VIDEO. Toulon: «L'espoir était mort», le «soulagement» des familles des marins disparus sur «La Minerve»
ARMEE•Cinquante ans après avoir coulé, le sous-marin «La Minerve» a été retrouvé à une cinquantaine de kilomètres de ToulonMathilde Ceilles
L'essentiel
- Cinquante ans après avoir coulé, le sous-marin « La Minerve » a été retrouvé à une cinquantaine de kilomètres de Toulon.
- Un « immense soulagement » pour les familles qui se sont battues cinquante ans pour que l’Etat entreprenne de nouvelles recherches.
- Cette découverte ne répond toutefois pas à toutes les questions, notamment les causes de cette disparition.
«Comment ça ? Ils l’ont retrouvé ? » A l’autre bout du fil, Isabelle Doré, 85 ans, est incrédule. Son frère Bernard Doré faisait partie des 52 marins à bord de La Minerve, ce 27 janvier 1968. Ce jour-là, le sous-marin militaire, en exercice au large de Toulon avec 52 hommes à bord, avait coulé en quatre minutes seulement. Malgré les opérations de secours aussitôt entreprises, l’épave n’avait jusqu’ici jamais été localisée.
Un demi-siècle plus tard, les autorités ont annoncé ce lundi avoir retrouvé l’épave à 45 kilomètres de Toulon, à 2.370 mètres de profondeur, un mois seulement après la reprise des recherches. « C’est un immense soulagement et la fin d’une longue attente de cinquante ans pour les familles, explique Hervé Fauve, fils aîné d’André Fauve, lieutenant de vaisseau de La Minerve. L’espoir était mort. J’ai eu la mère d’un des marins qui était en pleurs. »
« Nous n’avions ni corps ni lieu »
Et de confier :
« « Quand j’ai appris cela, j’ai ressenti une émotion très, très forte. J’ai eu une pensée pour ma propre grand-mère morte il y a trois ans sans savoir pourquoi et où mon père était mort. Une pensée pour ma mère qui est partie il y a sept ans sans savoir. » »
Pour certaines familles, le deuil était en effet compliqué à porter, car de nombreuses questions sur les causes et le lieu de la disparition sont restées sans réponse pendant plus de 50 ans. « Nous n’avions ni corps, ni lieu, ni rien, rappelle Hervé Fauve. C’était l’incertitude absolue, ce qui est plus terrible qu’un simple décès. Essayer de savoir fait partie du processus de deuil pour certains. »
Une cérémonie d’hommage in situ
Et de noter : « Il va y avoir pour la première fois une cérémonie d’hommage sur les lieux même, dans les semaines qui viennent. C’est la concrétisation du fait qu’on sait où repose la personne dont on porte le deuil, et cette cérémonie n’a jamais été faite jusqu’alors. Quelque part, c’est essentiel. »
Pour ces familles, c’est aussi la fin d’un long combat. Les recherches avaient en effet été reprises par l’Etat après la mobilisation des proches des marins disparus, qui avaient notamment lancé un appel en octobre dernier. « C’est l’aboutissement d’une quête, souligne Hervé Fauve. Qui pourrait croire que, 50 ans après, on serait parvenu à relancer les recherches et retrouver le sous-marin ? Moi-même, je n’étais pas sûr qu’on y parviendrait. Il y a un an et demi, plus personne ne parlait de cette histoire. Il est certain qu’aujourd’hui, ces marins ressortent de l’oubli, et je ressens une immense satisfaction. »
« On parle pas d’une épingle »
Une attente qui suscite aussi la colère et les questions d’Isabelle Doré. « Ils l’ont retrouvé à 45 kilomètres et 2.370 mètres. Comme quoi, il n’était pas si loin et pas si profond, et ce n’était peut-être pas très compliqué de le trouver, alors qu’on a attendu 50 ans, tacle l’octogénaire, sarcastique. On ne parle pas d’une épingle, hein, mais du seul sous-marin militaire porté disparu ! »
Et de soupirer : « Je suis un petit peu en colère. J’aimerais savoir pourquoi l’Etat n’a pas fait de recherches plus approfondies avant. On nous cache quelque chose, alors que l’on a droit à la vérité. » « Ils ont retrouvé l’épave à un endroit où on ne pensait pas qu’elle était, justifie Hervé Fauve. Mais je conçois parfaitement que cette découverte soulève de nouvelles questions. Pour moi, la priorité était de savoir où elle se situait. Et désormais, nous aimerions savoir ce qui s’est passé. »
De multiples hypothèses ont en effet été avancées pour expliquer ce drame. « On espère avoir des réponses sur ce "pourquoi", même si j’en doute, vu la profondeur et l’état de dislocation, reconnaît Hervé Fauve. Ils sont en ce moment même en train de multiplier les photos de l’épave qu’ils vont analyser. » La préfecture maritime tient ce lundi à 17 heures un point presse durant lequel elle donnera peut-être, enfin, des réponses à ces questions vieilles d’un demi-siècle. Même si, comme le reconnaît Isabelle Doré, « savoir si c’est une panne ou des Russes qui ont coulé La Minerve, cela ne me rendra pas mon frère. »