Présidentielle: On est partis à la chasse aux parrainages avec Jean Lassalle
POLITIQUE•L’ancien berger du Sud-Ouest a tout misé sur le soutien des territoires oubliés des campagnes pour réussir à se présenter…Julien Laloye
Image saisie au vol à deux pas du QG de Jean Lassalle, tout près des Invalides, lundi matin. Au numéro 25, une vitrine un peu veillotte nous avertit : « Veillée de prière trois vendredis par mois, avec vénération des reliques de Saint Faustine et confession ». Ambiance raccord avec le numéro 27, croyait-on. 289 parrainages validés par le conseil constitutionnel à une semaine du gong pour l’ancien lieutenant de François Bayrou au Modem et actuel maire de Loudios-Ichère (Pyrénées-Atlantiques), cela semble limite.. Que nenni les amis. Les bénévoles qui triment sur le sujet depuis des semaines, en comptent au moins 100 de plus à la même date.
Petite plaisanterie sur la lenteur des vieux sages de la rue de Montpensier à ouvrir le courrier sur la droite. Coup de téléphone sur la gauche. Philippe, un ancien d’Eiffage, dégaine plus vite que Lucky Luke. 300 coups de fil par jour depuis juillet et son dépucelage, « Monsieur Berthier, le maire de La Bridoire ». Autant vous dire que le bonhomme connaît son affaire : de l’autre côté du combiné, le maire de Laguiole. Même pas besoin d’argumenter ça tombe tout seul. « Vous l’avez envoyé jeudi ? Super, je le note. On est en est où ? Ecoutez, on est pas mal du tout. […] Non, ne vous inquiétez pas, 289, c’est un chiffre scélérat ».
De fait, monsieur Alazard est le 486e élu à soutenir la candidature du maire de Lourdios-Ichère (Pyrénées-Atlantiques). C’est inscrit sur le tableau qui relève les compteurs au milieu de la pièce. Nous voilà rassurés. Jean Lassalle, quand même. Son accent rocailleux du Sud-Ouest, sa faconde pagnolesque, ses performances scéniques par You Tube : si vous avez dix minutes devant vous, et même si vous ne les avez pas d’ailleurs, écoutez-le raconter son premier enterrement d’édile, c’est à se rouler par terre. Jean Lassalle et sa grève de la faim pour sauver l’usine Toyal dans la Vallée d’Aspe. Jean Lassalle et son tour de France à pied (5.000 bornes, respect) pour « établir le diagnostic du pays ». On pensait que pour lui, les parrainages, c’était servi chaud au petit-déjeuner avec la confiture d’abricot.
Il reconnaît à demi-mot qu’il n’avait pas anticipé la difficulté de la tâche : « Si je ne suis pas capable d’avoir 500 parrainages sur les 30 000 communes qui sont promues à la disparition, c’est vraiment que je ne suis pas invité ». C’est son credo. Repenser la vie des Français à l’échelle locale. « La fin de la métropolisation », résume Céline Alléaume, sa directrice de campagne. « La République, et juste en dessous la commune », reprend l’intéressé, qui se veut le candidat de cette France périphérique où l’on galère pour trouver un service public, un boulot, une raison de rester. S’il est élu, le député de la 4e circonscription des Pyrénées-Atlantiques a d’ailleurs prévu d’y aller au bazooka. Sept milliards repris à l’Europe et consacré « aux campagnes françaises », déclarées grande cause nationale. La collecte des parrainages a suivi la campagne de fond. Les équipes du candidat ont visé la fameuse diagonale du vide, celle de la France rurale qui va du Sud-Ouest au Nord-Est, la partie du pays la plus susceptible d’adhérer aux idées de Jean Lassalle.
« Céline Alléaume : « On a repéré des zones géographiques et des lieux de culture, par exemple des librairies indépendantes là où il en restait, pour organiser des séances de dédicace de son livre « un berger à l’Eysée » avec Jean. 150 personnes à chaque fois, je vous assure que ça fait parler. On consacrait deux heures à la presse locale dans la foulée, et un débat citoyen où les élus étaient invités ». »
Voilà pour la première lame. Ensuite, le travail au corps, téléphone en main et batterie de renfort pas loin pour ferrer le poisson. « C’est dix appels pour chaque personne en moyenne, et réguliers dans le temps. Si vous n’appelez pas le jour J à l’heure convenue, je peux vous dire que c’est mort. L’avantage, c’est que notre candidat passe bien. Il ne crée pas d’opposition ou de rejet idéologique ».
Illustration avec les deux fistons, « Pénélope 1 et Pénélope 2 », plaisante le papa. Geoffrey (25 ans) et Amaury (19 ans), participent à la campagne. Gratuitement, s’il est besoin de le préciser. « Nous, on doit draguer trois personnes. La secrétaire pour avoir un numéro de téléphone, la femme du maire, puis le maire ! ». Le cadet tente sa chance avec le maire de Landévennec. Ce dernier se plaint du désert médical dans sa région, il est pile dans la cible et n’a encore parrainé personne. Discours convaincant et conclusion pressante.
- « Vous avez entendu parler de sa marche citoyenne ? »
- « Dans sa vallée, il essaie de créer du lien social comme vous, ce sera facile à expliquer à vos habitants »
- « Je sais que vous avez besoin de réfléchir, mais on est dans la dernière ligne droite »
- « Si vous voulez, Monsieur Lassalle peut vous rappeler lui-même »
Aussitôt dit, aussitôt fait, ou presque. Jean Lassalle est déjà au téléphone avec un « hésitant ». Un maire qui n’est pas encarté dans un grand parti, qui n’est pas dégoûté par les affaires, et qui n’a aucun problème à voir son nom apparaître sur les listes du conseil constitutionnel. Le candidat déploie tout son charme de son phrasé inimitable.
« « Je leur dis "Monsieur le Maire, vous avez la chance d’avoir un homme emblématique de la cause des campagnes françaises, et vous n’êtes pas foutus de lui donner 500 signatures ?". Et puis je leur rappelle qu’en tant qu’élu, j’ai moi-même parrainé Arlette Laguiller deux fois, pourtant, je ne défends pas vraiment les mêmes idées ». »
Dans la pratique, c’est un peu plus décousu. Mais l’homme a du talent, c’est indéniable. « De toute manière, je vous laisse libre de votre choix, moi je n’ai jamais violé personne vous savez ». Et de revenir s’asseoir avec nous, sous une bibliothèque de circonstance où trônent en bonne place la France de Raymond Depardon et une caricature parue quelques mois plus tôt dans la presse. On y voit notre candidat grimé en berger, et une question : « Jean Lassalle président en 2017 ? ». Sa réponse : « Bernadette Soubirous a bien vu la vierge dans les Pyrénées ! ». Pour les parrainages, nul besoin d’un miracle. Le 487e vient de tomber à l’instant, par texto. Plus que treize.