Fichés S, déchéance de la nationalité, radicalisation: Que proposent Le Pen et Macron pour lutter contre le terrorisme?
PRÉSIDENTIELLE•Les deux candidats portent des visions radicalement opposées en matière de lutte contre le terrorisme...Hélène Sergent
L'essentiel
- Dimanche 7 mai, les électeurs se rendront aux urnes à l’occasion du second tour de l’élection présidentielle
- Lors du débat d’entre-deux tours, Emmanuel Macron a qualifié le projet de lutte antiterroriste de Marine Le Pen de « poudre de perlimpinpin »
- Parmi les mesures «phares» de la candidate frontiste: l'expulsion des étrangers fichés S et la déchéance de nationalité pour les binationaux liés au terrorisme
Délaissée pendant la campagne du premier tour de l’élection présidentielle, la lutte contre le terrorisme s’est imposée dans le débat public au lendemain de l’attaque sur les Champs-Elysées. Mercredi soir, à l’occasion du débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, le sujet a suscité outrances et invectives.
Le quinquennat qui s’achève a été violemment marqué par la menace terroriste. Jamais le Parlement n’aura voté autant de lois visant à renforcer les instances régaliennes en matière de lutte antiterroriste. Une dynamique qui devrait se poursuivre si l’on se fie aux programmes portés par les deux prétendants à l’Elysée. Leurs visions en la matière restent toutefois radicalement opposées.
- Expulsion des étrangers fichés S et déchéance de nationalité (Marine Le Pen)
C’est l’une des mesures « phares » de Marine Le Pen. L’engagement n°29 du programme frontiste promet « d’expulser tous les étrangers en lien avec le fondamentalisme islamiste, notamment les fichés S ». Un dispositif que la candidate entend mettre en place immédiatement après l’élection en cas de victoire. Aujourd’hui, entre 5.000 et 8.000 personnes seraient fichés S. Impossible en revanche de savoir quelle est la part de ressortissants étrangers.
Cette proposition, également portée par Bruno Le Maire lors de la primaire de la droite, est légalement impossible à mettre en œuvre. Actuellement, la loi permet d’expulser un étranger représentant une « menace grave ou très grave pour l’ordre public ». Mais pas de façon systématique et sur la seule base d’une fiche S. Il s’agit d’une décision individuelle qui doit être motivée. Pour rappel, une fiche S n’est pas un indicateur de dangerosité mais un outil de surveillance pour les enquêteurs.
Emmanuel Macron, s’est dit opposé à cette mesure à plusieurs reprises, y compris lors du débat télévisé mercredi soir. Idem sur la déchéance de nationalité pour les binationaux liés au terrorisme. Lors d’un discours prononcé le 18 avril dernier, l’ex-ministre déclarait : « J’ai toujours eu la même position sur la déchéance de la nationalité […] j’ai dit que je pensais que c’était une faute […]. elle est inefficace, quelqu’un qui est prêt à se suicider, à perdre la vie pour la cause terroriste qu’il défend et pour supprimer les autres, n’a cure de perdre la nationalité. »
Prônées par le Front National au lendemain des attentats du 13 novembre, la déchéance de nationalité et le rétablissement de « l’indignité nationale » pour les binationaux condamnés pour terrorisme figurent donc au programme de Marine Le Pen.
- Réorganiser et renforcer les services de renseignement (Les deux)
Si la loi adoptée en mai 2015 visait à renforcer l’arsenal juridique des services de renseignement, les deux candidats veulent axer leur projet sur un renforcement des moyens humains et techniques des équipes de la DGSI et de la DGSE. Marine Le Pen comme Emmanuel Macron proposent de réorganiser les agences. Outre l’engagement n°33 de la frontiste qui propose de « créer une agence unique de lutte antiterroriste directement rattachée au Premier ministre », la candidate envisage une meilleure « coopération internationale » sans approfondir la mesure.
Emmanuel Macron développe davantage sa réforme du renseignement : « Nous créerons une cellule spéciale du renseignement anti-Daech, permanente, de 50 à 100 agents, associant les principaux services de renseignement, placée auprès du Président de la République ». Le candidat d’En Marche ! souhaite créer un « état-major permanent » pour « planifier les opérations de sécurité intérieure » et l’association des équipes du ministère de l’Intérieur et de la Défense.
- La difficile application d’un article du Code pénal (Marine Le Pen)
Autre mesure portée par Marine Le Pen : l’application de l’article 411-4 du Code pénal sur l’intelligence avec l’ennemi. Le texte prévoit une peine de 30 ans de prison et de 450.000 euros d’amende toute personne entretenant des « intelligences avec une puissance étrangère, avec une entreprise ou organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents, en vue de susciter des hostilités ou des actes d’agression contre la France ». Selon la candidate, cet article permettrait de mettre « hors d’état de nuire » les terroristes.
Sauf que l’application de cet article, contrairement à la mise en examen pour « association de malfaiteur en relation avec une entreprise terroriste » pose de nombreuses difficultés. La première, d’ordre politique, serait que la France reconnaisse Daesh comme « organisation étrangère ». La seconde, d’ordre juridique, repose sur la notion « d’intelligence ». Cela suppose des contacts mutuels entre le justiciable et l’organisation terroriste, préalable parfois difficile à prouver.
Enfin, la députée européenne souhaite « placer en détention préventive tout individu de nationalité française en lien avec une organisation étrangère suscitant des actes d’hostilité ou d’agression contre la France et les Français ».
- Des centres fermés de déradicalisation (Emmanuel Macron)
Emmanuel Macron était le seul, y compris parmi les candidats du 1er tour, à proposer explicitement des mesures de « déradicalisation ». Terminés les centres « ouverts » et les initiatives associatives émaillées de scandales financiers et d’ échecs patents comme ce fut le cas lors de l’actuel quinquennat. Le candidat veut créer des « centres fermés de petite taille spécifiquement dédiés à recevoir des personnes radicalisées ». Ni véritables centres de détention, ni « colonie de vacances », ces structures accueilleront un « faible nombre de détenus », seront totalement fermée et placées sous haute sécurité.
Enfin, unique point commun entre les deux candidats, ni Emmanuel Macron ni Marine Le Pen ne chiffrent leurs mesures de lutte contre le terrorisme.