E-commerce : Pourquoi les prix peuvent (fortement) varier d’un internaute à l’autre
E-COMMERCE•Fixer un prix « à la tête du client » est une pratique répandue sur le Net grâce aux algorithmes analytiquesJulie Polizzi pour 20 Minutes
À l’ère du numérique et des promotions permanentes, payer le prix « normal » semble être de plus en plus difficile. Même les consommateurs les plus zélés, qui comparent systématiquement les offres en ligne, ne sont pas certains de faire la meilleure affaire. Et pour cause : ils peuvent, sans le savoir, se voir proposer un tarif « optimisé » par rapport à leur propension à acheter. C’est ce qu’on appelle la personnalisation des prix. Décryptage...
Le persona marketing
Cibler la clientèle est la base de toute stratégie marketing. L’objectif est de pouvoir proposer des produits répondant aux besoins et attentes des consommateurs à un tarif qu’ils sont susceptibles d’accepter. Dès lors, le prix ne résulte pas seulement des coûts de production et de la marge nécessaire du producteur. Bien plus complexe, la politique tarifaire d’une enseigne se base sur une multitude de critères tenant aux profils des clients potentiels. Et pour capter un maximum d’acheteurs, la différenciation tarifaire est de rigueur. C’est le principe bien connu des programmes de fidélité et autres cartes senior ou junior.
Mais avec le Big Data, ces pratiques commerciales ont changé d’échelle. De nos jours, les algorithmes permettent d’élaborer des « persona » marketing (les profils types) ultra-précis grâce à l’analyse du comportement des internautes, mais également d’utiliser ces outils à des fins de personnalisation des prix.
À chacun son prix
Ce dont on parle ici, c’est ni plus ni moins d’adapter le tarif de certains produits et services en fonction de chaque consommateur ou, plus familièrement, de fixer un prix « à la tête du client ». Le pire, c’est que nous n’en sommes pas conscients puisque c’est dès l’affichage en ligne que la différenciation s’opère ! « Nous ne voyons pas tous les mêmes prix sur le Web », nous explique Laurent Amar, le cofondateur de France Vérif, un outil de diagnostic gratuit visant à évaluer la fiabilité d’un site internet afin d’éviter les arnaques et d’obtenir le meilleur prix possible.
Et d’expliquer que « si on est jeune, fortuné, vivant à Paris et identifié comme extrêmement digitalisé, on a de très fortes chances de payer un prix moins élevé qu’une personne âgée vivant en province ». Pourquoi ? Parce que les algorithmes déduisent de ce type de profil qu'il a une capacité plus importante à comparer les offres sur d’autres plateformes.
Un besoin de transparence
Et l’intérêt du consommateur dans tout ça ? Pour Laurent Amar, la réponse est claire : « Cette personnalisation des prix crée une rupture d’égalité forte. » Dès 2016, une étude de l'Institut national de consommation a dépeint un modèle « où certains gagnent et d’autres perdent », en précisant qu’à défaut d’être informé sur les mécanismes de cette différenciation tarifaire, on pouvait s’interroger sur le caractère trompeur de cette pratique commerciale.
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Pour l’OCDE aussi le problème tient au manque de transparence, souvent lié à des affirmations mensongères selon lesquelles ce tarif personnalisé serait le « meilleur prix ». Dans une note de 2018, l’organisme international estime qu'« il serait indiqué de considérer comme déloyal tout dispositif de personnalisation des prix non transparent ou ne prévoyant pas une option de non-participation pour les consommateurs qui le souhaitent ». Comme souvent, toutefois, la législation a un train de retard et bon nombre de plateformes, étrangères mais aussi françaises, ont recours à cette méthode... dans la discrétion la plus totale.