Rapport sur les inégalités: Le chemin de croix des jeunes pour décrocher un emploi stable
TRAVAIL•Selon le rapport annuel de l’Observatoire des inégalités paru ce mardi, le taux de chômage des 20-24 ans a progressé de cinq points depuis 2008…Delphine Bancaud
L'essentiel
- En 2016, le taux de chômage des moins de 25 ans était de 24 %
- Les jeunes étaient en première ligne lors de la crise de 2008
- Le contrat précaire est devenu un sas classique pour démarrer sa carrière
- Leurs difficultés d’insertion ont des répercussions dans tous les pans de la vie des jeunes
Derniers arrivés dans le monde du travail, les jeunes sont aussi souvent les moins bien servis. Une tendance qui s’est accentuée depuis la crise de 2008 et que souligne le rapport annuel de l’Observatoire des inégalités présenté ce mardi.
Car les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2015, plus d’un jeune actif sur cinq (20-24 ans) était sans emploi. Soit quatre fois plus qu’en 1975. Et depuis le début de la crise financière en 2008, le taux de chômage a augmenté de 5 points pour cette classe d’âge, contre 3 points pour les 25-49 ans. En 2016, il était de 24 % pour les moins de 25 ans. « Quand il y a récession et arrêt des embauches, les jeunes sont les premières victimes », souligne Guillaume Allègre, économiste à l’OFCE. « Il y a un effet file d’attente. Avec la raréfaction des embauches, les employeurs choisissent d’abord les moutons à cinq pattes, c’est-à-dire les personnes expérimentées et les plus qualifiées. Ce qui désavantage les jeunes », explique Nina Schmidt, chef de projet à l’Observatoire des inégalités. Mais dans cette course effrénée au premier emploi, les jeunes les plus diplômés s’en tirent évidemment mieux que les autres. Surtout ceux des grandes écoles.
« Ils servent de variables d’ajustement aux entreprises »
Et lorsqu’ils trouvent un boulot, les jeunes doivent bien souvent passer par le sas du travail précaire (CDD, intérim, contrat aidé…). Un phénomène qui s’est aggravé depuis trente ans, comme le souligne le rapport sur les inégalités. Le taux d’emploi précaire des moins de 24 ans est passé de 17,2 % en 1982 à 51,6 % en 2014. « Avant les années 80, la première embauche se faisait en CDI, alors qu’aujourd’hui elle se fait plutôt en CDD. D’une part, car les employeurs testent les jeunes recrues avant de leur offrir un emploi stable. D’autre part, parce que ces derniers servent de variable d’ajustement aux entreprises », observe Guillaume Allègre.
Là encore, les jeunes peu qualifiés sont plus touchés par ce fléau que les jeunes diplômés du supérieur. Et cette période de précarité peut durer plusieurs années pour eux. « Ce qui s’inscrit dans un phénomène plus global de dualisation du marché du travail avec d’un côté, les travailleurs flexibles, d’un autre les salariés stables », commente Louis Maurin, le président de l’Observatoire des inégalités.
Des temps partiels subis
Dans la même logique, lorsqu’ils trouvent un boulot, les jeunes sont parfois obligés d’accepter un job à temps partiel. Un pis-aller car la moitié des 15-29 ans dans ce cas, voudraient travailler à temps plein, comme le souligne le rapport. « Beaucoup de jeunes qui travaillent dans les services, l’hôtellerie-restauration, la grande distribution, subissent ces temps partiels, qui s’accompagnent parfois d’horaires décousus », constate Nina Schmidt.
Et ces difficultés à décrocher un premier emploi stable sont bien évidemment lourdes de conséquences pour les jeunes : « ils ont du mal à trouver un logement, à financer des loisirs et retardent leur projet de vie de famille », observe Guillaume Allègre.
Que fera le nouveau gouvernement ?
Lors du précédent quinquennat, François Hollande avait tenté d’améliorer les conditions d’insertion des jeunes. Notamment via la mise en place du contrat de génération, des emplois d’avenir et des emplois francs dans les zones urbaines sensibles. « Mais ces dispositifs n’ont pas bien fonctionné car les entreprises ne voulaient pas embaucher, même avec des aides, par manque de visibilité sur leur activité. Et le recours aux emplois aidés pour endiguer le chômage des jeunes a été moins massif que lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy », analyse Guillaume Allègre.
Reste à savoir si le gouvernement d’Edouard Philippe fera mieux : « On peut espérer que la future loi travail favorise les embauches en général, avec des répercussions sur les jeunes », déclare l’économiste. « Il faut peut-être réfléchir à des incitations à l’embauche pour les entreprises, ciblant prioritairement les jeunes peu à pas diplômés », estime de son côté Nina Schmidt.