Il y a 40 ans, fin de cavale porte de Clignancourt pour Jacques Mesrine, « l'ennemi public n°1 »
RECIT•Le 2 novembre 1979, Jacques Mesrine, 42 ans, était abattu par la police, 18 mois après s'être évadé de la prison de la Santé.Thibaut Chevillard
L'essentiel
- Le 2 novembre 1979, Jacques Mesrine, alors considéré comme étant « l’ennemi public n°1 », est abattu au volant de sa voiture, porte de Clignacourt, à Paris.
- Il était recherché depuis son évasion de prison, 18 mois plus tôt. Les policiers avaient retrouvé la trace du « grand Jacques » quelques jours plus tôt en suivant l’un de ses complices, Charlie Bauer.
- Alors que ses proches sont persuadés qu’il a été assassiné, la justice estime que les policiers ont agi en état de légitime défense.
15h15, vendredi 2 novembre 1979. La BMW 528i gris brun métallisé de Jacques Mesrine, immatriculée 83 CSG 75, s’immobilise au milieu de la porte de Clignancourt. Le gangster le plus recherché de France, s’apprête à quitter le 18e arrondissement de Paris où lui et sa compagne se planquent dans un appartement, rue Belliard. « Il s’apprête à tourner à gauche vers le boulevard Ney. C’est alors que se place devant lui un camion de 3 tonnes, bâché », raconte, dans son sujet diffusé le soir-même au 20 heures de TF1, la journaliste Marie-Laure Augry. Mesrine l’ignore, mais à bord du poids lourd se trouvent des dizaines de policiers armés jusqu’aux dents.
« Surpris, Mesrine tente d’ouvrir la portière, passe la tête, tente de sortir une arme. La fusillade se déclenche immédiatement, elle est sans merci », poursuit la reporter de TF1. Un témoin qu’elle a rencontré lui raconte que les policiers « ont criblé de balles la voiture sans laisser au conducteur la chance de se défendre ». Touché à la tête et au ventre, Jacques Mesrine s’écroule sur son volant, mort. Sa compagne, Sylvia Jeanjacquot, 29 ans, est fauchée par les balles des policiers alors qu’elle tente de s’enfuir. Grièvement blessée, elle est transportée à l’hôpital. « Quant au caniche nain qui se trouvait sur le siège arrière, il est également tué », précise La Nouvelle République dans son édition du samedi 3 novembre 1979.
« L’ennemi public n°1 avait le corps criblé de balles »
Très vite, les journalistes apprennent la nouvelle et foncent porte de Clignancourt. A leur arrivée, le bandit est toujours dans son véhicule, entouré par une impressionnante foule de curieux. « Celui qu’on appelait l’ennemi public n°1 avait le corps criblé de balles, le visage défiguré, sa ceinture de sécurité était bouclée. Visiblement, il n’avait pas eu le temps d’esquisser le moindre geste », raconte l'envoyé spécial de FR3, Jacques Bayle. Certains photographes ont le temps d’immortaliser la scène. La macabre photo fera la une de plusieurs journaux le lendemain, du Parisien comme du Figaro. Au total, les reporters dénombrent 18 impacts sur le pare-brise de la berline et trois autres sur la carrosserie.
Depuis sa spectaculaire évasion de la prison de la Santé, où il purgeait une peine de 20 ans de réclusion pour vol, prise d’otages et tentatives d’homicide, Jacques Mesrine était activement recherché par tous les policiers du pays. Les hommes de l’antigang du commissaire Broussard et ceux de l’OCRB (office central de répression du banditisme) dirigés par Lucien Aimé-Blanc, ont mis fin à 18 mois de cavale. Pour une fois, « les rivalités entre les polices étaient cet après-midi oubliées », observe la journaliste d'Antenne 2, Martine Laroche-Joubert. Il est environ 16h20 lorsque le cadavre de Jacques Mesrine est emporté dans un fourgon de police à l’institut médico-légal afin d’être autopsié.
« Nous ne pouvions pas le laisser utiliser ces grenades »
Quelques heures plus tard, Maurice Bouvier, le directeur central de la police judiciaire qui a supervisé l’opération, donne une conférence de presse et s’emploie à justifier l’embuscade. Mesrine, explique-t-il, avait « dans une sacoche ouverte à ses pieds deux grenades défensives. Nous ne pouvions pas le laisser utiliser ces grenades et nous avons été amenés à tirer. Nous ne pouvions pas permettre à Mesrine de jeter une grenade, et sur nos fonctionnaires, et dans la foule ». Ce grand flic rappelle que lors de son dernier procès, « devant la cour et devant les journalistes, il s’est adressé au commissaire Broussard et lui a dit : "la prochaine fois, dans la rue, c’est celui qui tirera le premier qui aura raison" ».
Les policiers avaient retrouvé sa planque, rue Belliard, quelques jours avant de passer à l’action en suivant Charlie Bauer, un de ses complices qui avait été dénoncé. « C’est un très grand immeuble, avec de nombreux locataires, et par soucis de ne pas casser notre enquête, il nous a été impossible dans un premier temps de procéder à des investigations à l’intérieur, ajoute le commissaire Bouvier. Nous avons donc été amenés à reprendre tout un dispositif de filature et de surveillances pour tenter d’intervenir dans les meilleures conditions, étant donné qu’une intervention dans ces lieux était pleine de risques puisque nous ne connaissions pas l’appartement et que par conséquent nous pouvions aller à une prise d’otages. »
« Exécuté comme un animal »
La famille de Jacques Mesrine, elle, est persuadée qu’il a été assassiné. Quelques jours plus tard, le 12 novembre 1979, la fille et la mère du gangster déposent plainte contre X. 25 années de procédure, une dizaine de juges d’instructions… Et finalement, le 1er décembre 2005, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris confirme l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge parisien Baudoin Thouvenot le 14 octobre 2004. La justice estime que les policiers ont agi en état de légitime défense lorsqu’ils ont aperçu Jacques Mesrine faire un geste comme pour se saisir d’une arme dans sa voiture. Sylvia Jeanjacquot, elle, n’en démord pas. Sur TV5 Monde, elle racontait en 2011 que l’ennemi public n°1 a été « exécuté comme un animal, comme une bête ». « Il n’y a eu aucune sommation. La bâche s’est soulevée, et ils ont tiré immédiatement. »