait de débuter dans l’escorting ; un dirigeant d’une agence soi-disant de luxe centrée sur cette activité qui les recrutait ; un prétendu client de cette agence qu’elles rencontraient ensuite pour un rapport tarifé. Julien D. est accusé par les juges d’avoir utilisé ce « stratagème » pour violer une trentaine de ces femmes, « rabattues » ensuite par Axelle Vercoutre vers des tournages principalement sous l’égide de deux figures du porno dit amateur.

Des tournages qualifiés de « tortures »

Nombre de plaignantes ont évoqué des tournages sous alcool et stupéfiants et décrit leur « sidération » en y découvrant le nombre de partenaires masculins et les actes sexuels à réaliser, qui « s’enchaînaient […] par surprise », relèvent les juges. « Nous avons été torturées », avait assuré à l’AFP l’une d’entre elles. « J’ai besoin aujourd’hui pour revivre que la barbarie, la haine sexiste et raciste dont j’ai été victime, soit reconnue et punie. »

De nombreuses parties civiles ont demandé à la justice de retenir que les viols lors des tournages ont été accompagnés d’actes de torture, de barbarie et de racisme, mais les deux juges ont refusé. Les circonstances aggravantes de torture et de barbarie auraient pu mener le dossier à la cour d’assises et permis, selon Me Questiaux, « un vrai débat, avec des jurés, pour le premier procès de crime contre l’humanité des femmes », ou selon Me Seydi Ba, qui représente une victime, « une audience d’intérêt public pour débattre sur les notions de viol et de consentement ».

Une dizaine d’accusés de tous âges

En tout, 17 hommes sont mis en examen. Ils ont entre 29 et 61 ans et sont dirigeant de la plateforme, associé, recruteur d’actrices, acteur. Quatre des mis en cause sont actuellement en détention provisoire. Parmi eux, des stars du porno amateur comme le dirigeant du site « French Bukkake » et réalisateur surnommé Pascal OP, ainsi que son associé connu comme Mat Hadix.

Aux côtés de Julien D. , Pascal OP est aussi renvoyé pour proxénétisme aggravé pour avoir permis à des clients, qui payaient un abonnement à sa plateforme ou qui proposaient leur appartement comme lieu de tournage, de participer à des vidéos. L’ordonnance souligne que « le système ne pouvait prospérer sans la participation des acteurs et d’autres réalisateurs qui profitaient des 2/3 jours de tournage de ces jeunes femmes avant que celles-ci ne soient "grillées" ».

De leur côté, la plupart des mis en cause ont contesté avoir eu connaissance du système Axelle Vercoutre et assuré que les femmes étaient consentantes. Me Dylan Slama, avocat d’un acteur, espère pouvoir « enfin expliquer la réalité du parcours de [son] client, qui n’est pas celui d’un agresseur sexuel ».

Les accusés risquent de lourdes peines

Ils seront jugés par la cour criminelle départementale de Paris pour plusieurs crimes et délits, dont viols en réunion, traite d’êtres humains en bande organisée ou encore proxénétisme aggravé. Des chefs d’accusation graves pour lesquels de lourdes peines de prison sont prévues.

Le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle « lorsqu’il est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice », selon l’article 222-24 du Code pénal. La traite des êtres humains « est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 3.000.000 euros d’amende lorsqu’elle est commise en bande organisée », d’après l’article 225-4-3 du Code pénal. Enfin, en ce qui concerne le proxénétisme aggravé, les accusés risquent jusqu’à dix ans d’emprisonnement et de 1.500.000 euros d’amende, d’après l’article 225-7.

Une cinquantaine de victimes d’une vingtaine d’années

Une cinquantaine de femmes victimes, en moyenne âgées d’une vingtaine d’années et ciblées pour leur précarité, ont été identifiées. Une quarantaine d’entre elles et quatre associations, Les Effrontées, le Mouvement du Nid, Osez le féminisme et la Ligue des droits de l’Homme, sont parties civiles.