PORTRAITMarine Le Pen, du Front national à la « dame aux chats »

Résultats présidentielle 2022 : Marine Le Pen, candidate héritière du Front national à la « dame aux chats »

PORTRAITLa victoire de Marine Le Pen, femme de 53 ans, aurait été une première et aurait propulsé l’extrême droite à l'Elysée pour une déflagration qui aurait résonné bien au-delà de la France
Marine Le Pen, le portrait
Marion Pignot

M.P. avec AFP

L'essentiel

  • Emmanuel Macron a été réélu dimanche à la présidence de la République avec 57,6 à 58,5% des voix face à Marine Le Pen (41,5-42,4%) selon les premières estimations, une nette victoire tempérée par l'écart notablement serré avec l'extrême droite et une abstention élevée (28%).
  • La candidate du Rassemblement national, qui avait réuni 33,9% des voix en 2017, progresse sensiblement au terme d'une campagne au long cours et sans aspérité. Mme Le Pen, qui a énormément misé sur le pouvoir d'achat pour se démarquer, sera parvenue à lisser son image, sans rien céder à la radicalité de son projet sur l'immigration ou la sécurité.
  • Vingt ans après l'émergence surprise de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle (17,79% des voix), jamais l'extrême droite ne s'est approchée à ce point du pouvoir sous la Ve République.

Les Français étaient appelés ce dimanche, au second tour de la présidentielle, à départager deux projets et deux visions du monde que tout oppose. Comme en 2017, Emmanuel Macron, parti favori, a remporté ce second tour face à Marine Le Pen. Les Français étaient devant un choix historique : reconduire le président sortant ou élire une femme et propulser ainsi l’extrême droite à l’Elysée. Une déflagration qui aurait résonné bien au-delà des frontières hexagonales, comparable au Brexit britannique et à l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis en 2016.

L’arrivée de Marine Le Pen, 53 ans, aux commandes d’une puissance nucléaire, dotée d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, force motrice de l’Union européenne aurait été un séisme d’une magnitude d’autant plus élevée qu’elle se serait inscrite dans le contexte lourd d’une guerre aux portes de l’Europe.

« La dame aux chats » et du pouvoir d’achat

Marine Le Pen a glissé son bulletin vers 11 heures dans son fief « mariniste » de Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais). L’avant-veille, au dernier jour de la campagne pour le second tour, la candidate du Rassemblement national a opposé sa relation aux Français à celle du président sortant, selon elle descendu « de l’Olympe exclusivement pendant quelques jours », et à la « relation toxique » avec le « peuple ».

Née à Neuilly-sur-Seine, « la dame aux chats », qui a axé sa campagne sur le pouvoir d’achat plutôt que sur l’immigration ou l’insécurité, est la benjamine de Jean-Marie Le Pen et de Pierrette Lalanne. Après un DEA de droit pénal, elle devient avocate au barreau de Paris en 1992. Elle est mère de trois enfants, nés en l’espace de onze mois (une fille en 1998 et des jumeaux en 1999).

En 1993, elle se présente pour la première fois aux élections législatives à Paris (17e arrondissement), sous la bannière du Front national (FN), parti cofondé par son père auquel elle a adhéré en 1986. Puis, en 1998, elle quitte le barreau de Paris pour entrer au service juridique du FN avant d’obtenir son premier mandat politique comme conseillère régionale du Nord-Pas-de-Calais (elle y siège jusqu’en 2004 puis de nouveau de 2010 à 2015 et de 2016 à 2021 au sein de la nouvelle région des Hauts-de-France).

Une « dédiabolisation » revendiquée

En avril 2003, Marine Le Pen devient vice-présidente du FN. Elue au Parlement européen en 2004 – elle y siégera jusqu’en 2017 –, elle devient également conseillère régionale d’Ile-de-France – jusqu’en 2010. En janvier 2011, elle est élue présidente du FN. Quatre ans plus tard, son père sera définitivement écarté des instances dirigeantes du parti, rebaptisé Rassemblement national (RN) en 2018 dans le cadre d’une campagne revendiquée de « dédiabolisation ».

Les années suivantes, Marine Le Pen continuera à vouloir lisser son image en souriant beaucoup. Celle qui juge que sa diabolisation est le fruit d’un « système » médiatique et politique qui « a peur » confessera avoir « mille différences » avec son père, qui pourtant la soutient. Elle avait même prévu de l’inviter à l’Elysée pour son hypothétique intronisation. En dévoilant sa passion pour les chats, Marine Le Pen a adouci son image. « Qui se méfierait d’une femme à chats ? », s’interrogeait même la Fondation Jean-Jaurès.

Emmanuel Macron sera face à Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle française 2022.
Emmanuel Macron sera face à Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle française 2022. - Sophie RAMIS, Paz PIZARRO, Kenan AUGEARD / AFP

Durant la campagne, Marine Le Pen s’en est d’ailleurs prise à la stratégie de « rediabolisation » engagée par le président sortant. Elle a également cherché à faire échec à la notion de « front républicain », levier actionné en 2002 contre son père puis en 2017 contre elle-même pour faire barrage à l’extrême droite. « La tonalité [de la campagne] a brutalement changé entre le premier et le deuxième tour », a-t-elle affirmé sur Europe 1 et CNews, dénonçant le fait que « l’ensemble des médias, des institutions déclenchent la diabolisation » de son parti. « C’est une tradition française, mais je trouve que ce n’est pas une tradition très démocratique. »

Lâchée par la famille

Revenons en 2012. Cette année-là, en avril, Marine Le Pen annonce sa première candidature à l’élection présidentielle. Elle échoue au premier tour, terminant troisième (17,9 % des voix). Le 7 mai 2017, elle est battue au second tour (avec 33,9 % des voix) face à Emmanuel Macron. Un mois plus tard, elle est élue députée du Pas-de-Calais, avec 58,6 % des voix. Le 10 avril 2022, malgré la concurrence d’Eric Zemmour rejoint par plusieurs cadres du RN, elle parvient de nouveau au second tour de la présidentielle, avec 23,1 % des voix.

Reste que sa grande sœur, Yann, a soutenu Eric Zemmour dans la course à l’Elysée, tout comme sa nièce (et fille de Yann), Marion Maréchal. Marine le Pen peut en revanche compter sur le soutien de sa sœur aînée Marie-Caroline et de son père.

Et ce dimanche, si la France – et le monde – a retenu son souffle, c’est parce que l’enjeu colossal, inhérent à tout scrutin présidentiel, était encore exacerbé par la possibilité de voir l’extrême droite prendre le pouvoir. « Des millions de nos compatriotes se sont portés vers son parti et son projet parce qu’elle a donné le sentiment qu’elle répondait au problème de pouvoir d’achat. Mais ses réponses ne sont pas viables. Une ambiguïté s’est créée, mais je pense que les fondamentaux de l’extrême droite sont là », a pour sa part lâché Emmanuel Macron vendredi sur France Inter, assurant que son opposante était parvenue à « avancer masquée ». « Marine Le Pen est l’héritière d’un père, d’un parti et d’une idéologie qui a aussi reposé sur beaucoup d’antisémitisme », a-t-il encore accusé.

Notre dossier sur la présidentielle

Si Marine Le Pen, qui s’est déclarée « contre le wokisme et contre toutes les "déconstructions" », s’était emparée l’Elysée, les secousses se seraient fait ressentir dès dimanche soir. Et dès le lendemain, cela aurait été la plongée dans l’inconnu.​

Découvrez les résultats du second tour de l’élection présidentielle 2022 par ville, département et région sur 20 Minutes.