L'essentiel
- Bruno Le Maire, nouveau ministre, est candidat à sa réélection dans l'Eure
- S'il perd, il devra démissionner du gouvernement
En plein après-midi, le soleil a soudainement remplacé les bourrasques et la pluie. Un ciel dégagé accueille Bruno Le Maire, en campagne mardi dans la 1re circonscription de l’Eure. La météo, comme un clin d’œil, rappelle au nouveau ministre de l’Economie qu’en politique, tout peut aller très vite. Oublié, l’échec cuisant à la primaire de la droite. Evacuée, la mise au ban de sa famille politique.
Le candidat à sa réélection arrive dans un costume impeccable, tout sourire, pour rencontrer des agriculteurs dans la petite commune de Marbois. « Il y a quelques semaines j’avais un peu le sentiment d’être un funambule sur un fil, avec le précipice pas loin », reconnaît-il. « J’ai fait le tour des communes, sans jamais me dérober, pour expliquer ma position ».
« J’assume mes choix, et même je les revendique »
Dans le hangar d’une ferme céréalière, une cinquantaine d’exploitants agricoles l’attend. Le public est déjà conquis, mais Bruno Le Maire prend soin de revenir sur son départ de la campagne Fillon, puis son ralliement à Emmanuel Macron.
« J’assume mes choix et même, je les revendique. Je sais bien les incompréhensions qu’ils ont pu susciter ici sur ma circonscription où Marine Le Pen a fait 45 % des voix. Il aurait été mille fois plus confortable de rester dans mon fauteuil au gouvernement. Mais je ne fuis pas mes responsabilités et j’estime que c’est à vous seuls de dire si j’ai fait le bon choix ».
Devenu le paria de la droite, l’homme joue sa survie en politique sur des terres qu’il arpente depuis deux mandats. D’après les sondages, cette campagne, qui déterminera son maintien ou non dans le gouvernement, s’annonce favorable. « On pensait que ce serait plus difficile vu les derniers mois… », admet un membre de son équipe. « Mais l’accueil est très bon. Il faut dire que les gens connaissent bien Bruno. Il a été leur député, leur ministre de l’Agriculture, et maintenant de l’Economie ».
« Plutôt que d’accepter l’Economie, j’aurais mieux fait de demander l’Agriculture »
Crise céréalière, contractualisation laitière, harmonisation européenne et même Nicolas Hulot… Pendant une bonne heure, Bruno Le Maire répond aux inquiétudes des agriculteurs. « Plutôt que d’accepter le ministère de l’Economie, j’aurais mieux fait de demander l’Agriculture », s’amuse-t-il. L’ancien diplomate est aussi interrogé sur ses incohérences. A Bercy, il devra défendre une hausse de la CSG, soit l’inverse de son programme. « J’avais proposé une baisse mais avec le même objectif politique. Que le président ait choisi une voie technique différente, ça ne me gêne pas de l’assumer ».
A la fin de l’intervention, c’est cidre normand pour tout le monde. Et ça discute :
- « Il a fait du bon boulot quand il était notre ministre. Je suis de droite, alors je voterai pour lui », glisse l’un d’eux.
- Un autre ajoute : « Ça fait dix ans qu’il est notre député. Dans ce type d’élection, l’affect joue ».
- « Quand il dit que les Français vont mieux avec Macron, je ne crois pas. On verra dans un an… », nuance le maire d’une commune.
On s’interroge aussi sur ses chances de victoire : « Y’a un candidat Macron face à lui alors on verra bien… Ah non ? Il n’y a personne ? » Non, c’est bien BLM qui représentera La République en marche. Face à lui, une quinzaine de candidats, dont Fabienne Delacour du Front national et Coumba Dioukhané, investie par… Les Républicains et ancienne conseillère du député.
Sur son nuage, Bruno Le Maire n’a pas l’air de s’en inquiéter. Il sait qu’il peut s’appuyer sur des élus locaux LR restés fidèles. Le soir, lors d’une réunion publique à Angerville-la-campagne, le ministre reçoit le soutien de son ami de Bercy, Gérald Darmanin, mais aussi celui d’un autre proche, Sébastien Lecornu, président LR du département de l’Eure.
« On ne fait pas campagne avec sa casquette de ministre mais sur son bilan »
De quoi faire enrager la candidate officielle du parti, Coumba Dioukhané. « Je m’étonne de la position de mon département qui soutient une autre formation politique. Il n’y a aucune logique ! A l’issue de la campagne, j’espère que ces personnes seront exclues de notre famille », demande la maire adjointe d’Evreux.
L’ancienne conseillère du ministre de l’Agriculture a des mots durs envers son rival. « On ne fait pas campagne avec sa casquette de ministre mais sur son bilan. Bruno Le Maire se dit libre, mais il est sous l’étiquette En Marche !, il manque d’honnêteté et crée le flou dans la tête des électeurs. Lui fait campagne pour sauver son poste, moi pour siéger à l’Assemblée ».
Des attaques balayées calmement par l’intéressé dans la soirée. « Le parti n’était pas obligé de placer un candidat face à moi. Mais chacun est libre de se présenter. Les électeurs trancheront ». Un peu plus tôt, le même homme s’adressait à ses électeurs : « Depuis quelques semaines, il se passe quelque chose de positif dans le pays. Nous passons de la mauvaise humeur à la bonne humeur ». Nul doute que la formule s’adressait probablement aussi un petit peu à lui.