Marseille : Les «Lieutaud», quand des séries d’accidents deviennent une expression
ACCIDENTS•Les accidents sous le pont du cours Lieutaud se succèdent à Marseille, au point de rentrer dans le vocabulaire local…Adrien Max
L'essentiel
- Le cours Lieutaud à Marseille voit se succéder les accidents de la circulation, le dernier en date remonte au 3 janvier.
- Les accidents y sont si réguliers que l’expression un « Lieutaud » est rentré dans le vocabulaire local.
- Heureusement les accidents restent généralement sans gravité, même s’ils n’en demeurent pas moins impressionnants.
Des accidents, heureusement sans gravité, si récurrents qu’ils en sont devenus une adresse. Et même une expression. Chaque année, Marseille voit son lot d’accident sous le pont du cours Lieutaud, l’une des principales artères traversantes de la ville. A chaque fois le même scénario, un camion trop haut se retrouve coincé, au mieux, sous ce pont métallique classé.
2019 n’échappe pas à la règle puisqu’il n’aura fallu attendre que trois jours pour que le premier « Lieutaud » de l’année se produise. Le 3 janvier, un camion est resté bloqué sous le pont. Cathy, vendeuse au magasin de fête Viva Samba est aux premières loges de ce dangereux spectacle. « Je suis ici depuis 30 ans et je peux vous dire que j’en ai vu d’innombrables. J’ai même vu un camion de l’armée se renverser avec un missile », se remémore-t-elle.
« Là où les camions s’encastrent »
Heureusement, aucun accident grave n’est à déplorer. Même si la catastrophe n’est, parfois, pas passée loin. « Un jour j’ai vu le camion arriver droit sur moi, j’ai vite poussé ma fille. Le nez du camion a fini dans la vitrine, en explosant les mannequins », explique Cathy. « Ça fait longtemps que les responsables politiques doivent s’en occuper, jusqu’au jour où… », ajoute-t-elle.
Pour l’instant, elle et sa collègue préfèrent dédramatiser. « Quand on dit qu’on est sous le pont du cours Lieutaud, nos clients ou nos fournisseurs nous répondent "ah oui là où les camions s’encastrent" », en sourit Cathy.
Un problème récurrent
Saïd, employé du garage de l’autre côté de la rue, n’en plaisante pas encore. « Ça reste des accidents, donc, non, on n’en plaisante pas », explique-t-il. Il ne travaille que depuis un an et demi dans ce garage, mais a déjà connu « au moins six ou sept Lieutaud ». Il a d’ailleurs très rapidement identifié le problème : « Les gens ne respectent pas les règles. La hauteur est suffisante sur les voies du milieu, mais ils passent sur les voies de droite ou le pont est plus bas, à cause de l’arrondi. »
La métropole, en charge de la voirie, a bien conscience de ce problème « récurrent ». Mais elle explique avoir fait le nécessaire en matière de signalétique. « Des gabarits de part et d’autre de l’ouvrage ont été installés, ainsi qu’une signalétique en amont interdisant les poids lourds et encore d’autres panneaux temporaires », se défend la métropole.
a« Hallucinant de ne jamais avoir eu de blessé »
Saïd et Caroline, qui travaille dans l’assurance voisine du garage, partagent le même constat : « La plupart du temps, il s’agit de chauffeurs étrangers, d’Allemagne, des Pays-Bas. Ils ne doivent pas voir la signalétique, ou ne la comprennent pas. » Pour Caroline, « c’est hallucinant de ne jamais avoir eu de blessé. Quand ils ne roulent pas trop vite, ils coincent seulement leur toit dans le pont. Mais quand ils roulent à fond, ils se retournent et glissent sur le côté en encastrant toutes les voitures stationnées. » Cathy a même vu une dame se retrouver coincée dans son habitacle, sous le poids d’un camion. A chaque fois la circulation se retrouve bloquée pendant de longues heures, le temps de garer le camion, occasionnant d’importants bouchons.
Les travaux de requalification du cours Lieutaud, prévus pour cette année, devraient néanmoins régler le problème ponctuellement. « Seules les deux voies centrales seront accessibles aux véhicules », détaille la métropole. L’ouverture de la L2 en octobre dernier, la rocade contournant Marseille, y a déjà beaucoup contribué.