FAKE OFFLa Nupes a-t-elle sous-estimé ses chiffres avancés contre LREM ?

Législatives 2022 : Les chiffres diffusés par la Nupes sur les réseaux sociaux passés au crible

FAKE OFFDans la féroce bataille de communication qui oppose l’alliance de gauche à la majorité présidentielle, la Nupes avance des chiffres du premier quinquennat d’Emmanuel Macron
Romarik Le Dourneuf

Romarik Le Dourneuf

L'essentiel

  • La Nupes a lancé une campagne de visuels sur les réseaux sociaux pour dénigrer le bilan du premier quinquennat d’Emmanuel Macron.
  • Mutilations policières, personnes sans domicile fixe ou pauvreté, « 20 Minutes » a passé ces chiffres au crible.
  • Dans l’ensemble, ces données sont soit proches de la réalité, soit sous-estimées. Si elles ne sont pas tous imputables à 100 % au quinquennat du président réélu, elles font bien partie de son bilan.

A l’approche du premier tour des élections législatives dimanche, la bataille fait rage sur tous les fronts entre les différentes alliances qui veulent glaner les sièges de l’Assemblée nationale. Et les réseaux sociaux sont un terrain propice à la propagande électorale.

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Depuis plusieurs jours, la coalition de gauche – la Nupes - et son homologue de la majorité présidentielle, Ensemble !, s’affrontent à grands coups de visuels interposés. Les premiers étrillent notamment le premier quinquennat d’ Emmanuel Macron sous le mot-dièse #StopponsMacron, en fournissant des chiffres sur le bilan du président réélu. 20 Minutes a passé au crible ces chiffres.

17 éborgnés, 4 mains arrachées

DES CHIFFRES SOUS-ESTIMES. La stratégie du maintien de l’ordre du gouvernement depuis 2017 revient inlassablement dans le débat public. Les récents événements, ( finale de Ligue des champions, refus d’obtempérer, etc) sont venus de nouveau soulever la question. La Nupes relève ce sujet en présentant un visuel qui indique « 17 éborgnés, 4 mains arrachées ». Si l’alliance de gauche ne précise pas le contexte de ces mutilations, on peut estimer qu’elle parle de la totalité du quinquennat.

Si le ministère de l’Intérieur ne comptabilise pas ces blessures de manière précise, le journaliste David Dufresne a récapitulé méthodiquement tous les signalements de violences policières lors des mouvements sociaux de décembre 2019 à décembre 2020 sous le slogan « Allo@place_beauvau ». L’initiative a reçu le Grand Prix du journalisme 2019. S’il a arrêté son projet en janvier 2021, un récapitulatif mis à jour est disponible sur le site Internet de nos confrères de Mediapart.

Selon ce bilan, six mains ont été arrachées depuis 2019, la quasi-totalité l’a été à cause de l’explosion de grenade GLI-F4, une grenade lacrymogène, assourdissante et à effet de souffle. Depuis la fin du projet de David Dufresne, d’autres cas de mains arrachées ont été signalés. Le chiffre de six n’est donc pas exhaustif et le bilan est sans doute plus lourd encore.

Les personnes éborgnées à la suite de mouvements sociaux sont également sous-estimées par la Nupes. Le bilan disponible évoque 30 personnes éborgnées. Principalement victimes de tirs de LBD 40, elles sont plus que les 17 personnes évoquées. Déjà, dans un tweet de février 2021, David Dufresne parlait de « 27 gilets jaunes éborgnés ».

40 % des bénéficiaires des Restos du cœur sont mineurs

VRAI. Dans son rapport sur l'aide alimentaire, apportée lors de la campagne d’été et d’hiver 2020-2021, Les Restaurants du cœur annoncent avoir accueilli 40 % de personnes mineures. Selon ce même rapport, la moitié des bénéficiaires sont âgés de moins de 25 ans.

La part des mineurs parmi les bénéficiaires progresse très légèrement puisqu’elle était de 38 % lors de la campagne 2017-2018 de l’association. Mais le nombre réel a fortement progressé : de 860.000 personnes recensées en 2017, il est passé à près d’1,2 million de bénéficiaires durant la campagne 2020-2021.

Ainsi, le nombre de mineurs accueillis par les « Restos du cœur » est passé de plus de 326.000 à plus de 465.000.

Bilan 300.000 SDF

PROBABLEMENT VRAI (ou très proche). La Nupes avance le chiffre de 300.000 personnes SDF à la fin du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Selon l’Insee, le terme de « sans domicile » recouvre à la fois « les personnes sans-abri, c’est-à-dire celles dormant dans la rue ou dans un autre lieu non prévu pour l’habitation (hall d’immeuble, parking, jardin public, gare…), et les personnes mises à l’abri dans le cadre d’un dispositif d’hébergement (en centre collectif, à l’hôtel ou dans un logement ordinaire) ».

L’organisation publique concède que le dénombrement des personnes dans cette situation est difficile et le dernier recensement effectué par ses soins date de 2012. Le chiffre de personnes sans domicile s’établissait alors à 143.000. Interrogée par 20 Minutes, l’Insee confie que le prochain recensement n’aura lieu qu’en 2025.

Toutefois, la Fondation Abbé-Pierre a effectué une nouvelle estimation en novembre 2020, sur le même champ que l’Insee et a recensé près de 300.000 personnes sans domicile (en France métropolitaine). Si l’Insee se refuse à analyser ce chiffre, elle commente que « les différents faits objectivables (forte hausse du nombre de places d’hébergement, quasi-saturation des différentes structures) vont effectivement dans le sens d’une forte hausse du nombre de sans domicile par rapport au chiffre de 2012 ».

L’institut relève également que la situation des « sans domicile a significativement évolué, notamment avec l’accentuation de la crise migratoire depuis 2015, et plus récemment, avec la crise sanitaire », puisque tous ces chiffres incluent les personnes accueillies dans les centres de demandeurs d’asile.

400.000 pauvres de plus en cinq ans

C’EST UN PEU MOINS… POUR LE MOMENT. L’Insee établit le seuil de pauvreté à 60 % du niveau de vie médian (le niveau de revenu pour lequel 50 % des Français gagnent plus et 50 % gagnent moins). Elle établit ensuite le « niveau de vie » des ménages en prenant en compte leurs revenus et leur composition. En 2017, le seuil de pauvreté était ainsi fixé à 1.041 euros mensuels et 8,9 millions de personnes vivaient sous ce seuil. Ce chiffre représentait un taux de pauvreté en France de 14,1 %.

Les données de l’Insee n’étant établies qu’à N + 2, c’est-à-dire deux ans après, nous ne disposons de ces données que jusqu’en 2019 (Les données de 2020 devraient être publiées fin d’année). En 2019, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté est estimé à 9,2 millions (soit un taux de pauvreté de 14,6 %). Soit environ 300.000 personnes de plus qu’en 2017.

Ces données sont donc encore à compléter puisque la crise du Covid-19 (post-données disponibles) aura sans doute une incidence sur ces chiffres. Selon un rapport de l’Insee publié en novembre 2021, les simulations effectuées par l’institut montrent que la pauvreté en France aurait stagné en 2020. Notamment du fait des mesures exceptionnelles d’aides accordées par l’Etat durant la crise. Entre la fin de ces mesures et la reprise de la croissance, il est très difficile d’anticiper l’évolution de ces chiffres pour les années 2021 et 2022.