Présidentielle: Costard sans cravate, start-up et tableur Excel… La France de Macron, une école de commerce géante?
POLITIQUE•Le candidat d’En Marche ! emprunte beaucoup de codes des « sups de co » dans sa façon de mener campagne…Julien Laloye avec l'aide considérable de Laure Cometti
L'essentiel
- Le candidat En Marche! cartonne chez les étudiants en école de commerce
- Il pourrait s'inspirer de leur univers pour gouverner
C’est un article qu’on a mis du temps à pondre : on tourne autour depuis un moment. Le jour du logo, déjà, il y avait un truc. EM, comme Emmanuel Macron, EM comme En Marche, soit. Mais surtout EM comme école de management. Et puis la révélation devant nos yeux ébahis, le jour du meeting à Bercy. Macron qui cite Diderot écrivant à sa maîtresse, et le public qui siffle avant d’entonner l’inénarrable, l’insupportable, le détestable, « Popolopopopo » sur l’air des White Stripes. Tout s’assemble dans notre cerveau :
a- Les « helpers » (pas les « volontaires », les « helpers ») qui sourient tout le temps et à tout le monde lors des rassemblements
- Les discours à mi-chemin entre un cours de yoga et une conférence de chaire entrepreneuriale où on se tape sur le cœur à la fin comme dans le Loup de Wall Street
- Les filles en tee-shirts rose de week-end d’intégration dans les tribunes
- Les mecs en costard sans cravate qui se donnent l’air d’avoir créé trois start-up le matin avant de faire de l’entreprenariat social l’après-midi à son QG
- Les goûts musicaux de chiotte calés sur la playlist des NRJ Music Awards 2011
- Macron qui fait des likes sur Insta en faisant un bottleflip avec une pauvre bouteille d’eau (la semaine passée)
Merde mais c’est évident. Macron n’est ni de gauche, ni de droite, ce n’est pas le sujet. IL EST CANDIDAT À LA PRESIDENCE D’UN BDE D’ECOLE DE COMMERCE.
Précisons deux/trois trucs avant de se faire incendier. On n’a rien contre les écoles de commerces, il faut bien vivre, mais pour faire un bon papier, on a toujours besoin d’un bouc-émissaire et des clichés qui vont avec. Par ailleurs, cet article a été écrit sous le haut patronage d’une ex-étudiante de l’ESCP (dans le top 4 des sups de co mes petits potes), qui a choisi de gâcher sa vie en se réorientant dans le journalisme. A tel point qu’un jour, son école l’a appelée pour savoir si elle ne s’était pas trompée quand elle a donné son salaire de « profession intermédiaire pas encore CSP +++ ». Pas assez de K, sans doute. True Story. (Ouais, on est totally bilingues en école de commerce).
Ah, si, on oubliait : ce n’est pas juste une vue de l’esprit. Le candidat d’En marche ! fait un carton chez les winners de demain. Selon le scrutin mené par la Fédération des Tribunes Étudiantes au sein des sept meilleures écoles de commerce de France avant le premier tour, Macron frôle la majorité absolue avec 49 % des voix, loin devant François Fillon et ses 26 %. Un consensus qui nous a donné envie de pousser plus loin le raisonnement, du genre où est-ce qu’on organise le week-end d’intégration et quand est-ce que Jouy-en-Josas (HEC) devient la capitale du pays ?
Notre question >>>
A supposer qu’il gagne l’élection, à quoi ressemblerait la France de Macron si elle était gouvernée comme une école de commerce ?
Nos intervenants >>>
- Zeil (nom d’emprunt), ancien directeur académique d’une grande école et auteur de Sup de cons, le livre noir des écoles de commerce (La Différence, 48 pages, 15 €)
- Claire, présidente du BDE d’une école de commerce parisienne en 2009
- Paul Richard, étudiant Mélenchoniste à l’ESCP
Leurs suggestions >>>
Macron expliquera ses réformes importantes en cinq minutes sur Youtube (et Facebook)
L’idée vient de Paul, qui avoue s’être captivé pour la campagne de Jean-Luc Mélenchon grâce à ses vidéos régulières publiées sur youtube. « Ça crée un lien hyperpersonnel avec une personnalité politique quand elle vous explique l’actualité toutes les semaines. Je pense qu’en 2022, le président passera par là pour défendre son travail. Mais peut-être que Macron le fera avant, ça humanise et ça fait moins politicard ».
Il imposera la transparence et s’y tiendra
Claire se remémore sa première mesure une fois élue présidente de BDE. « Pendant notre mandat on avait pris le parti de publier nos comptes. C’était une première, pas forcément bien vu par nos prédécesseurs qui n’avaient pas compris notre démarche. Mais c’était une manière de dire « voilà ce qu’on a fait avec vos cotisations » comme un gouvernement pourrait dire « voilà ce qu’on fait de vos impôts », et d’expliquer des coupes budgétaires ».
Il demandera des feedbacks en direct pour évaluer son travail
Zeil a observé le succès météorique d’En Marche ! depuis les Etats-Unis. Il voit bien le président Macron essayer de frapper fort et vite pour séduire, comme un prof qui doit séduire des étudiants très exigeants en école de commerce. « On vit dans le règne de la satisfaction immédiate des consommateurs/électeurs. Je pense qu’il utilisera les réseaux sociaux pour avoir des retours rapides sur ses mesures, pour les tester en direct ».
Il se prendra la réalité dans la figure (comme tous ses prédécesseurs)
Après le temps des promesses, celui des contraintes de l’exercice du pouvoir ? Claire : « Il y a un vrai fossé entre ce que tu as envie de faire et le moment où tu découvres l’état des comptes du BDE, un peu comme le président doit découvrir les comptes de l’Etat. Tu prends aussi la mesure de tous les interlocuteurs que tu dois prendre en considération. Il y a plein de contraintes que tu minimises pendant la campagne. Ça t’amène à faire des choses pas toujours comprises ni populaires ».
Il donnera envie de rester en France (mais pas dans le même job)
« Avec le Brexit, les perspectives d’un départ à l’étranger se sont réduites, avance Zeil. Avec son discours optimiste sur la mobilité et sur le fait de se former pour changer de jobs plusieurs fois dans une vie, il parle à la jeunesse des écoles de commerce. Et peut lui donner envie de rester en France ». «Quand on l’entend parler de France dynamique, qu’il fait des vidéos en anglais pour s’adresser à la silicon valley, qu’il est soutenu par Xavier Niel, ça fait un peu rêver », confirme Paul.
Il demandera à ses ministres de maîtriser Cloud et Excel
Un ministre de l’Intérieur qui apprend une entrevue à l’Elysée via Google doc ? C’est l’avenir du métier, les amis. « Dans un BDE, on utilise beaucoup les outils numériques, explique Claire. Tout le monde travaille en réseau partagé, sur le Cloud. Quand tu organises des événements aussi compliqués et longs qu’un week-end d’intégration ça demande beaucoup d’organisation : des outils Excel, de la modélisation pour qu’il n’y ait pas de temps morts, que tout le monde puisse dormir ». Organiser un conseil des ministres doit être au moins aussi compliqué, non ?
Il fera ouvrir tous les magasins et tous les services publics 24h/24
Si Paul a voté Mélenchon, il avoue avoir eu un petit coup de cœur pour Macron le jour d’une vidéo Facebook depuis la bibliothèque Pompidou, dans laquelle le candidat défendait l’ouverture des lieux de culture plus longtemps. « Là, il s’adressait directement à tous les étudiants qui ont besoin de bosser le soir tard mais qui se font mettre dehors parce que les bibliothèques ferment. Ça fait partie des idées qui peuvent séduire notre génération ». Même si l’opposition risque d’être féroce, comme lorsque Macron ministre a voulu étendre le principe du travail le dimanche.
Il ne se représentera pas
On terminera par cette suggestion de Claire. Selon elle, si Macron décidait de ne faire qu’un mandat, il n’aurait pas besoin de faire du teambuilding pour tenir ses ministres. « Un BDE est élu pour une année, et ceux qui ne sont pas présidents n’ont pas vocation à le devenir, ne peuvent pas se représenter. Donc c’est normal que l’esprit d’équipe soit plus fort que dans la vie politique où les élus se plantent des couteaux dans le dos par intérêt et ambition personnelle ».
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