PORTRAIT DE FAMILLESCarmen et Émile en colère contre une politique sanitaire «infantilisante»

Présidentielle 2022 : Non-vaccinés contre le Covid-19, Carmen et Émile en colère contre une politique sanitaire jugée « infantilisante »

PORTRAIT DE FAMILLESAvant l’élection, « 20 Minutes » vous fait partager les attentes des familles d’aujourd’hui. Carmen et Émile, jeunes trentenaires avec deux enfants, nous ouvrent la porte de leur maison de village où personne n’est vaccinée contre le Covid-19 et expliquent ce choix « en responsabilité »
Alexandre Vella

Alexandre Vella

L'essentiel

  • Avant l’élection présidentielle, 20 Minutes a rencontré des familles qui composent la société française d’aujourd’hui. Elles évoquent ce qui a changé au cours de ce mandat, leurs attentes et leur vision du monde politique actuel.
  • Carmen, Émile et leurs deux enfants, Wilan et Essane, font partie des familles de Français qui ne sont pas vaccinés contre le Covid-19. Un choix en réaction à la politique sanitaire du gouvernement qu'ils jugent autoritaire.
  • Tous deux viennent de milieux avec une vision très différente des vaccins et ont fait leur synthèse.

«Chez nous, seul le chien est vacciné », blague Émile en m’ouvrant la porte de leur maison de ville d’une petite commune du Pays salonais, dans les Bouches-du-Rhône. Avec son épouse Carmen, ces deux jeunes trentenaires ont fait le choix de ne pas se vacciner, ni leurs enfants âgés de six et trois ans, contre le Covid-19. « Loin de nous l’idée de minimiser la gravité que peut avoir le Covid-19. Il y a eu des drames », désamorcent-ils immédiatement.

Une confiance échaudée et limitée

Peu convaincus de l’utilité du vaccin pour eux – jeunes et en bonne santé - s’interrogeant toutefois sur une position « peut-être égoïste », ils estiment néanmoins avoir une attitude responsable face aux risques qu’ils pourraient faire courir à leur entourage. « On fait des tests quand il y a des symptômes ou si un des petits a de la fièvre avant d’aller chez sa grand-mère », illustrent-ils.

La responsabilité, voilà bien le cœur de leur réflexion et de leur opposition à une politique sanitaire jugée « autoritaire », « infantilisante » et « incohérente ». Et de revenir sur les différents épisodes durant lesquels l’exécutif a semblé, au mieux, tâtonner, à commencer par celui des masques « inutiles, car en réalité, ils n’en avaient pas », accusent-ils. « Ou encore, cette auto-autorisation à promener son chien. Absurde, simplement ». Tant et si bien que, lorsque « le gouvernement a dit : "vaccinez-vous", on a eu du mal à comprendre, à faire confiance ». Un sentiment sans doute renforcé par leur éloignement de Paris. À l’époque, ils travaillaient tous les deux à Mayotte avant d’en revenir, en décembre 2021, une poignée de semaines avant que le vaccin ne devienne obligatoire pour quitter l’île de l’océan Indien.

Ils n’en font pas mystère, les deux ingénieurs agronomes de formation, diplômés à Montpellier où ils se sont rencontrés, ne voteront pas Emmanuel Macron à la présidentielle. Attentive à l’actualité politique, Carmen n’espère « pas grand-chose d’un nouveau gouvernement ». Émile, qui avait voté Jean-Luc Mélenchon en 2017 lors du 1er tour, puis blanc au second, énonce trois principes sanitaires qu’il souhaiterait voir défendu lors de cette campagne. « D’abord, encourager la levée des brevets sur les vaccins. Ensuite, soutenir la recherche des alternatives à celui-ci. Et enfin, organiser un vrai accompagnement individuel des personnes à risques. »

« Les contraintes de l’État n’ont pas de prises sur nous »

Pour le reste, la famille n’a pas vraiment d’attente concernant cette élection. « On vise à être le plus autonome possible », résume Émile qui s’est installé comme maraîcher bio, cuisine ses légumes, assaisonne avec l’huile de ses oliviers ou encore consomme la viande issue de petits élevages de l’entourage. Les loisirs, l’alimentation, la sociabilité, le couple parvient à satisfaire ses envies, « sans que l’État n’ait de prise dessus ». Sans doute est-ce pour ça, aussi qu’ils n’ont pas plié aux contraintes que fait peser le gouvernement sur les non-vaccinés.

« C’est une obligation où l’on peut dire non. Alors, on va voir jusqu’où ils peuvent aller », plaident-ils, concédant faire désormais de leur non-vaccination « une position de principe. Une sorte de réaction, d’opposition à ce système de contrôle des populations qui s’installe toujours plus ». Pour autant, « cela ne veut pas dire qu’on ne se fera jamais vacciner contre le Covid-19 », nuancent-ils. Un pas qu’ils franchiraient assurément si le virus venait à se montrer beaucoup plus dangereux ou « par solidarité avec les enfants », dans l’éventualité où toutefois cela devenait obligatoire pour eux. Éventuellement « pour le boulot », ajoute Carmen qui travaille pour une coopérative d’entreprises, ou encore pour pouvoir aller voir une partie de la famille en Côte d’Ivoire.

Une position qui n’a pas toujours été simple à tenir. « À un moment, on s’est dit : autant, c’est à nous qu’il manque une case ». Mais, jusqu’à présent « rien ne nous a convaincus de passer le pas ». À l’inverse de personnes constamment plus nombreuses dans leur entourage. « Au début, beaucoup d’amis nous disaient "jamais je ne me ferai vacciner" et aujourd’hui ils le sont. Ils s’en excusent presque. "Ah, mais tu comprends, c’est pour voir papy à l’hôpital", "pour aller au resto avec ma chérie", "emmener mon fils au ciné"… ».


Notre boussole présidentielle

Malgré leur refus commun du vaccin contre le Covid-19, leur position plus générale sur ces derniers n’a pas toujours été convergente. Carmen, qui a grandi en Côte d’Ivoire, ne s’était jamais questionnée sur ceux-ci : « Quand tu vois les dégâts de la fièvre jaune ou les vieux malades de la polio, je suis reconnaissante à la science d’avoir ces vaccins, d’où je viens, ils sont importants ». Émile, lui, malgré quelques médecins dans la famille, viens d’un environnement où l’on ne vaccinait pas et où l’on s’arrangeait pour que « ça passe à l’école. Mon premier vaccin, la fièvre jaune, je l’ai eu à 18 ans pour partir voyager ».

Pas l’impression d’être déraisonnables

Dans le couple, le sujet est venu à la naissance de leur premier enfant, Wilan. « Moi, j’étais partante pour qu’on les fasse immédiatement et Émile pas vraiment. On a préféré attendre un peu avant de les faire », se souvient Carmen. Rapidement, les problèmes de bronches de leur fils – « il est presque asthmatique » – les incitent à réaliser celui contre la coqueluche. Les autres vaccins ont suivi lorsque le couple est parti travailler comme ingénieur agronome en Côte d’Ivoire puis à Mayotte. De fait, pour la naissance de leur fille Essane, la question ne s’est plus posée.

« À vrai dire, je me suis rendu compte que je n’avais pas l’argumentaire pour ne pas faire vacciner mes enfants », analyse Émile. Un argumentaire sous fond d’opposition politique que le couple est aujourd’hui capable de déployer pour celui contre le Covid-19. « Le gouvernement nous prend comme si nous n’étions pas capables de faire nos propres choix. Mais nous n’avons pas l’impression d’être déraisonnables. On adopte les règles qui visent à protéger les autres. Si nous refusons cette vaccination, ce n’est pas pour une certaine idée de pureté du corps ou que sais-je. C’est dans une perspective systémique, comme pour l’agriculture biologique ». Celle d’avoir une cohérence entre sa pensée, sa ligne de vie et ses actes, expliquent-ils.