Accident de TGV en Alsace: Les essais sur les lignes ont-ils changé depuis le 14 novembre 2015?
ENQUETE•Alors qu'une cérémonie s'est tenue dans la stricte intimité des familles à Eckwersheim deux ans après l'accident de TGV, les protocoles des essais de rames ont évolué depuis le 14 novembre 2015...Bruno Poussard
La cérémonie s’est tenue dans la plus stricte intimité ce mardi après-midi. Deux ans après l’accident de la rame TGV d’essais qui a fait 11 morts et 42 blessés en Alsace, les familles étaient réunies à Eckwersheim, en présence du PDG de la SNCF, Guillaume Pepy. Avec une attente selon un des avocats : « Que les responsabilités soient assumées. »
Tandis que l’entreprise ferroviaire est convoquée par la justice en vue d’une possible mise en examen le 20 décembre, l’enquête administrative menée en parallèle a eu un certain nombre d’incidences sur les protocoles d’essais sur les lignes du réseau français. C’est ce qu’a répété la ministre des transports Elisabeth Borne à Strasbourg lundi :
« « On a tiré tous les enseignements et on se donne les moyens que ce genre d’accident ne se reproduise pas. […] Il y a un certain nombre de préconisations qui ont été faites […], évidemment, elles sont mises en œuvre. Elles ont conduit à revoir la façon dont on organise ces essais en sécurisant davantage. » »
Un système de sécurité ajouté aux protocoles
Avant le rapport final dévoilé en mai 2017, le Bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre (le BEA-TT) a transmis de premières conclusions et recommandations à propos, notamment, de l’organisation des essais. « Elle a été repensée, la consistance des essais a évolué », confirme Bernard Aubin, secrétaire général du syndicat indépendant First, qui avait vite interrogé sur de possibles failles dans ces protocoles.
Surtout, selon lui, une « boucle de rattrapage » - un système de sécurité - « absent jusque-là » a été mise en place : « En cas d’excès de la vitesse prévue, il y a désormais un rappel à l’ordre immédiat ». A propos des règles d’homologation des nouvelles lignes, la SNCF parle d’une évolution afin de proposer « une solution alternative pour réduire les solutions à risque au cours des essais dynamiques dans les zones de décélération ».
La formation en cabine améliorée
Dans ses préconisations, l’organisme d’enquête soulève également la question de la formation en cabine, améliorée après le 1er juillet, selon un courrier de la SNCF daté du 4 août. « On partait de rien, résume Bernard Aubin, qui estime que ces améliorations prouvent des failles dans le système précédent. On prenait la crème de la crème, mais ils ne connaissaient pas forcément les spécificités de la ligne. »
« Un système complémentaire a été mis en place, notamment axé sur les compétences non techniques (gestion du doute, communication…) et le travail en équipage, spécifique aux essais, écrit la compagnie. Il intègre en particulier une formation de conscience des risques métier de deux jours, orientée facteurs organisationnels et humains. »
Briefing en plus et interface avec le pilote modifiée
En détail, le BEA-TT recommande aussi une évolution de communication autour des essais. Avant chaque phase de test, le briefing (autour des retours d’expérience, entre autres) est désormais « mieux formalisé » dans un nouveau référentiel, ainsi que l’écrit la Systra, filiale de la SNCF en charge de ces tests, dans un courrier en date du 25 août.
Pour ne pas le perturber, il n’y a d’ailleurs plus d’interface directe entre le pilote et le cadre transports traction, mais seulement entre le chef d’essais, également à bord, et ce même cadre. Enfin, la Systra dit aussi avoir « renforcé son système de veille et de formation notamment aux postes d’essais », et « standardisé la méthode d’analyse des risques ».