Ce que l'on sait de l'agression d'Yvan Colonna à la prison d'Arles
ENQUETE•Condamné à la réclusion à perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Erignac, Yvan Colonna a été grièvement blessé par un codétenu ce mercredi matinThibaut Chevillard
L'essentiel
- Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Erignac en 1998, le militant indépendantiste corse Yvan Colonna se trouvait ce mercredi entre la vie et la mort après son agression dans la prison d’Arles par un codétenu condamné pour terrorisme.
- Pour des raisons qui doivent encore être déterminées, ce détenu a tenté d’étrangler Yvan Colonna puis l’a frappé à de nombreuses reprises avant que l’alarme ne soit déclenchée par les gardiens. La victime a été transférée dans l'après-midi à l’hôpital de Marseille dans un état grave.
- Le suspect, Franck Elong Abé, a été condamné à 9 ans de prison pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. L’enquête devra déterminer si son geste était prémédité.
Yvan Colonna n’est pas mort. Mais le pronostic vital de celui qui a été condamné à la réclusion à perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Erignac est toujours engagé, selon plusieurs sources proches du dossier. Aujourd’hui âgé de 61 ans, le berger et militant indépendantiste corse a été grièvement blessé mercredi matin par un codétenu de la prison d’Arles (Bouches-du-Rhône) condamné pour terrorisme. 20 Minutes fait le point sur l’enquête ouverte par le parquet de Tarascon et confiée à la police judiciaire de Marseille.
Que s’est-il passé ?
Les faits se sont déroulés vers 10h15, dans la salle de musculation de la maison centrale d’Arles, où Yvan Colonna purge une peine de prison à perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Erignac en février 1998. Pour des raisons qui ne sont pas encore connues, l’un des détenus, condamné pour des faits de terrorisme, a tenté d’étrangler et d’étouffer le militant indépendantiste corse alors que les deux hommes étaient seuls dans cette pièce dont le suspect était chargé de l’entretien.
Les gardiens ont alors déclenché l’alarme. La victime a été secourue rapidement par les personnels de l’unité sanitaire de la prison, qui ont pratiqué un massage cardiaque. Pris en charge par les pompiers et le Samu, il a été conduit à l’hôpital d’Arles, avant d’être transféré à Marseille dans l’après-midi.
L’agression était-elle préméditée ? « Il n’y avait aucun différend connu entre ces deux personnes », nous confie une source syndicale pénitentiaire. Une enquête pour tentative d’assassinat a été ouverte par le parquet de Tarascon, confiée à la police judiciaire de Marseille. Le Parquet national antiterroriste indique à 20 Minutes ne pas être saisi de l’affaire « en l’état ».
« A ce stade, le mobile de l’agression est inconnu. Aucun incident en détention n’avait été signalé entre le détenu et la victime », a également indiqué dans un communiqué le procureur de Tarascon, Laurent Gumbau. Par ailleurs, le ministère de la Justice a fait savoir qu’à la demande du Premier ministre, Jean Castex, l’inspection générale de la justice « va être saisie ce jour pour faire toute la lumière sur les conditions de cette agression d’une particulière gravité ».
Quel est l’état de santé de Colonna ?
Grièvement blessé, le pronostic vital d’Yvan Colonna est toujours engagé. Il n’est pas décédé, contrairement à ce qui avait été annoncé par erreur par plusieurs médias, dont 20 Minutes. Le célèbre détenu corse « est vivant mais dans un état critique », nous confirme son avocat, Me Sylvain Cormier, qui a eu des informations sur l’état de santé de son client via des médecins de l’hôpital d’Arles. Me Cormier juge « particulièrement ahurissant » que l’administration pénitentiaire « se soit révélée incapable d’assurer » la protection d’Yvan Colonna qui est « l’un des détenus les plus surveillés de France ». Le condamné avait présenté plusieurs demandes de rapprochement en Corse, toutes refusées.
L’un de ses avocats, Me Emmanuel Mercinier Pantalacci, a également fait savoir à l’AFP qu’Yvan Colonna était « dans un coma post-anoxique ». Ce type de coma est consécutif à une privation d’oxygène dans le cerveau.
Qui est le suspect ?
Le détenu qui a blessé très grièvement le militant indépendantiste corse est un djihadiste camerounais de 36 ans, condamné à neuf ans de prison pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte terroriste. Franck Elong Abé est connu pour avoir combattu en Afghanistan. Arrêté par les militaires américains, il est détenu deux ans à la prison de Bagram, à une soixantaine de kilomètres au nord de Kaboul, entre 2012 et 2014. Renvoyé en France, il écope de neuf ans de prison pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste.
Placé en détention à la prison de Rouen, il tente de se suicider en février 2015. Il est alors transféré, le mois suivant, à l’hôpital-prison de Seclin (Nord) et tente de s’y évader après avoir menacé une interne en psychiatrie. Il est condamné pour ces faits de quatre années de réclusion supplémentaires, comme l’avait relaté Paris-Normandie à l’époque. En octobre 2019, Franck Elong Abé est de retour devant le tribunal, à Alençon cette fois. Il est jugé pour avoir dégradé et incendié sa cellule à 14 reprises entre juillet et août 2019. Condamné à neuf mois de prison, il est transféré de la prison de Condé-sur-Sarthe à Arles le 17 octobre 2019.