arnaqueFin de partie pour les escrocs à la fausse convocation judiciaire

Phishing : « Vous faites l’objet de poursuites »… Fin de partie pour les escrocs à la fausse convocation

arnaque19 personnes, soupçonnées d’escroquerie à la fausse convocation judiciaire, ont été interpellées lundi par les policiers et les gendarmes
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Policiers et gendarmes ont procédé lundi à un vaste coup de filet en interpellant en France et en Belgique 19 personnes soupçonnées d’escroquerie à la fausse convocation judiciaire, pour un préjudice évalué à au moins 3,5 millions d’euros.
  • A l’issue de leur garde à vue, quinze d’entre elles ont été convoquées devant le tribunal correctionnel pour être jugées pour accès et maintien dans un système de données, escroquerie et blanchiment d’escroquerie en bande organisée, a indiqué le parquet de Paris, sans préciser la date de l’audience.
  • L’escroquerie à la fausse convocation judiciaire consiste à envoyer, au nom de responsables de la gendarmerie ou de la police, de magistrats ou d’institutions comme Europol, des courriels à des personnes indéterminées en les accusant notamment de pédopornographie via la consultation de sites internet illégaux. Les victimes sont menacées de poursuites judiciaires sauf si elles paient une « amende ».

Vous l’avez peut-être déjà reçu. Et à la lecture de ce mail, vous avez sans doute été surpris, voire décontenancé. Il s’agit d’une « convocation en justice », souvent signée de la main du directeur général de la gendarmerie en personne. Le général Christian Rodriguez a pris la plume pour vous avertir : vous êtes dans le collimateur des enquêteurs spécialisés qui vous accusent de détournement de mineurs, de pédophilie, d’exhibitionnisme et de consultation de vidéos pédopornographiques sur Internet. Rien que ça.

L’officier, qui envisage de transmettre votre dossier au parquet de Versailles (Yvelines), vous demande de prendre contact avec lui dans les trois jours en lui écrivant… sur une adresse Gmail. En cas de refus, il vous menace de vous ficher comme délinquant sexuel et d’envoyer votre dossier « aux médias pour une diffusion ». « Votre famille, vos proches et toute l’Europe entière verront ce que vous faites devant votre ordinateur. » Chic type, il vous proposera quand même, dans un deuxième temps, de payer une amende pour éviter les poursuites judiciaires et les problèmes. Ouf !

150.000 signalements et 300 plaintes

Il s’agit, bien évidemment, d’une arnaque. Il faut le rappeler : policiers et gendarmes n’écrivent pas aux gens pour les prévenir qu’ils les suspectent de graves infractions. Ils viennent les chercher à 6 heures du matin et les placent en garde à vue. Quant au directeur de la gendarmerie, il ne mène plus d’enquête depuis longtemps. Les escrocs ont aussi usurpé l’identité d’autres responsables de la police et de la gendarmerie ou de la magistrature, comme le note le site cybermalveillance.


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Cette campagne d’hameçonnage - ou phishing - a inondé tout le territoire au début de l’année 2021. La plateforme Pharos a reçu environ 150.000 signalements et 300 plaintes ont été déposées. En février 2022, la section spécialisée dans la cybercriminalité du parquet de Paris a ouvert une enquête, confiée à plusieurs services de la police et de la gendarmerie : l’office central de lutte contre la cybercriminalité de la PJ, la section des recherches de Versailles, la brigade de recherches de Nice, et le commandement de la gendarmerie dans le cyberespace.

« La question qu’on s’était posée au début, c’était de savoir s’il y avait une ou plusieurs équipes. On s’est concentré sur une dizaine de faits et on a enquêté pour voir où ça nous menait », raconte à 20 Minutes le colonel Thomas Andreu, de la SR de Versailles. Les enquêteurs se sont alors aperçus « qu’il n’y avait pas de structure centralisée, mais une dizaine d’équipes qui utilisait le même savoir-faire », poursuit-il. Un an après, les investigations ont fait un grand pas. Policiers et gendarmes ont procédé, lundi, à un vaste coup de filet. 19 suspects ont été interpellés en Ile-de-France, à Nantes, au Mans, à Toulouse, Sens (Yonne), Orléans, Nice, et la dernière en Belgique.

Des équipes bien organisées

A l’issue de leur garde à vue, quinze d’entre eux ont été convoqués devant le tribunal correctionnel pour être jugées pour accès et maintien dans un système de données, escroquerie et blanchiment d’escroquerie en bande organisée, a indiqué le parquet de Paris, sans préciser la date de l’audience. Les suspects ont entre 20 et 50 ans. « Vous avez différentes catégories, détaille le colonel Andreu. Il y a les petites mains qui ouvrent des comptes bancaires soit sous leur identité, soit avec des identités usurpées. Il y a ce qu’on pourrait appeler des N + 1, qui contrôlent ces comptes. Et puis vous avez des personnes qui envoient les mails ».

De nombreuses personnes sont tombées dans le panneau et ont payé les escrocs. « Au début, les victimes payaient un peu moins de 5.000 euros, ce qui permettait de passer en dessous des radars des banques. Puis, une fois qu’elles avaient payé une première fois, les escrocs leur demandaient de payer d’autres sommes. Ça ne s’arrêtait jamais », souligne le chef de la SR de Versailles. Certaines victimes leur ont versé jusqu’à 90.000 euros. Au total, le préjudice décompté de cette campagne de phishing est estimé à plus de 3 millions d’euros. L’argent escroqué était dépensé en France, mais plus généralement envoyé en Côte d’Ivoire et dans d’autres pays africains.

Des suicides en lien avec la réception des mails

Plus grave encore. Les enquêteurs ont dénombré six personnes qui se sont suicidées après avoir reçu ces mails. « Elles étaient sûrement plus faibles psychologiquement que d’autres, et n’ont pas supporté la pression psychologique créée par ce type de courrier », ajoute le colonel Andreu.

Il observe que de très nombreuses victimes ont payé « alors qu’elles n’ont rien à se reprocher ». « Il y a des personnes âgées qui ne comprennent pas trop de quoi ça parle, qui ne manient pas les outils Internet. Il y a aussi des gens fragiles psychologiquement, tout simplement. Vous avez aussi des gens qui pensaient qu’il fallait payer pour s’expliquer ensuite. Il y a tous les cas de figure. Et il y avait aussi, effectivement, des gens qui avaient consommé de la pédopornographie. »