EUROPELe fonds d'amortissement de la dette, une idée venue d'Allemagne

Le fonds d'amortissement de la dette, une idée venue d'Allemagne

EUROPEBerlin y reste pourtant encore hostile...
© 2012 AFP

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L'idée d'un fonds d'amortissement de la dette, dispositif allégé de mutualisation des créances des pays de la zone euro, fait son chemin en Europe mais reste à convaincre l'Allemagne, d'où le projet est pourtant originaire.

Mercredi, le Parlement européen s'est prononcé en faveur d'un fonds européen d'amortissement de la dette. La part des dettes nationales au-delà de seuil de 60% du Produit intérieur brut (PIB), soit la limite légale en Europe, serait placée dans ce fonds et remboursée dans un délai de 25 ans, à un taux d'intérêt modéré.

Et en attendant le remboursement, le fonds se financerait grâce à des emprunts garantis par tous les Etats membres, d'où le nom de "euro-obligations light" souvent donné à cette idée.

Si la chancelière Angela Merkel l'a rejetée encore une fois jeudi devant les députés allemands, appelant à ne pas "surestimer les forces" de la première économie européenne, l'Allemagne pourrait à long terme se laisser convaincre.

Selon une source gouvernementale, le pays pourrait consentir à une "étape préliminaire" qui verrait tous les pays européens présenter un plan de désendettement détaillé.

Soulager les pays

Mais, pour Berlin, rien ne pourra se faire sans revoir les traités européens, qui en l'état interdisent toute forme de mutualisation des créances.

Paradoxalement, c'est en Allemagne que cette proposition a vu le jour.

Et plus exactement en novembre, lors de la présentation du rapport des plus influents conseillers économiques du gouvernement, surnommés les "Sages".

Ces cinq économistes, dont le rôle est consultatif, avaient alors plaidé pour la mise en place d'un tel fonds, et détaillé les modalités.

L'idée de base: soulager les pays qui étouffent sous le poids d'une dette ancienne, pour leur permettre de se concentrer sur le retour à l'équilibre des budgets, sans accumuler encore plus de créances.

La majeure partie des émissions obligataires des Etats ne sert en effet pas à financer de nouveaux projets mais à "refinancer" des créances anciennes arrivant à échéance, c'est-à-dire à les rembourser en émettant à nouveau de la dette.

Les "Sages" allemands proposaient la chose suivante: prendre à une date donnée un instantané de la dette de chaque Etat-membre de la zone euro, et en "prélever" toute la part dépassant 60% du PIB.

A titre d'exemple: la dette publique allemande pèse aujourd'hui environ 80% de son PIB, comme celle de l'Espagne, contre 120% en Italie.

Quelques pays européens seraient dispensés, ainsi la Finlande ou l'Estonie, aux endettements faibles.

Aubaine

Toutes ces créances excédentaires seraient stockées dans le fameux fonds d'amortissement et les Etats membres s'engageraient, chacun à hauteur de son endettement, à faire des versements de manière à tout rembourser en 25 ans.

Après ce laps de temps, dans l'idéal, tous auraient alors ramené leur dette à moins de 60% de la richesse nationale.

Pour s'assurer que les Etats ne profitent pas de l'aubaine pour laisser déraper leurs déficits, tous devraient inscrire dans leur constitution une "règle d'or" visant à équilibrer le budget et signer des engagements de rigueur.

Les économistes allemands préconisaient toutefois d'exclure du programme les pays bénéficiant déjà de l'aide européenne, à l'époque la Grèce, le Portugal et l'Irlande, et désormais aussi l'Espagne.

Là où le mécanisme fait intervenir une mutualisation de la dette, c'est lorsqu'il préconise que le fonds d'amortissement refinance les dettes arrivant à échéance en émettant des emprunts garantis par tous les Etats membres. Donc des "euro-obligations" à portée limitée, qui disparaîtraient une fois apurées ces "vieilles" dettes.

Les "Sages" avaient calculé que le taux de refinancement du fonds devrait avoisiner les 3% pour des créances à 10 ans. Bien moins que les près de 7% atteints actuellement par les taux de l'Espagne, et que les taux supérieurs à 6% que doit acquitter l'Italie.

Mais plus que les 1,5% demandé à l'Allemagne, d'où un surcoût pour le pays.

C'est sans doute l'une des explications principales aux réticences de Berlin, où l'on fait valoir que ce fonds pèserait à lui seul autant que toute la dette publique allemande. Et qu'il risquerait fort de ne pas convaincre les marchés au-delà de six mois.