ECONOMIEGrèce: La sortie de la zone euro peut-elle sauver l'Europe?

Grèce: La sortie de la zone euro peut-elle sauver l'Europe?

ECONOMIELes avis divergent entre les tenants du maintien d'Athènes dans la zone de la monnaie unique et ceux qui plaident pour son départ. Revue d'arguments...
L'impasse politique en Grèce a remis le scénario d'une sortie de la zone euro au coeur des inquiétudes.
L'impasse politique en Grèce a remis le scénario d'une sortie de la zone euro au coeur des inquiétudes. - Thanassis Stavrakis/AP/SIPA
Mathieu Bruckmüller

Mathieu Bruckmüller

Les nouvelles élections législatives en Grèce prévues pour le 17 juin vont se transformer en référendum. En choisissant leurs représentants, le vote des grecs répondra également à la question suivante: le pays doit-il ou non rester dans la zone euro?

L’équation est la suivante. Dans le premier cas de figure, comme le laisse présager les sondages, la gauche radicale (Syriza), opposée aux demandes d'austérité formulées par l'Union européenne et le FMI, conforte sa percée et est en mesure de constituer un gouvernement. Dans le second, le parti de droite (Nouvelle démocratie) ou le Pasok, l’équivalent du PS, tous deux favorables au plan de sauvetage européen de la Grèce en échange d'un nouveau train de mesures de rigueur, remportent le scrutin.

Lagarde évoque une «sortie ordonnée»

«La question grecque est d’une simplicité extrême. Soit la Grèce accepte de perdre ce qui lui reste de souveraineté budgétaire et applique l’agenda de réformes fixé par ses créanciers. Soit elle reprend sa souveraineté monétaire et coupe les ponts ipso facto avec l’Europe. On ne peut vouloir en même temps rester dans la zone euro et refuser d’en appliquer les règles élémentaires de fonctionnement. En ne tranchant pas entre ces deux options, les élections récentes ont finalement accru le risque de voir la Grèce choisir la sortie», résume Bruno Cavalier, chef économiste chez Oddo securities.

Désormais, la sortie de la Grèce de la zone euro n’est plus un sujet tabou. Mardi, Christine Lagarde, la directrice générale du FMI, a évoqué pour la première fois cette possibilité, mentionnant une «sortie ordonnée». Dans son dernier numéro, l'hebdomadaire allemand Der Spiegel titrait «Acropole adieu! Pourquoi la Grèce doit quitter la zone euro». Pour l’économiste Jean-Jacques Rosa, interrogé par France 24, l’euro a conduit la Grèce à une impasse. Selon lui, les gouvernements européens ont alourdi la charge de la dette grecque déjà excessive en imposant une politique d’austérité qui contracte sa capacité de payer ses intérêts. «Je ne vois pas comment la Grèce peut éviter de sortir de l’euro car c’est la seule mesure qui va rétablir sa compétitivité», c'est-à-dire sa croissance future, soutient-il.

«La Grèce nous plombe»

Une sortie pour laquelle milite également l’économiste Marc Fiorentino, qui déplore le coût prohibitif (près de 300 milliards d’euros) des multiples plans de sauvetage finalement inutiles. Sans parler des coûts indirects comme la hausse des taux que doivent payer les Etats italien ou espagnol pour rembourser leurs dettes en raison des incertitudes autour de la situation grecque. «Il faut organiser la sortie de la Grèce de façon ordonnée plutôt que de tenter un énième sauvetage…Nous ne voulons plus que la Grèce reste dans la zone euro car elle est en train de nous plomber. Rappelons qu’elle n’aurait jamais dû rentrer dans la zone euro puisqu’elle a falsifié ses comptes», rappelle l’ancien trader.

Mais d’autres plaident pour le sauvetage du soldat grec. Directeur de recherche à l'école de management de l'Université catholique de Lille, Eric Dor estime à 66 milliards d’euros le coût direct d'un défaut total de la Grèce pour l’Etat français et 19 milliards pour les banques françaises.

Cercle vicieux

Marc Touati, auteur de «Quand la zone euro explosera...», entrevoit un «cercle vicieux qui pourrait tourner au cauchemar». «Un défaut grec augmenterait la défiance des investisseurs à l'égard de la France, qui verrait ses finances publiques plombées par ces dizaines de milliards de dettes supplémentaires», redoute l'économiste. En conséquence, «les agences de notation dégraderaient fortement la note française, sans doute de deux à trois crans, les taux d'intérêt de la dette grimperaient au-delà de 4% avec de lourdes conséquences aussi sur le taux de chômage et, de nouveau, sur les déficits et la dette».

A cela s’ajoute le risque d’un effet domino avec la remise en cause de l’idée même d’Europe aux yeux des marchés. «Très clairement, les investisseurs ne seront pas incités à prêter au Portugal, à l’Irlande ou même à l’Espagne s’il y a un risque qu’il abandonne un jour l’euro…» avertissent les économistes d’Aurel BGC.

Mais surtout, une sortie de la Grèce de la zone euro et la dévaluation qui s’en suivra ne régleront pas les problèmes de l’économie grecque, selon Patrick Artus et Jésus Castillo, économistes chez Natixis.