Evasion à Brest: «On n'a pas mis tous les moyens en oeuvre pour encadrer ce détenu»
PRISON•Christopher Dorangeville, secrétaire général de la CGT Pénitentiaire, revient pour «20 Minutes» sur l'évasion d'un détenu fiché «S» de la prison de Brest...Propos recueillis par Thibaut Chevillard
L'essentiel
- Un détenu de la maison d’arrêt de Brest, « fiché S » en raison d’une « tendance à la radicalisation » s’est évadé mardi matin.
- Pour le secrétaire général de la CGT Pénitentiaire, les personnels qui escortent les détenus à l’hôpital doivent être mieux armés et formés.
Pouvait-on l’éviter ? Mardi matin, un détenu incarcéré à la maison d’arrêt de Brest s’est évadé alors qu’il avait été extrait de sa cellule pour être amené à l’hôpital. Anthony P., 21 ans, faisait l’objet d’une fiche «S» et « était suivi en raison de sa radicalisation religieuse », a indiqué le ministère de la Justice.
Malgré l’inquiétant profil de ce prisonnier, les personnels qui l’accompagnaient n’étaient pas armés. Christopher Dorangeville, secrétaire général de la CGT pénitentiaire, estime que les agents qui réalisent ce type de missions doivent être davantage armés et formés.
Le détenu a, semble-t-il, appris il y a plusieurs jours qu’il allait être extradé pour aller à l’hôpital. Cela constitue-t-il un dysfonctionnement ?
Si c’est le cas, cela serait problématique. Cela voudrait dire qu’il a eu le temps de préparer son évasion, de s’organiser. Mais même si c’était le cas, cela n’enlève pas le fait que l’administration pénitentiaire ne met pas les moyens suffisants pour encadrer ce type de sortie. On parle beaucoup de cette affaire à cause du profil de ce détenu, qui est fiché «S». Mais des évasions lors d’extractions médicales, cela arrive, hélas. Il n’y a pas assez d’agents pour encadrer les prisonniers, et ils sont dotés de très peu de matériel.
Le ministère de la Justice explique que l’escorte « qui accompagnait le prévenu était composée de trois personnes, ce qui correspond à un niveau de sécurité important ». Qu’en pensez-vous ?
Ils ont envoyé, pour escorter ce détenu à l’hôpital, trois surveillants non armés, simplement équipés d’un sifflet et d’une paire de menotte ! L’administration a respecté les règles qu’elle a elle-même dictées sous couvert du manque de personnel, du manque de matériel… Mais ces règles sont largement insuffisantes. On n’a pas mis tous les moyens en œuvre pour encadrer ce détenu.
Quelle est la différence entre une extraction médicale et une extraction judiciaire, ordonnée par l’autorité judiciaire ?
Les extractions judiciaires sont prises en charge par les Prej, les pôles de rattachement d’extractions judiciaires. Les personnels qui les composent sont armés et formés pour réaliser ce type de mission. Les extractions médicales, elles, sont effectuées par le personnel de l’établissement. Or, ils ne sont pas autorisés à porter une arme sur la voie publique, c’est problématique.
L’armement a quand même un effet assez dissuasif pour ceux qui voudraient en profiter pour s’évader. Malheureusement, les détenus ont bien compris la différence qui existe dans la prise en charge de ces extractions. Je ne suis pas sûr que les choses se seraient passées de la même manière s’il avait été accompagné de personnels comme ceux des Prej.
Pour résumer, que faut-il, selon vous, pour éviter que ce genre d’incident ne se reproduise ?
Il faut souligner que le risque zéro n’existe pas. Mais pour renforcer la prise en charge des détenus lors de ces extractions, il faudrait, a minima, des personnels armés, mieux formés. Ils pourraient aussi obtenir le renfort des forces de sécurité intérieur pour les missions délicates.
La Chancellerie explique qu’un nouveau dispositif visant à « mieux professionnaliser cette activité d’escorte de détenus sur la voie publique » a été élaboré et est actuellement présenté aux organisations représentatives du personnel. Qu’en pensez-vous ?
Il ne nous a pas encore été présenté. Une réunion est prévue prochainement sur ce sujet. Mais nous n’avons pas d’informations sur le dispositif qu’ils souhaitent mettre en place.