Violences, agressions sexuelles... Le parcours judiciaire chaotique de Marc Machin
JUSTICE•Depuis son acquittement, en 2012, Marc Machin enchaîne les déboires judiciaires…Thibaut Chevillard
L'essentiel
- Marc Machin a été condamné en 2004 et en 2005 pour un meurtre qu’il n’a pas commis.
- La justice a définitivement reconnu son innocence en 2012.
- Depuis sa libération, il s’est retrouvé plusieurs fois au tribunal.
Marc Machin est de retour en prison. Celui qui avait passé six ans et demi derrière les barreaux pour un crime qu’il n’a pas commis a été interpellé, jeudi dernier, trois jours après avoir fêté son 36e anniversaire. Il est soupçonné d'avoir violé une femme dans le XIe arrondissement de Paris, le 21 avril dernier, en la menaçant avec un couteau puis de lui avoir volé sa carte bleue. Au terme de 48 heures de garde à vue, il a été mis en examen dimanche par le magistrat instructeur pour « viol sous la menace d’une arme, extorsion avec arme et escroquerie » et a été placé en détention provisoire, indique à 20 Minutes une source judiciaire.
Les ennuis judiciaires de ce grand gaillard au visage de boxeur, cheveux rasés, ont commencé en décembre 2001. Alors âgé de 19 ans, ce fils de gardien de la paix, qui vit dans le XVIIIe arrondissement, est arrêté par les limiers de la brigade criminelle qui le soupçonnent d’avoir tué une femme, quelques jours plus tôt, sur le pont de Neuilly (Haut-de-Seine). Sans emploi, consommateur de cannabis, déjà connu de la justice pour des vols, des violences avec armes et des agressions sexuelles, il aurait été aperçu sur les lieux par un témoin. Pour les policiers, il a le profil du coupable idéal.
18 ans de réclusion criminelle
« Après trente-six heures au Quai des Orfèvres, la fatigue, la pression des questions, de la suspicion, ce doute immiscé sournoisement pour suggérer qu’il aurait perdu la tête et commis le pire, ramollissent le cuir du jeune homme », raconte Valérie Mahaut, journaliste au Parisien et auteure du livre « Une erreur judiciaire presque parfaite » *. Vers 1h30 du matin, dans le petit bureau d’un chef procédurier, il reconnaît finalement avoir poignardé Marie-Agnès Bedot, une secrétaire de direction, mère de trois enfants, et s’être débarrassé de l’arme en la jetant dans la Seine.
Le 9 septembre 2004, la Cour d’assises des Hauts-de-Seine le condamne, pour ce meurtre, à 18 ans de réclusion criminelle. Une peine confirmée un an plus tard, en appel, par la Cour d’assises des Yvelines. Pourtant, depuis qu’il a été mis en examen, Marc Machin crie son innocence, souligne que les analyses ADN ne l’impliquent pas, assure avoir avoué sous la pression policière. Il faudra attendre le mois de mars 2008 pour que la justice commence à douter sérieusement de sa culpabilité. Une nuit, un homme pénètre dans le commissariat de la Défense, tend ses papiers d’identité au policier de l’accueil, et lance : « Je suis venu me constituer prisonnier de deux meurtres. »
Acquitté
David Sagno, un SDF de 33 ans, avoue le meurtre non élucidé de Maria-Judith Araujo, étranglée et égorgée avec un tesson de bouteille sur le pont de Neuilly, le 22 mai 2002. Mais il reconnaît aussi avoir poignardé, six mois plus tôt, avec un couteau à pain, au même endroit, Marie-Agnès Bedot. Une nouvelle enquête est alors ouverte par le procureur de Nanterre, Philippe Courroye. « Fondée cette fois-ci sur le doute, elle est menée avec célérité et dans la plus grande discrétion », écrit Valérie Mahaut dans son livre. Et une nouvelle fois, la brigade criminelle est saisie.
Au regard de ces nouveaux éléments, la garde des Sceaux, Rachida Dati, saisit la commission de révision des condamnations pénales d’une requête en révision en mars 2008. Marc Machin sort de prison sept mois plus tard. Sa condamnation pour meurtre est annulée le 13 avril 2010 par la cour de révision qui ordonne un nouveau procès. En 2012, il devient la huitième personne depuis la seconde guerre mondiale à être acquittée d'un crime. La justice, qui a reconnu le préjudice moral et matériel, ne lui a accordé que 663.320 euros. David Sagno, lui, a écopé de trente années de réclusion criminelle pour le meurtre Marie-Agnès Bedot.
« Rattrapé par mes vieux démons »
« C’est un soulagement et un dénouement, maintenant la vie continue », déclare-t-il à la presse à l’époque. Mais Marc Machin n’en a pas fini avec la justice pour autant. En juin 2009, quelques mois après être sorti de prison, le jeune homme est interpellé, soupçonné d’avoir agressé sexuellement une canadienne de 35 ans ainsi que deux adolescentes de 14 et 15 ans. « J’ai été rattrapé par mes vieux démons, ma colère et ma frustration ont pris le pas sur ma réflexion », explique-t-il lors du procès. Cette fois, il écope de trois années de prison et de cinq ans de suivi socio-judiciaire avec injonction de soins.
En février 2013, il est interpellé dans le XVIIIe arrondissement et placé en garde à vue pour recel de téléphone portable et violences. Des faits pour lesquelles il sera condamné à six mois de prison avec sursis. L’année suivante, il est arrêté par la police dans le nord-est de la capitale après s’être battu avec voisin au sujet d’une camionnette qu’il lui avait achetée. Reconnaissant devant la cour avoir « un comportement impulsif », il est condamné par le tribunal correctionnel à 400 euros d'amende pour outrages et violences. « Je ne suis pas fier de la tournure des évènements », soufflait-il depuis le box des accusés.
Violences et agressions sexuelles
Marc Machin retourne brièvement en détention en janvier 2016. Sous le coup de trois condamnations auxquelles il s’était soustrait, il a été arrêté dans un hôtel du IXe arrondissement de Paris par les policiers de la Brigade de l’exécution des décisions de justice. Il avait notamment été condamné, en novembre 2015, à six mois de prison pour des violences volontaires sur une ex-compagne. Il faisait aussi l’objet de deux autres fiches de justice pour deux peines de six mois de prison chacune. Là encore, pour des agressions sexuelles.
Contacté ce lundi par 20 Minutes, son avocat, maître Louis Balling, n’a pas répondu à nos sollicitations.
* Une erreur judiciaire presque parfaite, de Valérie Mahaut. Editions du Moment, ISBN 978-2354171810, 234 pages