Affaire Maëlys: «Nous avons relevé plus d’une centaine de traces, dont cette marque de sang»
INTERVIEW•Les experts scientifiques de la gendarmerie sont parvenus à retrouver une trace de sang dans le véhicule de Nordahl Lelandais...Propos recueillis par Thibaut Chevillard
L'essentiel
- Nordahl Lelandais a avoué mercredi être à l'origine de la mort de Maëlys.
- Pendant six mois, il a nié être impliqué dans la disparition de la fillette.
- Les experts de la gendarmerie sont parvenus à retrouver dans son coffre une trace de sang appartenant à l’enfant.
Depuis plusieurs mois, il niait être impliqué dans la disparition de la petite Maëlys. Et puis Nordahl Lelandais a appris de la bouche de son avocat que les experts de la gendarmerie avaient découvert dans son coffre une trace de sang appartenant à la fillette.
Un élément qui l’aurait poussé à indiquer au magistrat instructeur l’endroit où il avait déposé le corps. Le colonel Patrick Touron, patron de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), explique à 20 Minutes le travail de ses experts scientifiques.
Comment les experts de l’IRCGN ont-ils travaillé pour trouver une trace de sang de Maëlys dans le véhicule de Nordahl Lelandais ?
Lorsque le magistrat nous a saisis des premières expertises, nous avons examiné le véhicule qu’ils suspectaient d’avoir servi au suspect. Il nous a demandé de rechercher des traces possibles de la fillette qui avait disparu. Nous avons procédé à la recherche de fibres, de poils, de cheveux, d’empreintes digitales ou de traces de sang, d’ADN. Nous étions 14 à travailler dessus durant deux jours. Nous avons retrouvé une trace d’ADN de contact qui pouvait être associé à la victime.
Nous avons rendu notre dossier au magistrat. Lors des investigations, nous avons découvert que l’intéressé avait nettoyé son véhicule de manière extrêmement importante. Le juge nous a donc demandé de rechercher des traces, mais dans les zones qui ne sont pas accessibles pour une personne qui procède au nettoyage du véhicule. Pour cela, nous avons démonté un certain nombre de pièces. C’est ce qui nous a permis de mettre en évidence de l’ADN d’une trace de sang. C’était suffisant pour formellement affirmer que c’était du sang et qu’il appartenait à la victime.
Comment avez-vous précisément procédé ?
Nous disposons d’éclairages optiques extrêmement puissants. Dans cette affaire, nous avons utilisé des lampes polychromatiques : on fait parcourir les longueurs d’onde sur la surface jusqu’à ce que quelque chose apparaisse. Nous avons relevé plus d’une centaine de traces qu’on a analysées, dont cette petite trace de sang. On a ainsi été en mesure de dire formellement qu’elle appartenait à la victime.
C’est un point clé. Le suspect pensait avoir tout nettoyé, cette découverte a donc été déstabilisante pour lui. Ce n’est ni une trace de contact, ni une trace de transfert, c’était du sang. C’est extrêmement incriminant au regard de sa défense.
Les experts de l’IRCGN se sont aussi rendus là où une partie du corps a été retrouvée. Dans quel but ?
Notre mission, c’est de récupérer tous les éléments. Ceux appartenant à la victime. On va les récupérer et étudier leur positionnement, c’est très important. Pour cela, le médecin légiste qui s’en occupe est accompagné d’un anthropologue. Ce dernier va examiner l’ensemble des ossements et regarder s’il y a des traces de contusions particulières, de coupures qui pourraient signifier une blessure au couteau ou avec une arme. Ensuite, il faut s’assurer qu’il s’agit bien de la victime. C’est pour cela que nous avons envoyé sur place le laboratoire ADN.
On fait aussi venir des spécialistes en faune et flore forensiques. Des gens qui vont étudier la végétation, le sol qui environne le corps et les animaux de manière à confirmer que le corps n’a pas été bougé, qu’il a bien été déposé à cet endroit il y a six mois. Car pour l’instant, il n’y a que la version donnée par le suspect. Dit-il la vérité ? Il faut s’en assurer et pour cela, il faut étudier l’ensemble des traces trouvées aux alentours. Chaque couche de sol va être examinée. Il y a eu des dépôts de feuille, de pollen… C’est un travail méthodique qui s’apparente à l’archéologie.
Nous avons aussi des techniciens en investigation criminelle qui sont présents et qui vont relever tout ce qui est chaussure, vêtement, traces, projectiles… On va tout rechercher car il y a aussi tout ce qui environne le corps. Etait-il emballé ? Enveloppé dans un tissu ? Ou a-t-il été transporté tel quel ? Physiquement, est-ce qu’une seule personne peut déposer le corps là où il est ? Il y a beaucoup de questions que l’on peut se poser. Il faut tout remettre en situation. Il y a aussi des spécialistes qui vont fixer la scène, la numériser, pour vérifier ensuite les différentes hypothèses qui seront émises lorsque le suspect va s’exprimer.
Au regard des avancées de la science, il semble de plus en plus difficile pour un malfaiteur de ne plus laisser de traces…
Il y a 64.000 personnes en prison qui pensaient qu’ils ne se feraient pas attraper. On peut évidemment nous rendre la tâche compliquée. Mais il y a beaucoup de choses qui peuvent jouer : les traces numériques, les traces vidéos, des témoignages… Même si on prémédite tout, il y a toujours une chose qui peut échapper.