«Gilets Jaunes»: Christophe Castaner a décoré des policiers soupçonnés de faits de violences
DISTINCTION•Christophe Castaner a remis, le 16 juin, la médaille de la sécurité intérieure a de nombreux policiers dont certains font l’objet d’une enquête pour violences sur des « gilets jaunes »Vincent Vantighem
L'essentiel
- Mediapart a révélé que Christophe Castaner avait distingué plus de 9.000 policiers le 16 juin.
- Selon le site d’investigation, plusieurs policiers distingués sont accusés de faits de violences.
- Selon le ministère de l’Intérieur, il s’agit d’une procédure classique après les manifestations des « gilets jaunes ».
«Un engagement exceptionnel » et « des services particulièrement honorables ». Voilà le type de comportement de policier que la médaille de la sécurité intérieure doit venir récompenser, selon le décret publié lors de sa création en 2012. Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, est accusé, ce jeudi par Mediapart, d’avoir distingué plus de 9.000 policiers dont certains sont impliqués dans des enquêtes pour violences lors du mouvement des « gilets jaunes ». 20 Minutes revient sur toute cette polémique…
De quoi Médiapart accuse-t-il Christophe Castaner ?
« Les médailles de la honte. » Dans un article mis en ligne, mercredi soir, Médiapart explique que le ministre de l’Intérieur a distingué, le 16 juin, plusieurs policiers alors que ceux-ci sont visés par des enquêtes judiciaires ou de l’Inspection générale de la police nationale pour avoir commis des violences lors des manifestations des « gilets jaunes ».
Dans la liste, Mediapart indique qu’ont notamment été récompensés par cette médaille Rabah Souchi, à la tête de la charge de police ayant provoqué les blessures de Geneviève Legay à Nice (Alpes-Maritimes), Bruno Félix, qui commandait les CRS impliqués dans la mort de Zineb Redouane à Marseille (Bouches-du-Rhône) ou encore Grégoire Chassaing, le commissaire qui a donné l’ordre d’envoyer des gaz lacrymogènes sur les quais de la Loire, le soir de la Fête de la musique durant laquelle Steve Caniço a disparu à Nantes (Loire-Atlantique).
S’agit-il d’une « promotion exceptionnelle » ?
Mediapart explique que la médaille de la sécurité intérieure n’est décernée, habituellement, qu’à deux occasions dans l’année : le 1er janvier et le 14 juillet. Ce n’est pas totalement exact. Selon nos informations, le ministère n’hésite pas à décerner cette médaille lorsque les forces de l’ordre ont travaillé sur des « événements marquants ». Ainsi, il y a eu une promotion exceptionnelle lors de l’Euro 2016, de la tempête Irma ou encore de l’incendie de Notre-Dame de Paris.
Une source proche du ministre de l’Intérieur confirme à 20 Minutes que les policiers cités par Mediapart ont bien été distingués, expliquant qu’ils figurent parmi une promotion de 9.162 personnes. Au passage, cette source rappelle que le commissaire de Nantes mis en cause dans la disparition de Steve Caniço a été distingué le 16 juin, soit cinq jours avant que les faits dont il est accusé ne se produisent.
Comment le ministère de l’Intérieur se défend-il des accusations ?
Dans un communiqué envoyé en fin de matinée, le ministère explique que la médaille de la sécurité intérieure sera retirée aux policiers qui seraient, au final, « reconnus responsables d’actes contraires à la déontologie ou de faute et sanctionné à ce titre, ou condamné par la justice ». Autrement dit, si les enquêtes prouvent que des policiers ont commis des fautes, ceux-ci devront rendre leur médaille.
Le ministère de l’Intérieur a-t-il eu du mal à trouver des policiers blessés à qui décerner la médaille ?
Dans son article, Mediapart indique aussi que le ministère de l’Intérieur a dû faire plusieurs appels pour distinguer des policiers, faute de « blessés suffisants », dans ses rangs. Selon les informations transmises par la place Beauvau à 20 Minutes, ce matin, 1.800 policiers ont été blessés lors des multiples manifestations des « gilets jaunes ». Un chiffre à mettre en perspective au regard des 2.400 manifestants « gilets jaunes » également blessés depuis le début du mouvement, le 17 novembre. Il s’agirait donc plutôt d’une volonté de récompenser un grand nombre de policiers impliqués dans le maintien de l’ordre, lors des dernières semaines.
En déplacement à Helsinki (Finlande) pour un conseil des affaires intérieures, Christophe Castaner n’aurait, selon nos informations, pas l’intention de réagir directement aux accusations de Mediapart.