Présidentielle 2022 : Barack Obama a-t-il « expulsé 2,5 millions d’étrangers des Etats-Unis », comme l’affirme Eric Zemmour ?
FAKE OFF•Dans le camp du candidat d’extrême droite, on vante les chiffres de la politique migratoire de l’ancien président démocrateMaïwenn Furic
L'essentiel
- A moins de trois semaines du premier tour de l’élection présidentielle, les candidats tentent plus que jamais de se faire entendre sur leurs sujets de prédilection. Pour Eric Zemmour, comme depuis le début de la campagne, c’est l’immigration.
- Pour se faire entendre, son parti Reconquête a trouvé une nouvelle comparaison : le bilan des expulsions d’étrangers en situation irrégulière sous l’administration de Barack Obama, qui aurait atteint les 2,5 millions de reconduites à la frontière.
- Qu’en est-il vraiment ? 20 Minutes fait le point.
«Comme Barack Obama, prix Nobel de la paix, qui a expulsé 2,5 millions d’étrangers des Etats-Unis, j’expulserai les clandestins, les criminels et délinquants étrangers pour protéger la France et les Français. #Remigration » Ce tweet, publié mardi et qui a été partagé plusieurs dizaines de milliers de fois, est signé Eric Zemmour. Des éléments de langages largement dans les rangs de Reconquête : Antoine Diers, porte-parole du parti, a repris la formule sur France Info et Guillaume Peltier, vice-président exécutif du parti, dans une interview donnée au Figaro.
Dès le début de la campagne présidentielle, le candidat a cherché à imposer l’immigration comme thème clé de l’élection. Mais le parallèle a laissé de nombreux internautes dubitatifs. « On a trouvé le vainqueur de la meilleure fan fiction », réagit l’un d’eux. Vraiment ?
FAKE OFF
Selon les chiffres communiqués par le site officiel US Immigration and Customs Enforcement, agence chargée de faire appliquer les lois relatives à l’immigration aux Etats-Unis, les données avancées par Eric Zemmour sont justes. Sous les mandats de Barack Obama, entre janvier 2009 et janvier 2017, ce sont même 2,7 millions de personnes qui ont dû quitter le territoire américain. Un chiffre qui n’inclut pas les personnes qui ont été refoulées à la frontière et renvoyées dans leur pays par les douanes américaines ou les services de protection des frontières.
Cette donnée brute est toutefois à remettre en cohérence. Les Etats-Unis comptaient 307 millions d’habitants en 2009 soit l’équivalent de 0,9 % de la population soumise à une mesure d’expulsion.
Pour permettre une comparaison avec la France, nous avons additionné les « éloignements forcés » recensés par le ministère de l'Intérieur sur la dernière période de huit ans hors Covid-19, qui a entraîné un fort recul des reconduites à la frontière. Au total, entre 2011 et 2019, les services français ont expulsé 132.469 étrangers en situation irrégulière, soit l’équivalent de 0,2 % de la population française en 2019 (67,3 millions d’habitants).
Un nombre d’expulsion très supérieur sous l’administation Obama, qui a d’ailleurs valu au président le surnom de « déporteur en chef » par ses opposants et certains médias américains. Est-il néanmoins celui qui a expulsé le plus dans l’histoire récente ? Non : le Migration Policy Institute a démontré que George W. Bush et Bill Clinton, qui ont également cumulé deux mandats, ont expulsé deux fois plus. Là encore, il est important de contextualiser, pointe l’institut, en raison de la plus faible entrée de clandestins à la frontière mexicaine entre 2009 et 2017.
La priorité du président démocrate durant ses deux mandats, en matière d’immigration, était le renvoi des criminels. Ensuite venaient les personnes entrées illégalement. Et à l’inverse, il tenait à ne pas inquiéter les familles, les personnes qui vivent depuis longtemps aux Etats-Unis, qui y travaillaient, et les personnes sans papiers qui sont arrivées aux États-Unis alors qu’elles étaient enfants – les fameux « dreamers ».
« Il est plus humain de renvoyer des personnes qui sont ici depuis deux semaines que de renvoyer des personnes qui sont ici depuis vingt ans et qui ont des familles », s’était défendue Cecilia Muñoz, l’une des principales conseillères en politique intérieure d’Obama, en 2017 à CNN.