amour, gloire et mobilitéMacron dit que les Français aiment leur « bagnole »… A-t-il raison ?

« Moi, je l’adore »… Emmanuel Macron a-t-il raison de penser que les Français kiffent leur « bagnole » ?

amour, gloire et mobilitéDans son intervention télévisée de dimanche, Emmanuel Macron a évoqué l’attachement des Français à la voiture. Un amour qui ne faiblit pas malgré les enjeux climatiques
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Dimanche soir, Emmanuel Macron a évoqué des Français « très attachés à la bagnole ».
  • S’il est évident que la voiture est utile voire indispensable pour bon nombre de Français, notamment hors des centres-villes, la réalité penche davantage vers un attachement sentimental.
  • Car malgré les enjeux climatiques et l’explosion du coût de la voiture, l’amour des Français pour leur « bagnole » est toujours vivace.

«Ce qui est très important pour les Français, c’est qu’on est très attaché à la bagnole. On aime la bagnole, et moi je l’adore », s’est enthousiasmé Emmanuel Macron lors de son entretien télévisé dimanche soir. Des chiffres pour étayer ces mots doux ? En apparence, rien de plus facile. On vous propose deux statistiques massues : au 1er janvier 2022, 38,7 millions de voitures étaient en circulation en France, selon le gouvernement. Un nombre continuellement en hausse année après année. Et 75 % des actifs français utilisent leur voiture pour se rendre au travail, d’après le dernier baromètre Mobilités & entreprises Alphabet France de novembre 2022.

Mais quand on aime, on ne compte pas. Alors que ces chiffres témoignent de l’aspect utilitaire de la voiture, le chef de l’Etat évoque, lui, de l’amour, de la passion. Alors, les Français sont-ils vraiment attachés à leurs autos ? « Le marché de la voiture reste émotionnel et non purement fonctionnel dans le pays », tranche Eric Saint Frison, consultant automobile et directeur de l’innovation de L’Argus, magazine français consacré aux quatre roues.

De la passion plus que de la fonctionnalité

Preuve en est, selon l’expert : le choix des voitures par les Français. Il illustre son propos avec un exemple bien précis, l’AMI de Citroën, une voiture sans permis. « Un grand succès commercial chez les jeunes. Alors qu’à 45 km/h, vous avez la même mobilité en scooter, en moins cher et moins encombrant. C’est bien que la voiture possède une valeur sentimentale en plus. Idem pour les voitures avec permis : ce sont rarement les purement fonctionnelles qui rencontrent du succès. »

Et côté cœur, les chiffres ne manquent pas non plus. Dans un sondage BMW-Odoxa France datant de 2020, les personnes interrogées associent à la voiture les notions de liberté (88 %) et de plaisir (71 %), à côté de la notion de nécessité (87 %), le seul concept utilitaire du trio de tête. Plus mims encore, un Français sur cinq donne un petit surnom à sa voiture, selon une étude de la société Onepoll pour CarNext de 2021. Et non, vous n’êtes pas les seuls à parler à « Titine ». « La voiture est certes vue comme un objet plus banal et consensuel que dans les années 1960 ou 1970, reconnaît Boris Descarrega, spécialiste mobilité à l’Observatoire Société et consommation. Mais les Français gardent un réel amour envers elle. Elle a perdu de son prestige, mais pas de son attache émotionnelle. » Le tout avec un certain chauvinisme : Les voitures françaises sont assez populaires en France, note le site de voiture de location CarVertical : « Les automobilistes français sont souvent perçus comme des amoureux de leur propre constructeur ».

Un achat personnel, sentimental et plein de souvenirs

Eric Saint Frison voit deux raisons à cela. De manière pragmatique, son prix. « Vous n’allez pas placer plusieurs milliers voire dizaines de milliers d’euros dans un achat sans y mettre un peu de sentiment avec. » En 2023, le prix médian d’un véhicule neuf est de 35.000 euros, et celui d’un véhicule d’occasion atteint 22.000 euros. Selon un sondage Elabe de 2019, un Français sur deux voit même dans le choix de sa voiture un moyen d’exprimer sa personnalité.

L'amour de la bagnole, une passion des années 1980  ? Pas vraiment !
L'amour de la bagnole, une passion des années 1980 ? Pas vraiment ! - Canva

Deuxième raison, « la voiture, de par son usage quotidien et sa praticité, crée forcément des souvenirs en se rattachant à des moments chaleureux. C’est le véhicule pour amener les gosses au foot, pour partir en vacances… », estime Eric Saint Frison.

Loin des yeux, près du moteur

Le fameux « monde d’après » et la transition vers moins des déplacements moins polluants semblent encore loin. Au contraire, la crise sanitaire aurait renforcé l’attachement, selon Boris Descarrega. La restriction des libertés individuelles et des déplacements pendant plusieurs mois aurait « montré l’importance de la voiture, et plus particulièrement de la voiture individuelle ». Ainsi, si l’image d’Épinal de l’auto a été écornée au profit des transports collectifs, doux et du covoiturage dans le courant des années 2010, « la crise du Covid-19 a mis un terme à ce frémissement collectif, et les Français sont retournés vers le modèle de totale liberté de la voiture solo », annonce l’expert de l’Observatoire.

Sommes-nous les témoins d’un amour éternel ? « Notre Observatoire fait des analyses depuis 2014, et l’attachement tant utilitaire que sentimentale à la voiture reste relativement stable », indique Boris Descarrega. A croire que ni les enjeux climatiques ni l’essor des nouvelles mobilités ne font franchement bouger les lignes. Le cœur a ses raisons…