La santé mentale, une perception encore trouble
Handicap•Par méconnaissance ou incompréhension, le handicap psychique entraîne des stéréotypes et des représentations négatives en FranceCamille Langlade
L'essentiel
- La Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées se déroule du 18 au 24 novembre.
- Le handicap psychique peut prendre de multiples formes, mais reste invisible dans la plupart des cas.
- Les troubles mentaux, encore méconnus, suscitent beaucoup de préjugés et d’incompréhension en France.
«Mais t’es schizo ou quoi ? », « Lui, il doit être bipolaire ». Qui n’a jamais entendu ce type de phrase, au détour d’une conversation ou d’une machine à café ? Le handicap psychique reste encore méconnu et mal interprété en France, aux dépens des personnes concernées.
« La première difficulté qu’on a avec cette typologie de handicap, c’est son invisibilité », déclare Ivan Talpaert, directeur de la sécurisation des parcours à l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées). Il est pourtant bien réel : selon l’organisme, la souffrance psychique est le premier motif d’arrêt maladie longue durée en France. « Pendant très longtemps, on ne savait pas comment soigner ces individus, on les a donc réduits à un enjeu sanitaire, médical et on les a cloisonnés », raconte Céline Aimetti, déléguée générale de l’association Clubhouse France.
« La schizophrénie n’est absolument pas Docteur Jekyll et M. Hyde »
Aujourd’hui, ils sont pour la plupart sortis des hôpitaux psychiatriques, mais continuent d’être stigmatisés. Pour Roselyne Touroude, vice-présidente de l’Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques), il existe une grande méconnaissance des troubles psychiques qui entraîne « beaucoup de stéréotypes et de représentations négatives, véhiculés dans les films et les médias ».
« Quand on dit schizophrène, on pense fou dangereux avec un couteau », illustre Céline Aimetti, déléguée générale de l’association Clubhouse France. Et d’ajouter : « La schizophrénie n’est absolument pas Docteur Jekyll et M. Hyde. » Autant de clichés qui nourrissent l’imaginaire collectif et entretiennent, à tort, la peur et le rejet des personnes concernées. Céline Aimetti observe toutefois une certaine « progression », citant des fictions comme le film Happiness Therapy. « On fait de moins en moins le raccourci entre maladie psychique et criminalité. »
La France à la traîne
Mais si les choses ont évolué, la déléguée générale déplore un retard de la France en la matière, notamment par rapport à ses voisins anglo-saxons. « En Angleterre la santé mentale est une cause nationale, défendue par la famille royale. Aux États-Unis, des personnalités comme Tim Burton ou Catherine Zeta-Jones se sont déjà exprimées sur le sujet. » En France, c’est silence radio, ou presque. Selon elle, on ne donne pas assez la parole aux personnes en question : « On a besoin d’entendre et de faire entendre ceux qui vivent avec une maladie psychique. »
« C’est l’ensemble de la société qui doit apprendre à changer de regard et à mieux connaître ces problématiques-là », estime Roselyne Touroude. En développant par exemple les formations de premier secours en santé mentale. Parce que toutes les crises ne passent pas que par le cœur.