VIDEO. Débordement pendant les manifestations du 1er-Mai: Le casse-tête des black blocs
VIOLENCE•Près de 1.200 personnes ont infiltré les cortèges syndicaux du 1er-Mai, mardi, à Paris, causant de nombreux troubles…Caroline Politi
L'essentiel
- Les manifestations syndicales du 1er-Mai ont été entachées par plusieurs scènes de violence.
- A Paris, 109 personnes ont été placées en garde à la suite de la manifestation.
- Selon la préfecture, quelque 1.200 black blocs étaient présents dans le cortège.
Le scénario envisagé par la préfecture s’est finalement produit. Mardi, près de 1.200 membres des black blocs se sont mêlés au traditionnel cortège du 1er mai à Paris avec la volonté d’en découdre. Tout de noir vêtu, le visage cagoulé ou dissimulé sous des casques de moto, parfois équipés d’engins explosifs ou de burins, ils se sont violemment opposés aux forces de l’ordre, poussant le défilé syndical à prendre un chemin détourné. « Une première », selon le préfet de police, Michel Delpuech.
A y regarder de plus près, le bilan est mitigé. Sur le plan humain, un policier et trois manifestants ont été « très légèrement blessés », indique la préfecture. L’an dernier, six membres des forces de l’ordre avaient été blessés, dont deux grièvement et au moins un manifestant avait été hospitalisé après une violente chute. De même, d’après les autorités, 31 commerces ont été dégradés dont deux incendiés, six véhicules ont été incendiés et dix autres endommagées. Des dégradations chiffrées à quelques centaines de milliers d’euros selon le préfet mais qui restent largement inférieures à celles commises lors du mouvement contre la loi Travail où des dizaines de commerces étaient régulièrement pris pour cible.
Un déficit d’effectifs ?
Reste que cette présence inédite de militants radicaux – ils sont rarement plus de 800 – interroge sur la stratégie policière. Les renseignements parisiens avaient anticipé la présence de black blocs, les effectifs avaient été relevés : 1.500 policiers étaient chargés de sécuriser la manifestation et les lieux sensibles, notamment les universités, susceptibles d’être occupées. Insuffisant selon plusieurs syndicats policiers qui ont dénoncé un sous-dimensionnement du dispositif. Un point de vue que semble soutenir Gérard Collomb puisque le ministre de l’Intérieur a promis « encore plus de forces de l’ordre lors des prochaines manifestations ».
A l’inverse, le préfet de police a contesté le fait que l’effectif était sous dimensionné. « C’était assez », a-t-il asséné sur France Inter, rappelant qu’ils étaient plus nombreux qu’en 2017. « La question des effectifs ne satisfera jamais tout le monde, estime Jean-Michel Schlosser, ancien policier devenu sociologue. S’il y a trop de forces de l’ordre, cela peut être considéré comme une provocation, à l’inverse s’il n’y en a pas assez ils ne peuvent pas faire face. »
Maintien de l’ordre « à la française »
Le maintien de l’ordre « à la française », c’est-à-dire fondé sur une mise à distance des manifestants, est-il mis à mal par les black blocs ? Plus que les effectifs, c’est la question de la stratégie qui se joue face à ces groupes de plus en plus organisés, qui prennent désormais la tête des cortèges avec une volonté affichée d’en découdre. « Depuis une dizaine d’années, les règles et codes traditionnels de cette “théâtralisation” du maintien de l’ordre sont en déclin et régulièrement remis en cause, en particulier dans la capitale », notait en décembre 2017 le défenseur des droits. D’un côté, les blacks blocs, « recherchent l’affrontement direct avec les forces de l’ordre », de l’autre, les policiers ne jugent pas toujours légitimes « les revendications ou modes de contestation » des manifestants.
Pour s’adapter à ces évolutions, la préfecture de police a mis sur pied en février 2017 la cellule Synapse chargée de passer au crible les manifestations. Comment se forment les black blocs, quels sont leurs codes, leurs signes de ralliement ? Mais les fonctionnaires se penchent également sur l’action des policiers et des gendarmes. Quelles actions sont les plus efficaces face à telle ou telle population ? « Pendant longtemps, on travaillait au jour le jour. Si une technique marchait, on la reproduisait. Dès qu’il y avait un échec, on arrêtait », expliquait en octobre dernier le commissaire divisionnaire Alexis Marsan, adjoint au chef d’état-major de la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC).
De la théorie à la pratique
Certains changements ont d’ores et déjà été amorcés. Avant même la fin de l’état d’urgence qui ne permet plus un filtrage systématique des manifestants, ce dispositif avait été abandonné, jugé inefficace car impossible à maintenir sur tout le parcours. Les infiltrations de policiers en civil ont également été arrêtées. « Certains pourraient s’en prendre à des manifestants en pensant qu’ils sont policiers », expliquait le chef de la cellule, le commissaire Maxence Creusat à 20 Minutes.
En revanche, la stratégie d’encerclement (nasse) qui avait été théoriquement délaissée – jugée peu efficace et génératrice de nouvelles tensions – a été utilisée ce mardi. Ce qui explique un nombre particulièrement important d’interpellations : 283 contre 5 l’an dernier. D’ordinaire, les forces de l’ordre préfèrent des interpellations ciblées, basées sur la vidéosurveillance.
L’heure est à peine au bilan que déjà la préfecture doit se préparer à la prochaine manifestation. Samedi, une manifestation surnommée « La fête à Macron » doit se tenir dans la capitale. Un dispositif de sécurité est actuellement en réflexion pour éviter que le cortège soit à nouveau infiltré.