Le Québec est-il toujours la terre promise pour les expatriés français ?
ELDORADO•En pénurie de main-d’œuvre sur son sol, la belle province, de son surnom, organise chaque année des campagnes de recrutement en France où les candidats au départ sont nombreuxJérôme Gicquel
L'essentiel
- Le Québec continue toujours d’attirer les expatriés français qui sont déjà près de 200.000 à vivre à Montréal.
- En pénurie de main-d’œuvre, la belle province organise chaque année des campagnes de recrutement dans l’hexagone pour draguer de nouveaux candidats au départ.
- Souvent décrit comme un eldorado, le Québec se mérite toutefois et il n’est pas toujours simple d’y rester et de s’y acclimater.
Ils suivent les traces de Jacques Cartier, le grand navigateur et explorateur de Saint-Malo à qui l’on doit la découverte du Canada en 1534. Chaque année, des milliers de Français traversent l’Atlantique pour tenter leur chance au pays du sirop d’érable, de Garou et des caribous.
Avec pour beaucoup le Québec comme point de chute. Selon les chiffres du quai d’Orsay, plus de 85.000 frenchies sont inscrits sur les registres consulaires de la belle province, dont plus des trois quarts à Montréal, faisant de la France le premier pays pourvoyeur d’immigrants au Québec. Mais ils sont en réalité beaucoup plus et près de 200.000 rien qu’à Montréal. « Quand on se balade dans le quartier du Plateau, on se croirait à Paris car on ne croise que des Français », témoigne Manon, 29 ans, installée depuis deux ans dans la plus grande ville de la province.
Souvent décrit comme l’eldorado des expatriés, le Québec a, il est vrai, de nombreux atouts pour séduire les candidats au départ, malgré son hiver interminable. « La nature et les grands espaces, la qualité de vie, la gentillesse des Québecois et le fait que ce soit francophone bien sûr », énumère la jeune femme. Mais c’est bien pour les perspectives d’emploi offertes sur place qu’autant de Français font le grand saut avec une facilité d’embauche et la promesse d’un salaire plus élevé et d’une évolution de carrière plus rapide.
Des postes dans la construction, l’éducation et la santé
Cela tombe bien, « les employeurs québecois sont friands des candidats français car leur intégration est plus facile », selon Francis Gagnon, conseiller en prospection et attraction à la délégation générale du Québec à Paris.
Chaque année depuis 2008, la province canadienne vient donc draguer les jeunes Français avec les Journées Québec France qui ont lieu cette année du 18 au 30 octobre dans six grandes villes (Nantes, Rennes, Strasbourg, Marseille, Montpellier et Angers). « Il y a une pénurie de main-d’œuvre au Québec et donc de nombreuses opportunités d’emploi dans des secteurs comme la construction, l’informatique, l’éducation ou la santé », souligne Francis Gagnon, promettant aux candidats plusieurs centaines d’emplois.
Si certains partent avec un job déjà en poche, beaucoup d’autres le font aussi par le biais du permis vacances-travail, ou PVT pour les intimes. Un permis pour les moins de 35 ans valide partout au Canada pour une durée de deux ans mais qui ne s’obtient que par tirage au sort après le dépôt de son dossier. « On tente sa chance sans savoir si l’on sera un jour tiré au sort car il y a des quotas qui varient chaque année », explique Maud, expatriée.
« Beaucoup tombent de haut une fois sur place »
Chanceuse, cette trentenaire originaire de Bordeaux n’a attendu qu’un mois pour décrocher son PVT avant de s’envoler pour le Québec en 2019. Voulant prolonger son séjour, cette géographe de formation a ensuite acquis son statut de résident permanent, qui s’obtient pour une durée de cinq ans et sous certaines conditions. « Il y a aussi moyen de rester par d’autres programmes, comme le permis de travail fermé qui vous lie à une entreprise », précise Francis Gagnon. Si le système québecois peut paraître un peu complexe vu de France, les expatriés s’y accommodent plutôt bien au final. « Il y a aussi pas mal de structures qui facilitent les démarches et aident à s’intégrer », souligne Maud.
Vu comme ça, tout paraîtrait donc simple au Québec avec un cadre de vie idyllique qui attendrait chaque expatrié. Il n’en est rien. « Beaucoup de Français pensent en arrivant ici qu’on les attend, raconte Sylvana. Ils tombent de haut. Il y a certes de l’emploi mais beaucoup de jobs alimentaires si on n’a pas de diplôme ou d’expérience. » Installée depuis cinq ans avec son mari et ses trois enfants, cette infirmière témoigne d’ailleurs de sa vie d’expat au Québec sur sa chaîne YouTube. « J’essaie d’alerter et de donner des conseils car beaucoup de Français sont déçus et frustrés une fois sur place et repartent », explique-t-elle.
Pas toujours simple de s’adapter à la vie québecoise
Depuis la crise du Covid, la situation a également empiré avec des conditions d’immigration plus restrictives et un coût de la vie qui s’est envolé. « On ne peut pas vivre avec un seul salaire », assure Manon, qui voit de plus en plus de Français avec un bac + 5 en poche galérer : « Il faut juste savoir être patient car tout peut aller très vite. » L’acclimatation à la vie québecoise demande également du temps et peut parfois dérouter. « Il ne faut pas vouloir recréer ce que l’on avait en France car les mentalités sont différentes », prévient Sylvana.
Plutôt que les apéros en terrasse chers aux Français, les Québecois préfèrent en effet les moments en famille. Travaillant dans le secteur aéronautique, Manon reconnaît d’ailleurs qu’il n’est pas simple de se faire des amis sur place. « On se regroupe entre Français sans forcément le vouloir », indique-t-elle. Malgré ces obstacles, différents bien sûr d’un pays à l’autre, aucune de nos trois expatriées n’a prévu pour l’heure de revenir en France. « Je m’y plais vraiment, affirme Manon. J’apprécie surtout l’équilibre qu’il y a ici entre vie professionnelle et vie personnelle car on travaille moins qu’en France. »
Sans être forcément l’eldorado, le Québec se révèle donc toujours être une bonne terre d’accueil pour les Français qui souhaitent quitter leur pays. « Il faut juste se poser les bonnes questions au départ, assure Sylvana. Savoir pourquoi on veut y aller et ce qu’on vient chercher ici. »