« Affreux », « immonde »... A Westhoffen, les habitants consternés après la profanation du cimetière juif
REPORTAGE•Les habitants de la commune alsacienne de 1.600 âmes sont partagés entre stupeur et dégoûtThibaut Gagnepain
L'essentiel
- Au lendemain de la découverte de 107 tombes profanées au cimetière israélite de Westhoffen, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, s’est déplacé en Alsace.
- Habitants de la petite commune, mais également les familles dont les membres sont enterrés au cimetière israélite étaient présentes. Emues et tristes.
- Entre tristesse et colère, tous sont touchés par cet acte de vandalisme une « triste attaque » antisémite.
«Y’a jamais eu autant de monde à Westhoffen. » A quelques pas du cimetière israélite de la commune, les ouvriers d’un chantier s’inquiètent. Est-ce que le camion qu’ils attendent va pouvoir passer ? La question ne se serait pas posée il y a quelques jours. Mais depuis mardi et la découverte d'inscriptions antisémites sur 107 tombes, c’est l’effervescence dans ce village de 1.600 habitants.
Ce mercredi matin, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, est attendu. Une horde de journalistes est déjà sur place, devant le cimetière. Plusieurs gendarmes en barrent l’entrée. « Ils y ont passé la nuit », explique un voisin. « Ils y ont mis même dormi. Regardez, il y a encore leur tente », pointe-t-il en montrant au loin un chapiteau noir siglé « IRCGN ». Pour Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale.
Ce petit trait d’humour tranche avec l’ambiance générale. Des représentants du Consistoire israélite du Bas-Rhin viennent arrivés, kippa sur la tête. Plusieurs sont autorisés à pénétrer sur le lieu du drame. En dehors, des personnes patientent, silencieusement. Comme Martine Halberg, venue de Brumath, à une trentaine de kilomètres de là. La raison est simple : « Ma famille est enterrée ici ».
« Ça fait peur »
« C’est affreux, horrible d’avoir fait ça, témoigne-t-elle. Je ne pense pas que ce soit des gamins du village et j’espère qu’ils attraperont les coupables. Ce n’est pas la première fois en Alsace et je me demande si ça s’arrêtera un jour. Ça fait peur. » A côté d’elle, un homme avec un chapeau slalome entre les différents attroupements, sans s’arrêter discuter. « Non, je ne suis pas d’ici mais quand j’ai su, ça m’a semblé évident de me déplacer, explique-t-il. Je ne suis pas juif mais ça ne m’empêche pas d’être très sensible à ces questions. C’est tellement immonde ce qu’il s’est passé… Peut-être qu’on a une responsabilité collective dans tout ça. Le racisme est partout et l’antisémitisme n’en constitue qu’une part. »
Il vient de toucher une commune où au moins trois religions cohabitent depuis des siècles. Il n’y a qu’à lever la tête pour s’en rendre compte. La plus haute flèche est pour l’église protestante, à quelques pas de sa petite sœur catholique. Un peu plus loin et fermée aujourd’hui car plus aucun culte n’y est célébré, la synagogue a récemment été restaurée.
« Personne n’aurait pu imaginer que ça se passerait ici »
« Ces trois bâtiments ont été construits à peu près au même moment, vers 1870 », assure la 4e ajointe au maire du village, Sylvia Martin, elle aussi révoltée par les événements des derniers jours. « C’est lamentable. Personne n’aurait pu imaginer que ça se passerait ici… Il n’y a jamais eu de souci avec la communauté juive. Elle était parfaitement intégrée. La preuve : Monsieur Kahn, qui est mort l’an dernier, était président du club de foot. C’était quelqu’un d’admirable. Heureusement qu’il n’a pas vu ça… »
« Je pense aussi à lui aujourd’hui, avoue une autre habitante. Depuis qu’il est décédé, je crois qu’il n’y a plus de famille juive dans la commune. » Toutes sont parties mais passent de temps à autre, surtout pour une visite au cimetière.
« Jean-Louis Debré y vient tous les ans, parfois avec son fils », confie un habitant. L’ancien président du Conseil constitutionnel était encore là, ce mercredi matin, pour venir saluer la mémoire de ses aïeux. Son grand-père, Simon, était né en 1854 dans ce village du Bas-Rhin où le père de Léon Blum, Abraham, a aussi vu le jour en 1831. Tout comme les ancêtres de Karl Marx.
« C’est triste qu’on s’attaque aux morts, résume Michel, posté en face de l’entrée du cimetière. Ceux qui ont fait ça sont des glands, c’est tout. Je n'ai que ça à dire. »