Viols dans la Sambre: «Les victimes n’ont jamais pu tourner la page car elles savaient que l’auteur rôdait encore»
INTERVIEW•Pascal Lepinois, commissaire de la ville belge d'Erquellines, raconte comment les policiers belges ont travaillé pendant quatorze ans sur les agressions sexuelles commises dans le secteur...Propos recueillis par François Launay
Dans les rues, dans les bars, au travail tout le monde ne parle que de ça. Commune belge paisible de 10.000 habitants située à la frontière française, Erquellines est au cœur de l’actualité depuis quelques jours. L'arrestation à Pont-sur-Sambre de Dino Scala, qui a reconnu avoir commis une quarantaine de viols et d’agressions sexuelles ces trente dernières années a eu un écho considérable de l’autre côté de la frontière.
Car c’est dans cette ville de Belgique que le quinquagénaire a commis sa dernière agression sexuelle avant d’être arrêté trois semaines plus tard à son domicile. C’est aussi ici qu’une dizaine d’agressions sexuelles ont été commises ces dernières années. Pascal Lepinois, commissaire de la commune, a reçu 20 Minutes pour revenir en détail sur le volet belge de cette affaire hors-norme.
De quand datent ces différentes affaires d’agressions sexuelles en Belgique ?
Les premières victimes datent de 2004. On dénombre une dizaine de victimes. Il y a certains éléments qui rattachent des faits l’un à l’autre et on verra si on a véritablement affaire au même auteur. On n’a pas de certitude sur tous les faits et c’est pour cela qu’on n’a pas un nombre précis. Il y a certains faits pour lesquels des traces d’ADN avaient été prélevées à l’époque donc on pourra certifier à ce moment-là que les faits ont été faits par le même homme. Jusqu’à maintenant, on avait les traces ADN mais pas l’identité de la personne. L’enquête a été menée côté français, il y a une déclaration du procureur de la République qui semble confirmer qu’il y ait à la fois des aveux et une concordance au niveau des faits.
Depuis 2004, il y avait chaque année des agressions sexuelles à Erquellines ?
Oui. Ça semblait récurrent au niveau de la période. C’était toujours l’hiver, en janvier-février. Il y avait en moyenne un ou deux faits par an jusqu’en 2011, puis plus rien jusqu’au 5 février dernier. Avant de se rendre compte qu’il y avait un phénomène, on a ciblé des moments, des endroits.
On a fait des patrouilles pour identifier cet homme qui répondait à quelques caractéristiques physiques comme le port d’un bonnet. Ces patrouilles se faisaient également côté français car on travaillait avec la France vu que le phénomène ne se situait pas qu’en Belgique. Le temps qu’on se rende compte qu’on avait sans doute affaire au même homme, on a pris contact avec nos homologues français.
Au bout de combien de temps vous êtes vous rendu compte qu’il s’agissait de la même personne ?
Les premiers faits datent de 2004 mais il n’y en a eu qu’un seul cette année-là. Puis, il ne s’est plus rien passé pendant un an.. Au bout du troisième fait, on s’est rendu compte que c’était à la même période avec le même mode opératoire. C’était toujours très tôt le matin, toujours sur un trajet habituel emprunté par une victime. Ça veut dire qu’il y avait certainement du repérage. Et puis, à un moment donné, il se mettait sur le trajet pour pouvoir appréhender la personne par-derrière et l’emmener dans un buisson ou un endroit dérobé.
Y a-t-il eu une psychose dans le secteur au vu de ces différents faits ?
Oui. On parlait beaucoup de ça sur Erquellines. Je sais qu’il y a des femmes qui n’osaient plus emprunter leur chemin habituel pour aller au travail. Elles prenaient des précautions ce qui est normal, car il y avait de quoi s’inquiéter.
Avez-vous contacté les victimes ?
Non, pour des questions de procédure. L’enquête s’est déroulée en France et c’est là que l’auteur potentiel y a été arrêté. Officiellement en Belgique, on n’est pas encore saisi de l’affaire. Il faut qu’on se ressaisisse de l’affaire pour organiser les futures enquêtes dans ce cadre-là. C’est une question de jours. Du coup, on n’a pas encore d’informations précises au sujet des victimes agressées en Belgique.
Combien de victimes avez-vous identifiées en Belgique ?
Il y en a au moins une dizaine qui sont liées. C’est énorme. Mais au vu des aveux, l’auteur parle de 40 faits, donc il y a peut-être des faits dont on n’a pas connaissance car il n’y a pas eu de dépôt de plainte par exemple. Peut-être que de nouvelles victimes vont se présenter en sachant qu’il y a aujourd’hui un auteur potentiel qui a été arrêté. Mais depuis mercredi, il n’y a personne qui s’est encore manifesté.
Aujourd’hui, peut-on parler de soulagement ?
Oui, clairement. Les victimes n’ont jamais pu tourner la page car elles savaient que l’auteur rôdait encore. C’est très important pour elles de savoir que justice se fasse. Et puis ce qui est intéressant dans cette affaire, c’est que c’est grâce à la collaboration entre les polices belge et française, grâce aux échanges d’informations qu’on a pu enfin aboutir à une interpellation