Elections régionales: Les raisons de la défaite de Claude Bartolone en Ile-de-France
ELECTIONS•Revirement de l’électorat frontiste, surmobilisation de la droite, phrase maladroite, usure du pouvoir... Et si c’était ce cocktail qui avait coûté l’Ile-de-France à la gauche?...Fabrice Pouliquen
Au soir du premier tour, le 6 décembre dernier, Claude Bartolone était présenté comme bien placé pour conserver à gauche la région Ile-de-France. Il l’a perdue pourtant dimanche soir à 60.000 voix près. Pourquoi ? Eléments de réponses…
Le revirement de l’électorat frontiste
C’est la grande surprise de ce second tour, qu’aucun institut de sondage n’avait prévu. La région capitale est la seule de l’Hexagone où le FN a perdu des voix dans l’entre-deux-tours. Wallerand de Saint-Just avait récolté 18,41 % des voix à l’issue du premier tour, contre 14,02 % au soir du second tour.
Valérie Pécresse, dont on disait les réserves de voix limitées au soir du premier tour, en a fortement profité. Pour le camp de Claude Bartolone, ce transfert de voix est même la principale explication de leur défaite : « Tout le reste, c’est de la littérature », indique François Kalfon, responsable des médias dans la campagne de la tête de liste PS. Valérie Pécresse aurait tout fait pour draguer l’électorat frontiste. Sa présence à un meeting fin novembre du collectif Manif pour tous, opposé au mariage gay, « en a été un signal fort, estime Luc Carvounas, directeur de campagne de Claude Bartolone. Elle a aussi été jusqu’à prendre des membres de la Manif pour tous comme colistiers. »
Une surmobilisation de la droite
Au-delà du report des voix du FN vers Valérie Pécresse, Luc Carvounas, le directeur de campagne de Claude Bartolone, reconnaissait aussi ce lundi matin « une forte mobilisation de l’électorat de droite dimanche en Ile-de-France. » Bruno Cautrès, politologue au Cevipof, attend d’avoir un peu plus de données pour analyser le phénomène. « Mais c’est sûr qu’au soir du premier tour, la droite n’avait jamais été aussi proche de gagner, ce qui a pu pousser son électorat à se mobiliser plus que d’habitude », explique-t-il. Le sursaut de participation en Seine-Saint-Denis, le fief de Claude Bartolone et département où l’on vote traditionnellement le moins en France, n’aura pas suffi à faire contrepoids.
Une phrase très maladroite
Et si c’était aussi une petite phrase qui avait coûté l’élection à Claude Bartolone ? Dans une interview à L’Obs, la tête de liste PS avait présenté sa rivale des Républicains comme une candidate qui « défend en creux Versailles, Neuilly et la race blanche ». Valérie Pécresse n’avait pas tardé à réagir, allant jusqu’à affirmer vouloir porter plainte.
Pour François Bayrou, le président du MoDem, « cette sortie de Bartolone lui a coûté la victoire », estime-t-il dans un article du Figaro. « Avec cette phrase, la position de Claude Bartolone devenait contradictoire, observe pour sa part Bruno Cautrès. On ne peut pas se dire candidat du Front Républicain et accuser son opposante d’être candidate de la race blanche. Même en fin de campagne, lorsque la fatigue se ressent, ce n’est pas un comportement républicain ! »
L’usure du pouvoir
Il est rejoint dans cette analyse par Bruno Cautrès. « L’effet d’usure finit toujours pas jouer. Ce n’est pas simple de convaincre un électorat de confier une même institution 25 années durant à un même camp politique. »
Pourtant, le politologue voyait dans Claude Bartolone un bon candidat pour préparer l’après-Huchon. « Mais peut-être a-t-il trop misé sur sa notoriété en Ile-de-France et est-il entré trop tard en campagne sans jamais réellement lâcher sa casquette de président de l’Assemblée nationale, évoque Bruno Cautrès. Valérie Pécresse a fait un gros travail de terrain. C’est un investissement qui finit toujours par payer dans une élection locale. » « La transition se fera sur le long-terme », indique désormais François Kalfon.