Présidentielle : De Fillon à Le Pen, le discours anti-médias et anti-juges gagne du terrain
ARCHIVES•De Marine Le Pen à François Fillon, les charges anti-médias et anti-juges se multiplient dans la campagne présidentielle...Laure Cometti
Les médias et les juges sont dans le collimateur de François Fillon. Lors de sa conférence de presse mercredi, le candidat de la droite a de nouveau affirmé être la victime d’un acharnement médiatique et d’une justice biaisée. Des cibles qui n’ont rien de très original, à droite comme à gauche du paysage politique français. François Fillon, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon critiquent régulièrement les médias. Nicolas Sarkozy et même François Hollande ont remis en cause l’impartialité de la justice. 20 Minutes a fouillé dans les archives politiques pour les comparer avec des déclarations d’autres leaders populistes, comme Donald Trump et Silvio Berlusconi.
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La petite pique du candidat à la présidentielle, lancée pendant la séance de questions-réponses à l’issue de sa conférence de presse du 6 février, avait des airs de vengeance. Un cran au-dessus dans l’agressivité, Donald Trump avait déjà mouché plusieurs médias, un mois plus tôt, en qualifiant Buzzfeed de « tas d’ordures sur le déclin ». Pendant la même conférence de presse, le président américain avait aussi refusé de répondre aux questions de CNN, qualifiant la chaîne de télévision de « média calamiteux ». « Non, je ne vous laisserai pas poser de question… Vous faites de l’intox », avait-il insisté face au journaliste.
« La mise en cause des médias est un lieu commun du discours politique, à droite comme à gauche », note Marlène Coulomb-Gully, professeure à l’université de Toulouse 2. Derrière cette critique, il y a « la mythologie d’une relation sans intermédiaires entre le candidat et le peuple, un mythe forgé par De Gaulle ». « Ce qui est nouveau avec Donald Trump, ce n’est pas qu’il a tenu ce discours anti-médias, c’est qu’il a été élu grâce ou malgré ce discours », poursuit-elle.
Deux autres candidats à la présidentielle critiquent vertement les médias. La candidate du Front national a dénoncé le 22 février dernier le « manque de déontologie » de la presse, considérant notamment qu’Emmanuel Macron était « énormément avantagé ». Quant à Jean-Luc-Mélenchon, candidat de la France insoumise et ancien journaliste, il tance les médias traditionnels et les court-circuite avec sa chaîne YouTube. En 2013, il expliquait même dans la revue Charles « que les attaques contre les médias pouvaient servir [son] combat ».
Interrogé par l’AFP, l’historien des médias Patrick Eveno, soulignait que « les attaques contre les journalistes ne sont pas nouvelles : on peut en retrouver dans les années 1930 et de la part de De Gaulle, Pompidou, ou Mitterrand », le jour de ses obsèques. Mais « la situation est beaucoup plus violente. Les politiques sont de moins en moins bien considérés, les journalistes aussi, chacun se renvoie la balle face à l’opinion ».
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Autre argument de la défense Fillon, la prétendue impartialité des juges. Cela vous rappelle quelque chose ? Normal, les critiques à l’égard des magistrats sont monnaie courante chez les personnalités politiques en bisbilles avec la justice. L’ancien chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi, visé notamment par une enquête pour corruption, avait dénoncé « l’acharnement judiciaire » dont il s’estimait victime en 2008.
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Après avoir été mis en examen pour corruption active en 2014, Nicolas Sarkozy avait lui aussi usé de la technique de la victimisation face à une justice supposément biaisée. « Qui aimerait avoir en face de lui un magistrat dont l’obsession politique est de le détruire ? »
Face à des juges supposément partiaux, François Fillon s’en remet au jugement du peuple, comme il l’a affirmé mercredi. Dans une interview au Monde, l’historien Pierre Rosanvallon estime que ces propos « marquent un tournant populiste dans la campagne ».
Pour Marlène Coulomb-Gully, l’offensive contre la justice fait partie d’une stratégie populiste et anti-élites d'« éviction des corps intermédiaires ». Un discours qui a de beaux jours devant lui car selon la professeure, « nombre de candidats mobilisent cette rhétorique puisque le populisme prend de l’ampleur en Europe ».