Mohamed Lamouri, la voix lumineuse du métro
MUSIQUE•Le chanteur, malvoyant de naissance, a sorti son premier album en avril, après avoir passé quinze ans à sillonner les rames du métro parisienCamille Langlade
L'essentiel
- Mohamed Lamouri a développé un style unique, mélange de raï et de musique des années 1980.
- Arrivé d’Algérie il y a seize ans, il a d’abord joué dans le métro.
- Son premier album est sorti en avril dernier.
Un musicien avare en mots, mais pas en émotions. C’est au Café de Paris, à Ménilmontant, un de ses « repaires », que Mohamed Lamouri nous a donné rendez-vous. « C’est le gars qu’on entend souvent sur Nova ? », glisse un badaud au comptoir. Lui-même. Veste noire, démarche légèrement claudicante, regard fuyant, l’homme n’est pas très bavard. De sa voix éraillée, les mots sortent de manière abrupte, presque gênée. Malvoyant de naissance, le chanteur s’est avant tout construit sur son talent et non son handicap.
« Il a un œil aveugle et un autre à 10 % », explicite son producteur, Benjamin Caschera. « Je vois de près, mais pas de loin », ajoute pudiquement le principal concerné. Une déficience qui, de son propre aveu, ne lui a jamais posé problème : « C’est une question d’habitude. »
Une partition à la croisée des genres
Arrivé en France il y a seize ans, c’est dans le métro parisien que l’Algérien de 37 ans a commencé par enchanter les foules avec son clavier fétiche. « Au début, c’est dur, parce que personne ne te connaît », se souvient-il. Il arpente les rames une quinzaine d’années durant, avant de sortir de l’ombre, notamment grâce à Benjamin Caschera, cogérant de Almost Musique, qui produit son premier album, Underground Raï Love, enregistré avec Groupe Mostla et sorti en avril dernier.
L’éditeur est d’abord marqué par l’authenticité du personnage et par sa voix « hyper touchante ». Puis par sa partition, hybride, à la croisée des genres ; « du raï sentimental pur jus, mais aussi de la musique anglo-saxonne et française des années 1980 », résume le producteur, qui envisage aussi l’interprète au-delà de son handicap. Il ne fait aucune différence entre le chanteur au clavier et les autres artistes : « Dans le travail, c’est juste pareil. Si ce n’est qu’il faut parfois l’accompagner en tournée. » Et d’ajouter : « La musique a pu être un facteur d’inclusion pour Mohamed, du moins sur le marché du travail. Je ne vois pas quel autre métier il pourrait faire. » Et pour cause, le sien lui va si bien.