Elections européennes: Les Verts sont-ils subitement devenus le parti préféré des jeunes?
VAGUE VERTE•La liste conduite par Yannick Jadot aux européennes a profité d’un sursaut de mobilisationNicolas Raffin
L'essentiel
- Selon un sondage, la liste EELV est arrivée en tête chez les 18-24 ans aux élections européennes.
- Les jeunes restent néanmoins très divisés, avec un fort vote RN et une abstention massive.
- Tout l’enjeu pour les écologistes sera de réussir à maintenir la mobilisation de la jeunesse à long terme pour les futures échéances électorales.
L’avenir va-t-il s’écrire en vert après les élections européennes ? Ce dimanche, la liste Europe Ecologie- Les Verts (EELV) a fait une percée remarquée en France. Avec 13,47 % des voix, les écologistes arrivent en troisième position du scrutin, derrière le Rassemblement national (23,3 %) et la liste Renaissance soutenue par LREM (22,4 %). Au-delà de ce score inédit depuis les Européennes de 2009 (16,28 %), les Verts peuvent avoir un autre motif de satisfaction : leurs idées ont séduit les jeunes électeurs.
Selon un sondage* Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions et Radio France, EELV aurait en effet recueilli 25 % des voix chez les 18-24 ans, devançant, sur cette tranche d’âge, le RN (15 %) et LREM (12 %). Un succès qui dépasse les frontières : en Allemagne, les Verts (Grüne) sont aussi en tête chez les moins de 30 ans, avec 33 % des suffrages. Si bien qu’au total, les écologistes devraient compter environ 75 élus au Parlement européen (soit 25 de sièges supplémentaires par rapport à 2014). De quoi valider l’émergence d’une génération écolo portée par la jeunesse ?
De la rue au bureau de vote
« L’enjeu écologique a gagné la conscience de beaucoup de citoyens, analyse Anne Muxel, directrice de recherche au CNRS et autrice de Politiquement jeune**. Les alertes lancées par la communauté scientifique se multiplient. Ces enjeux très politiques peuvent être très mobilisateurs pour la jeunesse ». Très concrètement, cela s’est traduit ces derniers mois par les marches pour le climat et les « Fridays for future », organisés un peu partout en Europe par des lycéens séchant les cours, parce que « cela ne sert à rien d'y aller si on n'a pas d'avenir », selon leurs dires.
Des événements, relayés médiatiquement, qui ont ainsi contribué à rajeunir l’image de l’écologie. « Nous ne mettons pas la crise climatique seulement à l’agenda de la rue, mais aussi dans les bureaux de vote » s’est d’ailleurs félicitée Lisa Neubauer, figure du mouvement en Allemagne. Plusieurs partis ont bien tenté de verdir leur programme pour capter ce réservoir de voix. Mais seule la liste EELV semble avoir profité du regain de participation des 18-24 ans (+10 points par rapport à 2014, selon le sondage Ipsos/Sopra Steria).
« Une fraction des jeunes, issue des milieux aisés, s’est plus mobilisée qu’auparavant et a voté pour la liste de Yannick Jadot » appuie Daniel Boy, politologue au centre de recherches de Sciences Po (Cevipof). Mais il nuance aussitôt : « Dans leur ensemble, les jeunes n’ont pas changé leur vote. Le vote RN reste très fort chez les jeunes d’origine plus modeste. L’origine sociale reste une variable déterminante de l’orientation politique ». Une analyse confirmée par la sociologue Anne Muxel. « Ce qui s’affirme avec cette élection, c’est une polarisation du vote jeune entre RN et EELV, alors qu’auparavant c’était plus entre le RN et la France insoumise, explique-t-elle. Seule une partie de la jeunesse s’est déplacée vers l’écologie ».
Une défiance toujours massive
Ainsi donc, si les écologistes séduisent aujourd’hui une grande partie des jeunes électeurs, ils sont loin d’avoir conquis l’ensemble de la nouvelle génération. Ils doivent faire face, comme tous les autres partis, à une défiance massive envers la politique : ce dimanche, environ 60 % des 18-24 ans ne se seraient pas déplacés pour voter, d’après Ipsos/Sopra Steria. « Les jeunes attendent des politiques qu’ils s’engagent sur des idées, des valeurs et des projets. Or, la défiance envers le personnel politique révèle en creux la panne de projet politique perçue par cette génération » rappelait Anne Muxel il y a quelques mois.
Pour valider son développement en politique, EELV devra donc trouver les recettes pour continuer à convaincre cette génération, et ce de manière durable. Les Verts parviendront-ils à capitaliser assez de voix sans se rapprocher d’autres partis ? « En 2009, EELV avait eu le soutien de la branche associative de l’écologie, rappelle Daniel Boy. Cet attelage avait fini par se dissoudre. Puis, pendant les élections municipales de 2014, les écologistes ont souvent fait liste commune avec les socialistes. Est-ce qu’aujourd’hui, les électeurs français sont d’accord pour les conduire seuls, sans alliance, au pouvoir national ? » s’interroge le politologue. « Pour l’instant, on ne l’a pas vu. »
Les prochaines élections – municipales (2020), départementales et régionales (2021), puis présidentielle (2022) – permettront sûrement de savoir si le vert est la couleur de l’avenir. Et si les nombreux lycéens présents dans les manifestations pour le climat, qui seront alors en âge de voter, suivront le mouvement.
*Sondage réalisé selon la méthode des quotas entre le 22 et le 25 mai, sur 5.433 personnes inscrites sur les listes électorales, constituant un échantillon national représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
**Éditions de l’Aube/Fondation Jean-Jaurès, 2018