Roubaix : 350 pieds saisis… La cannabiculture se développe dans le Nord
DROGUE•Ce phénomène, en constante progression dans le Nord, inquiète la police judiciaire de Lille, qui multiplie les saisiesThibaut Chevillard
L'essentiel
- Les enquêteurs de l’Ofast (office anti-stupéfiant) ont saisi mardi 350 pieds de cannabis dans une maison à Roubaix.
- Dans le Nord, les policiers observent que les trafiquants se mettent de plus en plus à faire pousser du cannabis.
- Alors que des restrictions importantes s'appliquent pour le passage des frontières, la production locale de cannabis a permis de maintenir un prix moins élevé dans le Nord que dans d’autres régions de France durant le confinement.
C’est un renseignement qui a mis les policiers sur la piste de cette plantation de cannabis. Les enquêteurs de l’antenne lilloise de l’Ofast (office anti-stupéfiant) ont mis la main, mardi, sur 350 plants dans une maison individuelle située à Roubaix (Nord), ainsi que 1.500 euros en liquide. Les surveillances effectuées durant deux mois leur ont permis d’identifier un suspect, âgé de 25 ans, déjà connu des services de police pour trafic de stupéfiants. Placé en garde à vue, ce dernier a reconnu les faits. Il a été déféré ce vendredi au parquet de Lille et devrait être jugé en comparution immédiate.
Cette saisie illustre un « phénomène qui touche particulièrement la région des Hauts-de-France, et notamment le département du Nord et la métropole lilloise », observe le commissaire général Romuald Muller, directeur interrégional de la police judiciaire de Lille. L’an passé, ses services ont démantelé quinze exploitations de cannabis et saisi près de 17.000 pieds ! En 2019, les policiers ont notamment découvert 1.000 pieds en février à Tourcoing, 3.300 en mars dans une maison à Roubaix, puis 8.000 dans un entrepôt de la même ville début novembre. « On a affaire à des productions qui deviennent industrielles », souligne Romuald Muller.
Des circuits de distribution plus courts
Si de plus en plus de délinquants de région lilloise font désormais pousser eux-mêmes du cannabis, ce sont les trafiquants néerlandais qui ont installé les premières fermes de cannabis dans le nord de la France. « Ils cherchaient des débouchés, voulaient s’installer en dehors de leur pays afin de mettre en place des circuits plus courts entre la production et la consommation », remarque le patron de la PJ de Lille. « Ils voulaient aussi s’éloigner des autorités néerlandaises qui avaient une certaine expérience en matière de lutte contre la cannabiculture, ce qui n’était pas forcément le cas des services français il y a quelques années », poursuit-il.
En outre, ces organisations criminelles « ont l’envergure financière pour monter ce genre de cultures avant même qu’elles ne rapportent de l’argent », précise Romuald Muller. En effet, lancer une telle production nécessite d’investir dans du matériel adapté coûteux. En revanche, ajoute le chef de la DIPJ de Lille, le département du Nord « dispose de grandes friches industrielles, de locaux commerciaux vacants, d’entrepôts qui peuvent être dédiés à ce genre de cultures et qui ne sont pas forcément chers à l’achat ». Une aubaine pour les trafiquants, qui peuvent cultiver discrètement du cannabis avec un taux de THC élevé, très recherché et donc plus cher à l’achat.
Un prix moins élevé qu’ailleurs
Le phénomène est si important dans le Nord que le trafic de cannabis a moins souffert que dans d’autres régions durant le confinement. « Nous avons constaté que le prix du cannabis, qui augmentait d’environ 50 % dans plusieurs régions de France, n’avait augmenté que de 20 à 30 % ici durant le confinement », signale Romuald Muller. Alors que des restrictions importantes s’appliquent pour le passage des frontières
durant cette période, les consommateurs lillois ont pu s’alimenter grâce à la production locale. Mais les policiers savent aussi que les trafiquants ont stocké de grandes quantités de stupéfiants en Belgique, au Pays-Bas ou en Espagne. « A partir du moment ou la situation va revenir à la normale, on risque d’avoir un afflux de produit sur le marché », redoute le patron de la PJ lilloise.