VIDEO. Visite à Whirlpool: Macron «doit montrer que le costume présidentiel n’est pas trop large pour ses épaules»
INTERVIEW•La journée a été mouvementée pour le leader d’En marche !….Manon Aublanc
Accueil chaotique pour Emmanuel Macron auprès des salariés de Whirlpool à Amiens (Somme), contrairement à Marine Le Pen, en visite surprise ce mercredi matin au même endroit. Entre huées, insultes et bousculades, le candidat d’En marche ! a eu des difficultés à dialoguer avec les salariés.
Quelles sont les conséquences de cette journée mouvementée pour Emmanuel Macron ? Alexandre Eyries, enseignant-chercheur en sciences de l’Information et de la communication politique à l’université de Bourgogne-Franche-Comté a répondu aux questions de 20 Minutes.
Entre un Emmanuel Macron hué et entouré de ses gardes du corps et une Marine Le Pen accueillie chaleureusement, quel est le bilan de cette journée pour les candidats ?
« En règle générale, les candidats à la présidentielle évitent d’aller sur les mêmes sites. Marine Le Pen a bénéficié d’un très bon accueil, et Emmanuel Macron a souffert de la comparaison. Il aurait presque dû choisir une autre date ou une autre entreprise. Là, c’était le même lieu avec la même problématique. La réalité est cruelle en politique : dans cette situation, vous pouvez avoir tout le mérite du monde, si vous arrivez après, vous serez quand même discrédité. Dans le monde d’aujourd’hui d’extrême communication, le moindre événement prend une ampleur considérable, et ça a été clairement le cas aujourd’hui. Les déclarations de Marine Le Pen depuis deux jours, comme quoi Emmanuel Macron est le candidat des patrons, n’y sont pas pour rien. Le passé du candidat d’En marche ! ne lui porte pas chance. C’était un déplacement à risque qui s’est finalement retourné contre lui. Ça aurait pris une ampleur moindre si Marine Le Pen n’était pas venue le même jour à Whirlpool. C’est tout bénéfique pour elle d’être venue avec son discours qui caresse les ouvriers dans le sens du poil. »
Quelle devrait être la stratégie d'Emmanuel Macron maintenant jusqu’à l’élection présidentielle ?
« Il faut qu’il entre dans une stratégie de légitimisation. Pour l’instant, beaucoup mettent sa réussite sur le compte de la chance. Il faut maintenant qu’il se construise une image et une posture présidentielle. Il va devoir être moins flou sur son programme, ce que beaucoup lui ont d’ailleurs reproché. Il va falloir éviter les faux pas, habiter la fonction, et surtout montrer que le costume présidentiel n’est pas trop large pour ses épaules. Emmanuel Macron incarne le renouvellement, donc les gens l’attendent au tournant, un peu comme François Hollande en 2012. Il risque d’ailleurs de provoquer les mêmes déceptions que François Hollande, s’il est élu. Il doit aussi se séparer du quinquennat d’Hollande, duquel il a fait partie. Il doit s’autonomiser, montrer, sans être forcément l’homme providentiel, qu’il est l’homme de la situation. Il faut qu’il tienne un discours rassembleur et clair. Il ne doit plus perdre de temps car, depuis dimanche, chaque minute compte. Il a tardé à lancer sa campagne d’entre-deux-tours, et ça se voit par rapport à Marine Le Pen. »
En fin de journée, Emmanuel Macron a réussi à discuter de manière plus apaisée avec les salariés. Le candidat a-t-il réussi à inverser le rapport de force ?
« Cette conversation avec les salariés est très intéressante. Au fil de la discussion, les gens se rapprochent, même d’un point de vue physique. Il y a une théorie qui considère que plus on est spatialement proche, plus on peut entretenir une conversation chaleureuse, être dans l’écoute, la compréhension. A l’inverse, plus on est spatialement éloigné, plus l’interlocuteur est dans la prudence, la méfiance. Ça a été le cas lors de cet échange entre Emmanuel Macron et les salariés. Petit à petit, les salariés sont moins méfiants, plus à l’écoute. Il a réussi à combler des attentes, des espoirs. Ce n’est pas le meilleur communicant du siècle, c’est sûr, mais il a très bien réussi son pari. Il a inversé le rapport de force, tout en douceur. Ce n’est pas spectaculaire, mais avec ses arguments, son débit lent et posé, il a réussi à faire passer son message. Il a dépassionné la discussion. Il n’a pour l’instant pas encore l’aisance pour mettre les gens dans sa poche – n’est pas Barack Obama qui veut – mais il arrive à créer une proximité. Il a très bien esquivé le piège. »