VIDEO. Assassinat du préfet Erignac: Retour sur une affaire d’Etat qui fait toujours parler d’elle, 20 ans après
CORSE•Emmanuel Macron se rend en Corse pour rendre hommage préfet Claude Erignac, assassiné par des nationalistes le 6 février 1998…M.Cei.
L'essentiel
- Pour sa première visite en tant que président de la République en Corse, Emmanuel Macron a choisi une date symbolique : les 20 ans de l’assassinat de Claude Erignac.
- Le 6 février 1998, le préfet a été abattu de trois balles dans la tête, alors qu’il est dos au tireur.
- En mai 1999, Yvan Colonna devient l’homme le plus recherché de France après avoir été accusé d’être le tireur.
La date est hautement symbolique. Pour sa première visite en Corse depuis son élection à la présidence de la République, Emmanuel Macron a choisi le 6 février 2018, soit la date anniversaire de l’assassinat du préfet Erignac, un soir de février à Ajaccio. Retour sur une affaire d’État toujours d’actualité, 20 ans après les faits.
6 février 1998 : Le préfet Erignac est tué. Il est environ 20h40 à Ajaccio, ce 6 février 1998. Claude Erignac quitte son bureau. Ce haut fonctionnaire a été nommé deux ans plus tôt préfet de Corse, dans un contexte de tensions au sein de l’île. Des guerres fratricides entre nationalistes font plusieurs morts. Une prise d’otages de deux gendarmes a même lieu quelques mois avant cet assassinat. C’est au cours de cette prise d’otage que sera volée l’arme du crime.
Car, après avoir déposé son épouse devant un théâtre, où le couple va assister à un concert de musique classique, le préfet gare sa voiture un peu plus loin. Remontant la rue du colonel Colonna-d’Ornano à Ajaccio, il est abattu de trois balles dans la tête alors qu’il est dos au tireur. Le fameux pistolet volé lors de la prise d’otage est sciemment déposé près du cadavre. C’est la première fois depuis la Libération qu’un préfet est assassiné.
9 février 1998 : L’attentat revendiqué par un groupe anonyme. Dans un communiqué, ce groupe accuse le préfet Erignac d’avoir « porté à un haut niveau l’action coloniale implacable », après avoir affirmé le principe selon lequel que « le peuple corse, naturellement, a le droit de vivre libre sur ces terres. » Les auteurs de ce communiqué revendiquent ainsi « la souveraineté du peuple corse et la reconnaissance de son droit à l’indépendance. »
1998-1999 : Une enquête tumultueuse. À cette période, une contestation agricole violente naît en Corse, face à une politique du gouvernement en place qui réduit les aides financières, rappelle France 3. Le patron de la direction national antiterroriste Roger Marion privilégie cette piste, voyant des similitudes entre ces faits et de précédentes actions de la mouvance agricole nationaliste. Deux militants nationalistes sont interpellés et passeront de longs mois de prison, avant d’être relâchés. Le 30 juin 2016, une juge antiterroriste prononcera un non-lieu général bénéficiant à 31 personnes. Le 27 mars 2017, l’État est condamné pour « faute lourde » à verser 100.000 euros de dommages et intérêts à neuf personnes, mises en examen en 1998.
1999 : Huit nationalistes sont mis en examen Le 21 mai 1999, quatre hommes sont arrêtés et passent aux aveux. Un mandat d’arrêt est lancé contre un cinquième, Yvan Colonna, qui devient l’homme le plus recherché de France après avoir été accusé durant les gardes à vue d’être le tireur. Le fils du député a en effet pris le maquis, après avoir donné une conférence de presse. C’est le début d’une longue cavale qui durera quatre ans.
En parallèle, sept nationalistes sont mis en examen fin mai : Pierre Alessandri, Vincent Andriuzzi, Alain Ferrandi, Marcel Istria, Didier Maranelli, Martin Ottaviani et Joseph Versini. Un huitième, Jean Castela, est mis en examen le 2 décembre 1999.
2003 : Fin de la traque et procès. Les huit nationalistes mis en examen en 1999 comparaissent en juin et juillet 2003 devant la cour d’assises spéciale de Paris. Quatre d’entre eux reviendront sur leurs déclarations et mettront hors de cause Yvan Colonna. Le 4 juillet 2003, à Carpentras, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy annonce l’arrestation d’Yvan Colonna. Il a en effet été interpellé dans une bergerie près du village d’Olmeto. Alain Ferrandi et Pierre Alessandri sont condamnés à perpétuité pour assassinat, les autres à des peines de 15 à 30 ans pour complicité. Vincent Andriuzzi et Jean Castela, présentés par l’accusation comme les « théoriciens », feront appel et seront acquittés en 2006.
2007-2016 : Neuf ans de bataille judiciaire. En 2007, Yvan Colonna comparaît devant la cour d’assises spéciale de Paris pour « assassinat en relation avec une entreprise terroriste ». Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, il fait appel et est de nouveau condamné à la même peine en 2009. Mais cette seconde condamnation est annulée par la Cour de cassation pour des raisons de vice de procédure.
Huit ans après son arrestation, et trois procès plus tard, celui qui affirme n’avoir « jamais tué » personne, est condamné, le 20 juin 2011 à la réclusion criminelle à perpétuité. La cour motive notamment sa décision par les mises en cause des autres membres du commando et de leurs épouses. « Yvan Colonna a tenu le rôle du tireur lors de l’assassinat », a jugé la cour. II se pourvoit en cassation, un pourvoi rejeté le 11 juillet 2012 qui rend sa condamnation définitive. Il saisit ensuite la Cour européenne des droits de l’Homme qui juge le 8 décembre 2016 irrecevable sa requête pour violation de sa présomption d’innocence.