Grenoble : Le phénomène d'« ubershit » dans le viseur des forces de l’ordre, plusieurs suspects interpellés
TRAFIC DE DROGUE•Les livraisons de drogues à domicile se multiplient ces derniers mois. Pour faire tomber les trafiquants, les gendarmes et policiers ont recours à des « coups d’achats », une procédure très encadréeElisa Frisullo
L'essentiel
- Des opérations de lutte contre le « ubershit », phénomène qui consiste à vendre en ligne puis à livrer de la drogue à domicile, ont été menées cette semaine dans la région grenobloise.
- Huit suspects, accusés de se livrer à cette forme de trafic, ont été arrêtés dans différentes communes par les gendarmes et la police, parmi lesquels six mineurs.
- Pour remonter jusqu’aux trafiquants, les forces de l’ordre mènent des « coups d’achats », des opérations très encadrées.
Une petite annonce postée sur les réseaux, un bon de commande et voilà la marchandise livrée à domicile. En l’espace de deux jours, huit suspects, parmi lesquels six mineurs, ont été interpellés dans différentes communes de la banlieue de Grenoble, en Isère, dans le cadre d’opérations de lutte contre le «Ubershit», apprend 20 Minutes ce jeudi auprès du parquet.
Depuis le confinement de mars dernier, ce phénomène qui consiste à vendre de la drogue en ligne puis à la livrer à domicile, est en fort développement dans la région grenobloise. Ce qui a incité les gendarmes et policiers à s’organiser pour lutter contre cette forme de trafic « pour que les trafiquants ne s’investissent pas dans ce créneau en pensant qu’ils sont à l’abri de toutes poursuites aussi bien en zone urbaine, périurbaine que rurale », précise le procureur de la République de Grenoble Eric Vaillant.
Gendarmes et policiers enquêtent sous pseudo
Pour faire tomber les dealers, des opérations de « coups d’achats » sont montées par les forces de l’ordre. Il s’agit en clair pour les services de police ou de gendarmerie d’enquêter sous pseudonyme. Ils consultent les « vitrines » des dealers, « accessibles à tous sur les principaux réseaux sociaux qui les renvoient ensuite sur des applications de communication facilitant l’anonymat (Snapchat, Telegram…) », ajoute le procureur. Tous les types de stupéfiants sont proposés à la vente, avec des prix sensiblement similaires à ceux pratiqués sur les points de deal. Au client ensuite de choisir le lieu de sa livraison, dans des lieux différents donc des points de trafic habituels.
Les gendarmes et policiers n’ont qu’à suivre la procédure des clients lambda pour remonter jusqu’aux dealers. « Les coups d’achats ne peuvent s’effectuer que dans le respect de règles juridiques qui encadrent la pratique, précise toutefois le parquet de Grenoble. L’article 230-46 du code de procédure pénale permet aux cyberpatrouilleurs de la police judiciaire et de la section de recherche de la gendarmerie, sous contrôle du procureur de la République, de contacter les trafiquants et de leur commander des stupéfiants ». Cela ne constitue pas une preuve déloyale, obtenue en incitant à commettre une infraction, dès lors que l’activité délictuelle est établie avant le lancement des opérations.
C’est dans ce cadre-là que quatre opérations ont été menées cette semaine autour de Grenoble. Mardi, deux mineurs de 13 et 14 ans, « utilisés comme livreurs », selon le parquet, sur la commune de Seyssinet, ont été interpellés par les gendarmes. Le plus jeune des deux a été remis à ses parents et sera convoqué ultérieurement par la justice. Le garçon de 14 ans a été présenté, accompagné de ses parents, devant le délégué du procureur pour un rappel à la loi.
De gros risques aussi pour les usagers
Ce même jour, un homme de 31 ans, agissant seul selon les premiers éléments et connu pour trafic de stupéfiant, a également été arrêté par la section de recherche. Au terme de sa garde à vue, le suspect, qui avait une peine de dix mois de prison à effectuer pour d'autres faits, a été incarcéré et sera jugé pour le trafic de drogues en avril.
En zone police, un homme de 20 ans, également connu pour des affaires de stups, a été interpellé cette semaine et présenté mercredi devant le tribunal correctionnel de Grenoble en vue d’être jugé en comparution immédiate. Le suspect a demandé un délai pour préparer sa défense et a été placé en détention provisoire en attendant son procès.
Dans le même temps, quatre suspects âgés de 14 à 17 ans ont été arrêtés vers Grenoble pour s’être livrés à du « ubershit ». Au cours de l’opération, l’un des jeunes est venu au contact du policier qui avait passé commande, pendant que deux de ses comparses faisaient le guet et que le quatrième avait la drogue, ajoute le procureur de la République, rappelant les risques encourus par les clients qui seraient tentés d’avoir recours aux livreurs à domicile.
Les usagers peuvent être facilement identifiés par les forces de l’ordre et donc poursuivis, les carnets de commandes des dealers étant passés au crible au cours des enquêtes. Il n’est pas rare non plus que les clients se fassent berner par les trafiquants, rappelle le procureur, en payant avant la livraison en bitcoins ou carte de paiement prépayée sans jamais recevoir au final la marchandise. Il arrive aussi que les usagers tombent, lors du rendez-vous fixé pour récupérer la drogue, sur un pseudo-vendeur venu pour prendre l’argent sans fournir les stupéfiants.