ANNONCEQuelles sont les forces et faiblesses du candidat Macron ?

Présidentielle 2022 : Quelles sont les forces et les faiblesses d’Emmanuel Macron à l’heure d’entrer en campagne ?

ANNONCEAlors que le président de la République a officialisé sa candidature ce jeudi, on fait le point
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • Emmanuel Macron a lancé ce jeudi soir sa campagne en vue de sa réélection en publiant une « Lettre aux Français ».
  • D’après les sondages, il semble favori de l’élection, mais il a des points de faiblesse.
  • La situation internationale lui semble favorable pour le moment, mais un retournement est encore possible.

On y est ! Emmanuel Macron a officialisé sa candidature à un second mandat ce jeudi dans une « Lettre aux Français » qui paraîtra vendredi dans la presse quotidienne régionale. Le défi est immense : hors période de cohabitation, aucun président élu au suffrage universel direct n’a réussi à se faire réélire.

A moins de 40 jours du premier tour de la présidentielle, 20 Minutes a tenté de passer en revue les forces et faiblesses du président-candidat sur la ligne de départ. Quel « capital » Emmanuel Macron va-t-il pouvoir faire fructifier ou, au contraire, risque-t-il de perdre dans la campagne ? C’est parti !

  • Où en est-il dans les sondages ?

Dans les enquêtes d'opinion, Emmanuel Macron bénéficie de l’effet de « ralliement autour du drapeau » qui bénéficie aux dirigeants en place en période de crise, en l’occurrence depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Une situation que le président avait, en partie, expérimentée au moment de la crise sanitaire. Ainsi, le sortant navigue parfois autour des 28 % d’intentions de vote au premier tour. Mais il serait malhonnête de considérer que le sortant ne tire sa force que de la situation internationale. Emmanuel Macron est en tête des enquêtes d’opinion de manière très constante depuis des mois, autour de 25 % des intentions de vote.

Sa popularité est également bonne, relativement à ses prédécesseurs en tout cas – autour de 40 %, d’après Ipsos. « Mais l’écart s’est réduit avec Nicolas Sarkozy, par exemple, qui était à 36 % de bonnes opinions en janvier 2012 », remarque Mathieu Gallard, directeur d’études chez Ipsos. Surtout, Emmanuel Macron est toujours vu comme ayant des qualités de leadership et comme incarnant bien la fonction présidentielle. Maud Bregeon, porte-parole de LREM, refuse l’étiquette de « favori » mais trouve ces sondages très cohérents avec ce qu’elle ressent sur le terrain. « J’entends la satisfaction d’une grande partie de nos concitoyens sur le bilan sur la gestion de crise. Ils reconnaissent l’action et le courage du président », estime l’élue francilienne.

Chercheur au CNRS et au Cevipof, Bruno Cautrès voit néanmoins quelques points de fragilité d’Emmanuel Macron. « Certes, il est plus populaire que Sarkozy mais n’atteint pas non plus des sommets. Et surtout, il y a un gros écart avec les intentions de vote. Cela veut dire que beaucoup de gens, même s’ils pensent qu’il a fait le job, ne veulent pas voter pour lui. » L’image du président sortant est, selon nos observateurs, très clivée, notamment depuis la crise des « gilets jaunes ». De cette crise subsiste un « sentiment d’éloignement des préoccupations des Français, une difficulté à les comprendre », remarque Mathieu Gallard.

  • Qui vote Macron aujourd’hui ?

En 2017, l’électorat d’Emmanuel Macron était partagé entre droite et gauche, « mais penchait légèrement à gauche », se souvient Mathieu Gallard. Désormais, il « penche légèrement à droite ». A ce jour, l’électorat macroniste n’a donc pas tant changé que cela, quand bien même les Françaises et les Français le perçoivent désormais davantage à droite, alors qu’ils le voyaient au centre il y a cinq ans, selon l’Ifop.

D’après Ipsos, Emmanuel Macron est en outre mieux placé chez les plus de 60 ans, les retraités et les cadres. Agés, insérés dans la société : Emmanuel Macron est populaire chez des personnes dont le taux de vote est bien meilleur que les autres. Un gros plus. « Les sympathisants LREM se disent sûrs d’aller voter à 77 %, c’est plus que tout le monde », note Matthieu Galard. Et 68 % des personnes qui disent aujourd’hui vouloir voter Macron assurent qu’elles ne changeront pas d’avis. « Cela ne veut pas dire qu’elles ne le feront pas, mais ça démontre la solidité de son électorat », analyse le directeur d’études. D’ailleurs, le président sortant retrouvait, avant le début de la guerre en Ukraine, les deux tiers de ceux et celles qui ont voté pour lui il y a cinq ans. Là aussi, c’est plus que les autres prétendants et prétendantes à l’Elysée.

  • La dispersion de l’opposition, une bénédiction ?

La division au sein de l’extrême droite et de la gauche est notamment ce qui permet à Emmanuel Macron de dominer nettement les débats depuis des mois sans avoir lui-même été à un niveau très élevé dans les sondages. « Mais c’est un avantage et un inconvénient », pense Bruno Cautrès. D’abord parce que se pose la question de comment construire une majorité au second tour. Ensuite parce qu’en position de sortant, il va se retrouver sous le feu de tous ses adversaires en ayant le même temps de parole que chacun d’entre eux. En 2012, Nicolas Sarkozy, alors président en campagne pour sa réélection, avait résumé la situation à l’issue du premier tour : « Pendant cinq semaines, ça a été neuf contre un. »

Le même schéma pourrait se reproduire dix ans plus tard. Ce qui ne constituera toutefois pas forcément un désavantage, dans le sens où aucun de ses adversaires n’est vu comme capable de faire mieux que lui. « C’est son atout principal à mes yeux, glisse Mathieu Gallard. Il est perçu comme davantage crédible sur la plupart des grands enjeux du moment : pouvoir d’achat, protection sociale, économie… Il est devancé uniquement lorsqu’un de ses adversaires a un gros avantage, comme Jadot sur l’écologie ou Le Pen et Zemmour sur l’immigration. » Et en temps de crise internationale, le président sortant a forcément un avantage concurrentiel considérable sur ses adversaires.

  • La guerre en Ukraine peut-elle changer la donne ?

L’invasion russe de l’Ukraine depuis le 24 février écrase tout – y compris la campagne présidentielle. Et met encore plus le président de la République au centre de l’attention. « C’est vrai que de prime abord cette situation lui est favorable », reconnaît Bruno Cautrès. Non seulement l’international est un sujet qui met en valeur le sortant, mais c’est en plus une thématique « où les Français lui reconnaissent une crédibilité » : à savoir une UE puissante et la construction d’une Europe de la défense… Bonus : la France préside le Conseil des ministres de l’Union européenne pour six mois et, à ce titre, Emmanuel Macron doit recevoir à Versailles un grand sommet des 27 sur la question de la souveraineté énergétique de l’Europe, mi-mars. A un mois tout juste du premier tour.

Mais attention, Mathieu Gallard rappelle que, traditionnellement, les sujets internationaux ne sont pas prioritaires lors de l’élection présidentielle. « Il ne faudrait pas que le président envoie comme message aux Français qu’un second mandat serait totalement consacré à l’Europe. » Message reçu dans la majorité, assure Olivier Becht, président du groupe Agir ensemble à l’Assemblée nationale : « La campagne électorale doit avoir lieu. Ça serait dramatique de pas avoir de débat sur tous les sujets. »

Enfin, même si aujourd’hui la situation paraît très favorable à Emmanuel Macron, il reste encore un bon mois et demi de campagne. Et les derniers évènements ont prouvé que des retournements inattendus de la situation internationale pouvaient arriver en très peu de temps. Et rebattre à nouveau les cartes.

  • « Le président des crises », une étiquette tenace ?

Si Nicolas Sarkozy a été le président de la crise financière, François Hollande de la crise terroriste, Emmanuel Macron aura été le président de trois crises : celle des « gilets jaunes », la crise sanitaire et la crise internationale que représente le retour d’une guerre de haute intensité entre deux Etats en Europe. De quoi avoir l’occasion de mettre le costume du « père de la nation » qu’Emmanuel Macron semble affectionner. Un atout face à des adversaires qui ne sont, eux, que « candidats ». Le risque, c’est que le bilan du mandat soit uniquement perçu par les Françaises et les Français comme celui des crises.

« Tout a été un peu arasé par la crise sanitaire. Peu de choses ''d’avant'' ressortent dans le bilan que les Français font du mandat d’Emmanuel Macron », illustre Mathieu Gallard. Pas un problème, d’après Maud Bregeon : « Nos concitoyens vont se souvenir que, grâce à notre politique de protection, les commerçants n’ont pas mis la clé sous la porte à cause de la pandémie et que 13 millions de salariés ont été au chômage partiel grâce aux décisions du gouvernement »,en référence au « quoi qu'il en coûte ». La question est de savoir si, pour passer l’éponge sur les crises, l’électorat voudra se débarrasser du président qui les a accompagnés à ce moment-là. Les marcheurs ont en tête le – très flatteur – précédent Churchill au Royaume-Uni : vainqueur de la Seconde Guerre mondiale le 8 mai 1945 et largement battu dans les urnes moins de deux mois plus tard.