POLITIQUEPrésidentielle: Et si les primaires affaiblissaient leurs vainqueurs?

Présidentielle: Et si les primaires avaient affaibli les partis et leurs candidats?

POLITIQUELes primaires organisées par des « partis affaiblis » seraient-elles pour le meilleur ou pour le pire pour la présidentielle?…
Anne-Laëtitia Béraud

Anne-Laëtitia Béraud

Présidentielle dans deux mois. Alors que tous les candidats sont lancés dans la course à l’Elysée, ceux issus des primaires semblent dans des situations bancales. Le candidat EELV Yannick Jadot est sur le point d’annoncer son ralliement au candidat socialiste Benoît Hamon ; ce dernier, vainqueur de Manuel Valls, voit depuis sa victoire des défections dans son camp, certains ralliant Emmanuel Macron. Quant à François Fillon, avant même le déclenchement de l’affaire d’emplois présumés fictifs, les troupes n’avaient pas le petit doigt sur la couture. Les juppéistes se plaignent du poids des sarkozystes dans les équipes et du projet du candidat. Ils organisent d’ailleurs ce mardi soir un apéro pour « parler des conditions pour peser sur la campagne de Fillon, et rappeler que Sarkozy est arrivé troisième, pas second », glisse-t-on parmi les fidèles du maire de Bordeaux. Vainqueurs de primaires, candidats malheureux à la présidentielle ? Le mécanisme des primaires affaiblirait-il le candidat et le parti en créant des clans concurrents et irréconciliables ? Les avis divergent radicalement parmi les professionnels et les chercheurs interrogés par 20 Minutes

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Dans le camp des critiques, plusieurs pointent un mécanisme imparfait lancé par des partis affaiblis. Pour Alexis Braud, ancien « coordinateur de la primaire EELV » en 2011 et aujourd’hui directeur de la campagne Yannick Jadot, la primaire ressemble à « un pis-aller », conséquence d’une Ve République en décrépitude et d’une élection présidentielle plus adaptée. « La primaire n’est pas durable. Elle compense une situation particulière dans laquelle on ne sait pas qui va être au second tour de la présidentielle. C’est la roulette russe », déplore le « dircab » du candidat écolo.

Benoît Hamon et Manuel Valls se sont retrouvés lors du second tour de la primaire à gauche au siège du Parti socialiste.
Benoît Hamon et Manuel Valls se sont retrouvés lors du second tour de la primaire à gauche au siège du Parti socialiste.  - Eric FEFERBERG / AFP

Une situation découlant notamment de partis affaiblis et « faiblement représentatifs » des citoyens, comme l’a souligné lundi Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, lors d’une conférence de presse. Pour le syndicaliste, les partis ont été « amenés à faire des primaires parce qu’ils n’avaient pas assez d’adhérents ». Un affaiblissement des structures partisanes qui conduirait, selon le patron de FO, à « une certaine forme de déliquescence démocratique ».

« Les primaires, une fausse bonne idée »

Des partis faibles, des candidats aussi ? La réponse est clairement « oui » pour Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS et au Centre de recherches politiques de Sciences Po Paris (Cevipof). « Les primaires transforment le candidat en chef de clan qui est obligé d’énoncer des propositions radicales pour gagner », souligne le chercheur. « Mais ses propositions sont recentrées immédiatement après l’élection pour élargir son offre politique et sa base électorale. Cet abandon créé un malaise et une impression de démagogie pour cet électorat très spécifique des primaires », juge Luc Rouban.

Un autre motif d’affaiblissement des vainqueurs des primaires concernerait la médiatisation des clans au sein d’un parti. « Les primaires ont été mises en place comme une manière de trancher des débats internes. Cependant, elles externalisent ces débats qui virent à la guerre civile entre les partisans des différentes écuries », précise le directeur de recherches au CNRS qui conclut : « Les primaires, c’est la fausse bonne idée. Elles ont permis de remettre de la IVe République dans la 5e ! »

Le mécanisme des primaires serait-il à jeter aux orties ? « Non », assure de son côté l’historien Fabrice d’Almeida qui rappelle que le mécanisme des primaires « est et reste un outil de légitimation très puissant pour leurs vainqueurs ». Succès des primaires françaises en 1995, 2007, 2012… 2017 ferait-elle exception ? « Si le mécanisme a ses défauts, il assure une garantie démocratique. Et contrairement à ce que l’on entend de François Fillon, ce candidat n’est pas faible. Il dispose du butin de guerre de la primaire [d’environ 9 millions d’euros], ce qui pousse le parti et les élus à la soumission. Personne ne peut le "débrancher", à part lui-même. Quant à Benoît Hamon, il n’aurait jamais existé sans cette primaire », relève le professeur.

Fabrice d’Almeida avertit cependant : « les candidats des primairespeuvent devenir des présidents faibles. » Un avis partagé par Gilles Boyer, directeur de la campagne d’Alain Juppé pour la primaire à droite. « L’inconvénient est que tout ce que l’on met en œuvre pour la primaire peut compromettre la présidentielle », juge ce fidèle d’Alain Juppé. Mais si ce système « est dur et imparfait », l’homme « ne voi [t] pas comment on reviendrait dessus. Elle est dans nos statuts et personne à droite ne prendra le risque de revenir dessus. » Critiqué, bousculé, le système des primaires n’en sera pour autant pas liquidé.

>> Et vous, que pensez-vous du système des primaires ? Pensez-vous que ce mécanisme démocratique permet de lancer la dynamique d’un candidat à la présidentielle ? Estimez-vous que les primaires comportent des failles et si oui lesquelles ? Souhaiteriez-vous que tous les partis les adoptent ? Donnez-nous votre avis dans les commentaires ci-dessous, en ayant soin de respecter notre charte