Toulouse : Brutalisés et transformés en esclaves, des mendiants étaient à la merci de mafieux bulgares
TRAITE HUMAINE•Onze Bulgares ont été interpellés par la police toulousaine cette semaine après le démantèlement d’un réseau de traite d’humains. Les chefs mafieux tyrannisaient les mendiants postés aux feux rouges de Toulouse…Béatrice Colin
L'essentiel
- La police toulousaine a démantelé en milieu de semaine un réseau international de traite d’êtres humains organisé par des mafieux bulgares.
- Onze personnes ont été interpellées. Quatre sont sous les verrous et sept étaient présentées ce vendredi à un juge d’instruction.
L’horreur, dans ce qu’elle a de plus inhumain. C’est ce qu’ont découvert les policiers de la sûreté départementale de Toulouse mardi, lors de leur arrivée sur un camp de fortune installé dans le quartier de Gabardie.
Au petit matin, 160 membres des forces de l’ordre ont débarqué au milieu des baraquements pour mettre fin à un réseau international d’êtres humains qui durait depuis plusieurs mois. Là, se trouvaient 33 mendiants d’origines bulgares. Et leurs onze bourreaux, membres de cinq clans en provenance de Pleven, une bourgade à mi-chemin entre Sofia et Bucarest.
C’est aussi de ce coin de Bulgarie que venaient leurs victimes, souvent en situation de faiblesse. Après les avoir recrutées en leur promettant de se faire de l’argent en France grâce à la mendicité, ils les tyrannisaient et les empêchaient de pouvoir s’échapper en leur supprimant leurs papiers d’identité.
Frappés et alcoolisés
« Sur place, chaque mendiant appartient à un clan. Il leur donnait de l’alcool, et était conditionné par la violence. Les mendiants étaient répartis sur des territoires et à l’image du deal, les carrefours se marchandent et les mendiants peuvent être revendus ainsi jusqu’à 500 euros », indique le commissaire Kevin Gutter.
Postés boulevard de Suisse, près d’Auchan Gramont ou encore aux Ponts-Jumeaux, ils avaient des objectifs quotidiens. Pour leur mettre la pression, leur chef les appelait régulièrement sur un portable bloqué.
Et s’ils n’atteignaient pas la somme attendue, pouvant aller jusqu’à 400 euros par jour, ils étaient frappés. « La semaine dernière, l’un d’eux s’est même fait rouler dessus par une voiture. Dès qu’ils réclament leurs dus, ils étaient violentés, parfois reçoivent des coups de couteau. L’un a même été blessé par balle. Ça fait froid dans le dos », poursuit l’adjoint au responsable de la sûreté départementale de la Haute-Garonne.
Comble de l’ironie, les policiers ont même retrouvé des registres à jour et livres de compte.
Voitures de luxe et maisons en Bulgarie
Après une première plainte d’un mendiant il y a un an, les enquêteurs de la brigade criminelle et de répression des atteintes aux personnes sont mis sur la piste de ce réseau. Et ont réalisé un travail de longue haleine. Pas vraiment facile, en raison de l’omerta qui sévit dans ce milieu et les pressions exercées. Rares sont ceux qui ont voulu témoigner auprès de la police, mais au final, une dizaine de plaintes ont été recensées.
Le parquet de Toulouse a alors ouvert au printemps une information judiciaire pour traite d’êtres humains en bande organisé, exploitation de la mendicité mais aussi blanchiment aggravé. Car la majorité des bénéfices repartait en Bulgarie où les chefs de clan avaient des maisons et voitures de luxe.
Sur les onze personnes interpellées mardi, quatre sont déjà sous les verrous. Et au cours de l’après-midi, les sept autres étaient présentés au juge d’instruction en vue de leur mise en examen.
Quant aux 33 victimes, elles ont été prises en charge et la grande majorité a déjà indiqué qu’elle voulait rentrer en Bulgarie.