Régionales 2015 : La difficile campagne des listes citoyennes
POLITIQUE•Financement, maillage électoral, médiatisation... difficile d'exister sans un parti derrière soi...Thibaut Le Gal
Les yeux bandés, une jeune femme attend sans bouger, à quelques mètres de la place Georges-Pompidou à Paris. Son long manteau jaune détonne dans la grisaille parisienne de cette après-midi fériée de novembre. A ses pieds, une pancarte. « On se fait confiance ? Free Hugs [câlins gratuits] ».
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Rien ne l’indique au premier coup d’œil, mais Lolita Diez, 21 ans, est en campagne. Lorsque la candidate de la « Liste d’union citoyenne » en Ile-de-France reçoit l’accolade d’un passant, deux ou trois colistiers surgissent pour évoquer leur projet.
Liste d’union citoyenne en campagne, Paris, le 11 novembre. - TLG / 20 Minutes
Première difficulté : trouver assez de colistiers
« Le câlin est le symbole de la participation citoyenne. Face à la crise démocratique, à la montée de l’abstention, il faut se faire confiance et porter un projet participatif », sourit Etienne Dubanchet. « Notre liste est "a-partisane", tous ses membres sont issus de la société civile », précise l’étudiant. Un peu plus loin, David, Benjamin et les autres distribuent les tracts. Une boîte à idées est là : toute proposition est bienvenue.
Liste d’union citoyenne en campagne, Paris, le 11 novembre. - TLG / 20 Minutes
L’aspect insolite de l’événement dévoile une réalité du scrutin : difficile d’exister sans parti. Pour valider la liste, il a fallu trouver assez de colistiers pour couvrir l’ensemble des départements (209 en Ile-de-France). La «Liste d’union citoyenne» est le fruit de ce problème.
« Nous sommes l’union de deux mouvements citoyens : "Génération avenir", des jeunes plutôt urbains diplômés ou étudiants, et "C’est à nous", des militants associatifs ou élus indépendants des quartiers populaires », précise Etienne Dubanchet. « On s’est retrouvés sur un même constat. Le rassemblement nous a permis de couvrir tout le territoire et d’offrir une meilleure représentativité de la région »
Renoncer aux professions de foi et bulletins de vote
Une poignée de listes dite « citoyennes » se présentent ainsi au scrutin de décembre. Peu d’entre elles atteindront les 5 % de voix. Ce cap est pourtant essentiel : il permet d’être remboursé des frais de campagne. « Nous avons dû renoncer à l’édition de nos professions de foi*, car nous n’avions pas les 57.000 euros nécessaires », regrette Emmanuel Loevenbruck, tête de liste de « Nous Citoyens » dans les Yvelines (Ile-de-France).
« On en a fait un argument de campagne. "Nous sommes la seule liste Cop 21 au niveau des professions de foi", car nous ne gaspillons pas de papier », ironise-t-il. L’impression des bulletins dans les bureaux de vote est aussi à la charge des candidats. Pour réduire les frais, « Nous Citoyens » a donc décidé d'être modeste et de ne fournir que 20% des votants.
« On se prive quand même d’une grande masse de lectures et donc de voix. Ça s’ajoute à la faible visibilité médiatique. Mais on compense en multipliant les actions de terrain, sur les marchés ou les transports, soit trois heures de terrain par jour minimum depuis trois semaines », ajoute Emmanuel Loevenbruck. « C’est un peu fatigant, mais on aime ça et les gens sont réceptifs ».
L’opération « câlins » de la «Liste d’union citoyenne» est, elle aussi, bien accueillie par les passants parisiens. Mais un sourire — aussi joli soit-il - ne vaut pas une voix. « Bien sûr, ça aurait été plus facile d’être 100 aujourd’hui, de disposer du soutien d’une fédération, d’un parti… », assure Benjamin, 26 ans. « Mais on pallie ce manque de bras par les outils numériques. Ces plateformes sur Internet nous permettent de faire participer un maximum de personnes à la prise de décisions et d’intéresser le plus grand nombre de citoyens à notre démarche ».
Liste d’union citoyenne en campagne, Paris, le 11 novembre. - TLG / 20 Minutes
*Depuis le 23 novembre, professions de foi et bulletins des listes des candidats sont consultables en ligne sur un site dédié du ministère de l’Intérieur.