Législatives 2022 : Faut-il obligatoirement être député pour être nommé Premier ministre ?
FAKE OFF•Jean Castex, François Fillon et cinq autres chefs de gouvernement de la Ve République n’étaient pas députés lors de leur nomination, alors que Jean-Luc Mélenchon lorgne sur le poste en cas de victoire de la gauche rassemblée aux élections de juinMaïwenn Furic
L'essentiel
- Le nouveau Premier ministre sera connu d’ici la fin de la semaine. Si le chef d’Etat a déjà le nom du successeur de Jean Castex en tête, du côté de la gauche on espère que les élections législatives de juin à venir forcent à redistribuer les rôles.
- Jean-Luc Mélenchon a été vivement critiqué pour sa volonté de devenir Premier ministre sans pour autant se présenter aux législatives.
- Faut-il vraiment être député pour prétendre à la nomination de chef du gouvernement ? 20 Minutes fait le point.
Les Françaises et les Français connaîtront l’identité de leur Premier ministre d’ici la fin de la semaine, date butoir de fin du premier mandat d’Emmanuel Macron. Les spéculations sont nombreuses sur celui ou celle qui prendra la tête du gouvernement, dans l’attente des élections législatives qui pourraient tout bouleverser en cas de défaite de la majorité présidentielle.
Jean-Luc Mélenchon a récemment annoncé : « Je me prépare plutôt à l’idée d’être Premier ministre qu’à l’idée d’être de nouveau député ». Une position vivement critiquée par les partis adverses qui pointent du doigt l’absence de l’ex-candidat aux législatives. « Mélenchon prétend devenir Premier ministre sans être élu député ! C’est une supercherie institutionnelle et politique car un Premier ministre de cohabitation doit être le chef de la majorité parlementaire », a affirmé sur Twitter l’historien Jean Guarrigues.
« Vous pouvez être Premier ministre sans être député ? Mais oui. Sur 24 Premiers ministres de la Ve République, six n’étaient pas députés », a rétorqué Jean-Luc Mélenchon lors du lancement de la Nouvelle Union populaire écologiste et sociale, alors que deux noms circulent activement dans les rangs macronistes pour cette fin de semaine : ceux de Marisol Touraine et Audrey Azoulay, qui ne siègent ni l'une ni l'autre sur les bancs de l'Assemblée.
FAKE OFF
Au sujet de la formation du gouvernement, le site de l'Assemblée nationale explique : « Aucune condition ne préside à ces différents choix (rien n’impose, par exemple, que le Premier ministre ou les ministres soient des parlementaires) ; toutefois, le fonctionnement des institutions et la pratique démocratique conduisent le Président de la République à choisir un Premier ministre qui a le soutien de la majorité parlementaire. »
Jean-Luc Mélenchon a donc raison d’affirmer qu’il est possible d’être nommé chef du gouvernement sans être député. Et s’il venait à endosser ce rôle, il ne serait pas le premier dans ce cas. Jean Castex n’est pas député, et ne l’a jamais été. Avant de prendre sa fonction en 2020, il a été le maire de Prades dans le Pyrénées-Orientales durant douze ans. En parallèle, il a occupé différents postes, sans jamais siéger à l’Assemblée nationale.
Il n’est pas le seul exemple. Le premier Premier ministre de la Ve République, Michel Debré, n’était pas issu des rangs de l’Assemblée lorsqu’il a été nommé par Charles de Gaulle en 1959. Idem pour le second Premier ministre de De Gaulle, George Pompidou. En 1976, Valéry Giscard d’Estaing nomme Raymond Barre, alors sans mandat parlementaire. Jean-Pierre Raffarin est sénateur quand Jacques Chirac le choisit en 2002. Dominique de Villepin lui a succédé en 2005, sans jamais avoir été député. Ensuite, en 2007, Nicolas Sarkozy choisit François Fillon qui est sénateur à ce moment-là. Ils étaient donc en réalité sept Premier ministres à ne pas avoir été élus députés précédemment durant la Ve République, et non six comme l’a affirmé le chef de file de La France Insoumise.
Et en période de cohabitation ?
Trois périodes de cohabitation ont déjà existé en France, lorsque l’opposition au Président a remporté les législatives. La première a eu lieu de 1986 à 1988, quand Jacques Chirac (RPR) a été le Premier ministre de François Mitterrand (PS), la deuxième lors du second mandat de M. Mitterrand avec Edouard Balladur (RPR), de 1993 à 1995. Et la dernière entre 1997 et 2002, avec Jacques Chirac (RPR) comme président et Lionel Jospin (PS) à Matignon.
Ces trois hommes avaient été choisis parmi la majorité parlementaire. « Ils auraient pu ne pas l’être. Le président peut choisir qui il veut, mais l’Assemblée est aussi libre de refuser », explique Christian Delporte, historien spécialiste d’histoire politique. L’exception réside en 1993, où ce n’est pas le chef de la majorité qui est nommé Premier ministre. « C’était Jacques Chirac à l’époque, mais il a refusé le poste. C’est pourquoi c’est Edouard Balladur qui l’a obtenu », poursuit l’historien. Mais ce dernier était également député, tout juste réélu.
« Généralement les chefs de partis se présentent aux législatives », affirme Christian Delporte, sur le cas de Jean-Luc Mélenchon. Dans le cas où la gauche obtiendrait, cette année, la majorité, Emmanuel Macron pourrait dans tous les cas ne pas choisir le chef de file de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale pour Premier ministre, que ce dernier soit député ou pas. « L’Assemblée pourrait tout à fait refuser ce choix, ce qui forcerait le Président à renommer quelqu’un. » Emmanuel Macron pourrait alors renommer quelqu’un qui convienne aux parlementaires, ou dissoudre l’Assemblée nationale comme ça a été fait en 1962 par Charles de Gaulle. Les Français devraient alors voter de nouveau et le président de la République espèrerait, cette fois, obtenir la majorité.