EMPLOI (A DiSTANCE)Télétravailler depuis l’étranger, une fausse bonne idée ?

Télétravailler depuis l’étranger ? C’est possible, mais ce n’est pas forcément une bonne idée

EMPLOI (A DiSTANCE)Alors que le télétravail a le vent en poupe, certaines agences de voyages proposent déjà des séjours dédiés à l’étranger
Romarik Le Dourneuf

Romarik Le Dourneuf

L'essentiel

  • Après des semaines de télétravail pour beaucoup de salariés français pendant le confinement, 76 % d’entre eux souhaiteraient prolonger l’expérience au moins une journée par mois.
  • Pour télétravailler à l’étranger, il est impératif d’avoir l’accord de son employeur sans quoi, il est en mesure de licencier les fautifs.
  • Même avec son accord, les contraintes de sécurité et de coûts sont importantes.

De la crise du coronavirus sortira au moins un gagnant : le télétravail. Durant le confinement, de nombreux Français ont eu l’occasion d’y goûter. Et selon l’Ademe, 76 % d’entre eux espèrent prolonger l’expérience au moins une fois par mois. Même Jean Castex, le Premier ministre, a encouragé ce mercredi le développement de cette pratique dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.

Alors que la fin de l’été approche, certains pourraient être tentés de suivre le soleil en posant leur ordinateur et leur téléphone dans un pays étranger. Des agences de voyages commencent même à proposer des formules dédiées, avec bureaux, wifi et excursions nocturnes. C’est le cas, par exemple, de Best of Tours, qui propose des séjours avec cours de langue et excursions en plus du logement, en Indonésie, au Maroc ou encore en Italie. Des Etats se lancent aussi, la Barbade voulant notamment proposer un visa d’un an pour les télétravailleurs qui veulent découvrir ses paysages. Séduisante, l’idée n’est pourtant peut-être pas si simple.

La loi ne s’y oppose pas

Légalement, rien n’empêche un salarié de télétravailler depuis l’étranger. D’ailleurs, le Code du travail n’aborde pas le volet international à ce sujet. Mais cette absence de réglementation ne signifie pas que tout est permis. « Qui dit télétravail dit salarié, et donc celui-ci doit avoir l’autorisation de son employeur », explique l’avocate Mathilde Gaupillat. Cette experte en gestion sociale en explique les raisons : « La première est que l’accord de télétravail doit être donné selon des modalités particulières : une durée et un lieu définis ». Ensuite, l’employeur a une obligation de santé et de sécurité vis-à-vis de son salarié. Il doit s’assurer que le salarié ne court pas de danger sur son lieu de travail. Une donnée importante concernant cette crise du coronavirus, durant laquelle tous les pays ne sont pas touchés de la même manière.

Sans accord, l’employeur peut licencier

Mathilde Gaupillat rappelle ce qu’est le télétravail : « L’exercice par un salarié de son emploi dans un autre lieu que celui de son employeur, alors qu’il pourrait y aller ». Par cela, l’experte rappelle que même dans ces conditions, le salarié doit rester à disposition de son employeur. Il est possible de parcourir 50 kilomètres pour aller travailler depuis une résidence secondaire, ou chez un membre de la famille, et « cela correspond à une activité mesurée, pas déloyale ». Mais travailler à l’étranger entraîne des risques bien plus importants.

Un employeur peut, par exemple, demander à son salarié de se déplacer pour une mission. Et Mathilde Gaupillat de rappeler le sort des Britanniques qui se sont retrouvés en quarantaine avant de pouvoir rentrer chez eux. « Avec la crise du Covid-19, les pays peuvent changer leur réglementation du jour au lendemain. Ce serait faire peser un risque que le salarié ne peut pas prendre à l’insu de son employeur ». Cela consiste en un « manquement de loyauté » envers lui, et un manquement à l’obligation de sa propre sécurité par le salarié : « C’est une faute qui peut constituer un élément réel et sérieux, qui peut aller jusqu’au licenciement ».

Des frais supplémentaires ?

Même si le poste du salarié le permet et que l’employeur ne s’y oppose pas directement, le télétravail à l’étranger implique d’autres contraintes. En premier lieu, il peut coûter cher, puisque les dispositions relatives au Code du travail français indiquent que l’employeur doit prendre en charge les frais professionnels du salarié. S’il doit aménager son lieu de travail sur place, l’employeur doit s’assurer que celui-ci correspond à des conditions décentes en matières d’hygiène et de sécurité. Ces normes et leur vérification peuvent coûter cher. De la même manière, si le salarié doit se déplacer pour un rendez-vous professionnel, il revient, légalement, à l’employeur de régler ces frais. C’est également valable si l’employeur demande à son salarié de rentrer de manière anticipée pour une urgence ou un autre besoin de l’entreprise.

En cas de problème de santé, de nombreuses interrogations émergent. En effet, si en France, la question des accidents du travail et des arrêts maladies ne se pose pas pour le télétravail (les mécanismes sont les mêmes que pour du travail en présentiel), cela peut-être différent pour l’étranger. Mathilde Gaupillat résume : « Si la Sécurité sociale ne prend pas tous les frais en charge, c’est à l’employeur de payer le restant dû. Et si ses assurances fonctionnent en France, pas sûr que ce soit le cas à l’étranger. »

Enfin, l’experte en gestion sociale alerte sur la durée pendant laquelle le séjour peut durer. Car si l’employé reste trop longtemps à l’étranger et qu’il y travaille, il pourrait passer sous le statut de travailleur expatrié.