Qu’est-ce que les «rip-deal», ces arnaques qui explosent depuis deux ans?
CRIMINALITÉ•Ces arnaques portant le plus souvent sur des transactions immobilières connaissent une forte recrudescence...Thibaut Chevillard
L'essentiel
- En mars 2018, les enquêteurs de la police judiciaire ont interpellé huit malfaiteurs qui avaient escroqué huit personnes à hauteur de 5 millions d’euros en utilisant la méthode du « rip-deal ».
- Ces arnaques à la transaction portent le plus souvent sur des biens immobiliers.
- Selon un rapport de la police judiciaire, ces escroqueries sont en fortes recrudescences depuis deux ans.
A Cannes, il menait la grande vie. Montre à plus de 100.000 euros au poignet, conduisant des voitures de luxe, et vivant dans des palaces. Ce Serbe considéré comme un escroc d’envergure internationale a finalement été interpellé le 13 août dernier par les enquêteurs de la police judiciaire. Quelques jours plus tôt, il avait arnaqué un homme d’affaires sud-coréen, auquel il avait proposé 2 millions d’euros en liquide contre l’équivalent en Bitcoins, la principale monnaie virtuelle, transférés sur un compte. Mais les billets que ce dernier lui avait remis dans une chambre d’hôtel du Negresco, à Nice, étaient de faux grossiers.
Spécialité d’équipes de gens du voyage sédentarisés originaires des pays de l’est, l’arnaque à la transaction - aussi appelée « rip-deal » ou « marché pourri » - connaît une forte recrudescence depuis deux ans, explique la commissaire divisionnaire Corinne Bertoux, cheffe de l’OCRGDF (Office central pour la répression de la grande délinquance financière). Dans ce cas-là, elles portaient sur des bitcoins payés avec de faux billets. Mais le plus souvent les escrocs s’intéressent aux bien immobiliers et utilisent une autre méthode. Ils commencent par parcourir les petites annonces avant de contacter un vendeur.
Table à « rip-deal »
Pour le mettre en confiance et montrer qu’ils ont beaucoup d’argent, ils lui donnent rendez-vous dans un hôtel de luxe et arrivent au volant de grosses berlines, vêtus d’un beau costume. « Généralement, ils ne discutent pas trop le prix et ne vont même pas voir le bien », poursuit Corinne Bertoux. En revanche, ils vont proposer au vendeur de régler une partie du prix « en dessous de table, pour des motifs fiscaux », en devises étrangères. Puis, ils lui suggèrent d’échanger ces devises contre des euros, « avec un taux de change très avantageux pour la victime et une plus-value conséquente », indique le rapport annuel du Sirasco.
Dès qu’un vendeur accepte le deal, le piège se referme sur lui. Généralement, les escrocs présentent à la victime de vrais billets, lors d’un rendez-vous organisé dans une discrète chambre d’hôtel. Ils lui laissent des faux avec lesquels il repart. Comment font-ils ? Ils les placent dans une table à rip-deal, dans laquelle est dissimulé un complice. Après avoir présenté à l’acheteur de vraies coupures, le complice caché dans le meuble les remplace par de la fausse monnaie. Et les victimes n’y voient que du feu.
Des victimes discrètes
Dans d’autres cas, les escrocs expliquent simplement à la victime que l’opération ne peut se faire. Ils lui redonnent alors ses billets qu’elle leur avait confiés en arrivant et qui avaient été prudemment déposés, durant la discussion, dans la fameuse table à rip-deal… Elle repart là aussi avec des faux. Mais ils leur arrivent aussi de s’emparer violemment de l’argent avant de se volatiliser dans la nature. Les transactions étant en partie frauduleuses, les victimes hésitent souvent à déposer plainte.
« A partir du moment où il y a un dessous-de-table, elles commettent elles-mêmes des infractions », souffle Corinne Bertoux. Difficiles donc d’estimer précisément le nombre de victimes. Ce qui est sûr, c’est que les limiers de la police judiciaire démantèlent de plus en plus de réseaux. En mars dernier, ils ont interpellé huit personnes qui avaient escroqué huit victimes à l’étranger à hauteur de 5 millions d’euros. Ils avaient saisi des bijoux, des montres de luxe. Ainsi que 4 millions d’euros de fac-similés de billets. Et une « table de rip-deal ».