Présidentielle: Humour, sang-froid... Ils nous racontent leur débat face à Le Pen et Macron
POLITIQUE•«20 Minutes» a interrogé des personnalités politiques ayant débattu avec Emmanuel Macron ou Marine Le Pen...Laure Cometti et Thibaut Le Gal
C’est l’heure du débat d’entre-deux-tours. Mercredi soir, Marine Le Pen et Emmanuel Macron s’affrontent lors d’une joute télévisée coorganisée par TF1 et France 2. Comment les deux candidats se comporteront-ils lors du débat ? Pour en savoir un peu plus, 20 Minutes a interrogé des personnalités ayant déjà débattu avec l’ex-présidente FN et le responsable d’En Marche ! *
Yann Galut, député PS : « C’est quelqu’un de très physique, elle avance sur vous »
Yann Galut, député PS du Cher, a débattu face à Marine Le Pen dans l’émission Des Paroles et des actes en avril 2014.
Son souvenir ? « J’avais remplacé au dernier moment un débatteur qui avait annulé. J’étais le 4e débatteur, j’avais pu observer sa stratégie : elle essayait de déstabiliser son adversaire dès qu’il s’installait sur le plateau. Je me suis préparé en me disant qu’il fallait rester très calme, mais solide sur les dossiers ».
Comment l’attaquer ? « Je jouais en seconde division face à elle, soyons clairs, mais elle ne maîtrisait pas ses dossiers sur le fond. C’est quelqu’un de très physique, comme dans un combat de boxe, elle avance sur vous, elle ne vous lâche pas du regard, elle a de la présence. Si vous vous laissez impressionner, vous êtes déstabilisé. Face à quelqu’un qui vous agresse, il faut opposer le calme. Je l’avais attaqué sur le programme économique et social en montrant pourquoi il était suicidaire pour la France. Il faut l’amener à du concret car elle n’est jamais précise ».
Choses à ne pas faire ? « Elle est très bonne sur la forme. Si on n’est pas habitué au combat politique, qu’on reste un peu techno, dans la retenue, on risque de se faire déborder. Il ne faut pas que ce soit elle qui dirige le débat, qui impose les thématiques, le rythme. Si Emmanuel Macron reste calme, il peut la plier. Sur la vie quotidienne des Français, elle n’est pas solide »
Florian Philippot, vice-président du FN : « Il est capable de faire un tunnel de phrases sans rien de concret »
Le vice-président du Front national a débattu pendant une quinzaine de minutes avec Emmanuel Macron lorsqu’il était à Bercy dans l’émission « Des paroles et des actes » du 12 mars 2015.
Son souvenir ? « On le connaissait assez peu à l’époque. Ce qui m’avait surpris, c’est qu’il s’était très vite agacé face à la contradiction. J’avais aussi repéré sa qualité rhétorique qui consiste à faire de belles phrases qui sonnent agréablement à l’oreille mais qui n’ont aucun sens ».
Comment l’attaquer ? « Il n’est jamais dans un projet concret et précis ».
Choses à ne pas faire ? « Il est capable de faire un tunnel de phrases de deux minutes, en enchaînant les phrases creuses, sans rien de concret. Il peut aussi être agressif et couper la parole ».
Alain Lamassoure, eurodéputé LR : « Ce qui la déséquilibre totalement, c’est l’humour »
Alain Lamassoure, député européen LR et ancien ministre, a débattu face à Marine Le Pen dans l’émission Des Paroles et des actes en avril 2014.
Son souvenir ? « Un débat c’est comme monter sur un ring de boxe. Il faut se préparer selon l’adversaire. Ce soir-là, je devais parler d’Europe, mais j’avais trouvé le défaut dans l’armure. Elle était députée européenne sortante : j’ai montré qu’elle n’avait participé qu’à un nombre réduit de votes au Parlement européen, sur des sujets qui pourtant lui étaient chers. Avec mes dossiers sous les yeux, je lui ai dit que les trois eurodéputés FN votaient n’importe quoi, ça l’avait déstabilisé ».
Comment l’attaquer ? « Marine le Pen n’est pas un très bon débatteur. Elle n’aime pas être attaquée sur des angles inattendus et n’a pas l’esprit de répartie. Elle n’est pas à l’aise avec ses dossiers, sur l’économie notamment où Emmanuel Macron devrait se promener. Mais ce qui la déséquilibre totalement, c’est l’humour. Cela permet de sortir du match de boxe qu’elle tente d’imposer ».
Choses à ne pas faire ? « Comme tous les démagogues, elle se fout des questions et déroule son programme. Si vous l’attaquez, elle fuit l’échange et ressort ses formules, qui sont assez efficaces car simplistes. C’est un peu comme le boxeur qui s’accroche à son adversaire pour éviter les coups. Le risque est d’entrer dans son jeu et s’envoyer des noms d’oiseaux. Enfin, je laisserai tomber l’aspect moralisateur sur le code génétique du FN, car là-dessus, son argumentaire est rodé ».
Sayah Baaroun, syndicaliste VTC : « C’est un diable de la com’»
Le secrétaire général SCP VTC, proche de la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, a débattu avec Emmanuel Macron lors de L’Emission Politique du 23 mars dernier.
Son souvenir ? « On était à couteaux tirés. C’est un diable de la com’, il est très fort dans la forme et c’est très difficile d’avoir le dessus. J’avais beaucoup travaillé les faits pour le mettre face à ce qu’il avait fait à Bercy. Il m’a répondu sur tout. Si on m’avait laissé plus de temps, j’aurais pu l’achever. Le seul moment où il a été déstabilisé, c’est quand j’ai dit que son directeur de cabinet avait participé à un déjeuner de lobbying avec des acteurs du monde du VTC. »
Comment l’attaquer ? « Il faut persévérer et connaître le fond. Moi je l’avais attaqué d’une manière un peu spéciale, en tapant, à gauche, à droite, en interpellant et en aguichant un peu le public aussi. Il faut l’attaquer sur des trucs où il s’y attend pas du tout. »
Choses à ne pas faire ? « Il ne faut pas ignorer son historique et sous-estimer ses connaissances. il s’y connaît, et dans beaucoup de domaines. Or si on ne le coince pas sur le fond, il passe pour celui qui a trouvé la solution. Il ne faut pas rester dans les sentiers battus de la communication. Quelqu’un qui essaiera de débattre avec un style conventionnel, ou au contraire comme un syndicaliste, aura un mur face à lui, car il connaît ces codes. »
Patrice Bessac, maire PCF, « Elle veut imposer un type de débat : la destruction de l’autre »
Patrice Bessac, maire PCF de Montreuil en Seine-Saint-Denis, a débattu face à la candidate FN en avril dernier par duplex lors de « l’Emission politique ».
Son souvenir ? « Pendant la moitié du temps, je n’ai pas eu de retour oreillette. Le micro marchait mal. J’en garde un mauvais souvenir car en duplex, on est en situation de faiblesse, on se fait bouffer ».
Comment l’attaquer ? « J’ai fait le choix d’être calme, pas d’aller à un match de boxe. Le plus important est de s’adresser aux gens qui nous regardent et à leur intelligence. Il faut donc résister à l’hystérisation du débat en argumentant ».
Choses à ne pas faire ? « Elle m’a violemment attaqué mais j’avais décidé de ne pas entrer dans son jeu et revenir au fond. Je n’ai pas voulu aller d’emblée dans le type de débat qu’elle veut imposer, la destruction de l’autre ».
* Bruno Retailleau, François Ruffin et la CGT (que nous avons contactée pour Philippe Martinez, qui a lui aussi débattu face à Emmanuel Macron) ont refusé de répondre à nos questions.
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