ENTOURAGEFront national: Marine Le Pen et ses amis sulfureux

Front national: Marine Le Pen et ses amis sulfureux qui intéressent la justice

ENTOURAGEDes proches de la présidente du Front national Marine Le Pen, dont Frédéric Chatillon et Alex Loustau, sont issues de l’extrême droite traditionnelle française…
Marine Le Pen, présidente du FN et candidate du parti à la présidentielle, le 27 février 2017 à au Mont Saint Michel
Marine Le Pen, présidente du FN et candidate du parti à la présidentielle, le 27 février 2017 à au Mont Saint Michel - David Vincent/AP/SIPA
Anne-Laëtitia Béraud

Anne-Laëtitia Béraud

Vous ne les verrez pas sur la photo aux côtés de Marine Le Pen lors de cette campagne présidentielle. Mais la présidente du Front national cultive des liens avec des personnes controversées, malgré la « dédiabolisation » entreprise par le parti depuis 2011 et l’exclusion des profils les plus radicaux, tels Yvan Benedetti ou Alexandre Gabriac, ce dernier ayant été photographié en faisant un salut fasciste.

Parmi ces hommes passés souvent par la case « GUD », le syndicat étudiant radical Groupe union défense né du mouvement d’extrême droite Occident, figure Frédéric Chatillon. Copain de fac à Assas de Marine Le Pen, proche des polémistes Alain Soral et Dieudonné, l’homme a fait de juteuses affaires avec le FN via sa société Riwal, longtemps prestataire de la communication du parti. Ce « consultant » cosmopolite, dont les affaires le portent jusque dans la Syrie du dictateur Bachar al-Assad, se rend régulièrement aux événements organisés par le FN. Il était notamment présent aux « assises présidentielles » du FN à Lyon les 4 et 5 février, ou, en 2011, en Italie où il réside, lors d’un déplacement de la dirigeante FN.

Cet adepte de la provoc’et de la gomina intéresse la justice à plusieurs égards : il a été mis en examen le 15 février dans une des enquêtes sur le financement des campagnes électorales du Front national. Il est soupçonné d’« abus de biens sociaux » dans une information judiciaire sur les élections municipales et européennes de 2014 ainsi que sur les départementales de 2015. Frédéric Chatillon a par ailleurs été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour répondre du financement de la campagne des législatives de 2012.

Les amis parmi les « rats noirs »

Autre ami proche de Marine Le Pen et de Frédéric Chatillon, l’ancien « rat noir » Axel Loustau. Conseiller régional FN d’Ile-de-France, trésorier du micro-parti « Jeanne » de Marine Le Pen, l’homme est patron d’une entreprise de sécurité qui travaille avec le FN. Ce proche a bénéficié de contrats laissés vacants par l’interdiction faite à la société Riwal de travailler avec le parti via son entreprise de communication Presses de France. Il a été mis en examen en 2015 dans l’enquête sur le financement présumé frauduleux de la campagne du parti en 2012. Et il intéresse le parquet de Paris qui a ouvert le 9 novembre une enquête préliminaire visant l’entreprise Presses de France sur des soupçons d’escroquerie dans le financement de la campagne des régionales de décembre 2015 du FN. L’homme a par ailleurs été filmé en compagnie de Frédéric Chatillon faisant un salut fasciste, une séquence isolée en 2014 par un documentaire « Spécial Investigation » sur Canal +.

Ces amitiés peuvent-elles pénaliser Marine Le Pen ? « Non », répondent plusieurs enseignants-chercheurs spécialistes du Front national. Pour Sylvain Crépon, maître de conférences en science politique à l’université de Tours, « Marine Le Pen entretient des liens du cœur avec Frédéric Chatillon et Alex Loustau. Et avec ces amitiés, elle donne des gages à tout ce qui compose non seulement son parti -les cadres, les militants, les adhérents- mais, au-delà, à toute la mouvance de l’extrême droite », ajoute le chercheur au Laboratoire d’étude et de recherche sur l’action publique (Lerap). Ces liens laisseraient en outre des indices aux plus radicaux du parti, leur signifiant que le FN reste, « dédiabolisation » ou non, une organisation aux racines d’extrême droite. « Ces amitiés peuvent donner une valeur ajoutée en interne, pour donner des gages aux radicalités. C’est toujours bien, en interne, de montrer que pour une frange, on reste toujours des radicaux », souligne Sylvain Crépon.

Des liens pas pénalisants pour Marine Le Pen

« Ces personnes ne sont pas des anciens miliciens, des anciens Waffen SS ou des anciens de l’OAS comme cela a pu être le cas de la création du FN en 1972 », relativise encore Cécile Alduy, professeur de littérature et de civilisation française à l’Université de Stanford et chercheur associée au Cevipof. « Ils ont 40-50 ans, la petite bedaine, ils n’ont pas le look crâne rasé et brassard nazi. Et puis les jeunes de 18-25 ans n’ont aucune mémoire de ce qu’est le GUD, de ce que sont les combats fascistes des années 1970 contre l’extrême gauche, ou encore des manifestations du FN dans les années 1990 durant lesquelles il y a eu des morts ». Cependant, remarque la chercheuse, « Marine Le Pen évite de s’afficher avec eux en photo. Marine Le Pen joue comme toujours sur une ligne de crête : elle s’affiche juste assez pour que les gens le sachent mais pas assez pour créer un esclandre », continue-t-elle. Une histoire de cœur, et de raison.