TÉLÉCOMSFree Mobile: Le succès sera-t-il rentable?

Free Mobile: Le succès sera-t-il rentable?

TÉLÉCOMSiad a confirmé mardi un démarrage commercial en fanfare de son offre mobile, mais il faudra attendre l’été pour savoir si les profits sont au rendez-vous...
Claire Planchard

Claire Planchard

2,61 millions d’abonnés, un chiffre d’affaires trimestriel de 97,5 millions d’euros: en moins de trois mois, Free Mobile s’est taillé une confortable part du marché français (près de 4 %). Une performance record sur un marché aussi mature que la France, mais arrachée au prix d’une offre tarifaire hyper-agressive et d’un contrat d’itinérance chèrement négocié auprès de l’opérateur historique Orange.

Reste à transformer le succès commercial en réussite financière. Le verdict tombera à l’été prochain lors de la publication des résultats semestriels qui livreront les premières indications sur les marges dégagées par le quatrième opérateur.

L’Arpu, un acronyme au cœur des conjectures

Pour l’heure, Iliad se borne à indiquer que ses recrutements «se répartissent de manière équilibrée entre les deux forfaits [2 euros et 19,99 euros, ndlr] et entre les Freenautes [qui bénéficient d’un rabais de 2 et 4 euros respectivement sur les deux offres, ndlr] et nouveaux venus». Une bien maigre information quand on sait que Maxime Lombardini avait lancé en mars dernier à journalistes un peu trop curieux: «Equilibré? C’est-à-dire qu’en pourcentage le total fait 100 %»!

Pourtant, là réside l’une des clés de la future rentabilité de Free Mobile. La vraie inconnue ce ne sont ni les coûts qui sont relativement connus, ni le nombre d’abonnés qui est un succès incontestable mais le revenu moyen par abonné, l’Arpu», estime Vincent Teulade, spécialiste télécom chez PricewaterhouseCoopers. «Or quand on recoupe les pertes d’environ un million d’abonnés des autres opérateurs et les bonds de souscription de nouvelles cartes SIM annoncé par l’Arcep, il y a une forte suspicion que beaucoup d’abonnés aient profité de l’aubaine pour souscrire des abonnements à 0 ou 2 euros», poursuit-il. Un scénario qui, s’il se confirmait, représenterait un Arpu «extrêmement bas» de 80 centimes pour l’offre à 60 min/60 SMS, selon Henri Tcheng, associé spécialiste des télécom chez BearingPoint.

Une équation à trois inconnues

Pour ce spécialiste, les marges de Free Mobile vont dépendre au final de trois variables fondamentales qui échappent pour l’heure totalement aux analystes. La première est le coût du contrat d’itinérance conclu avec Orange. Un, 1,5 ou deux milliards? Les rumeurs circulent après que Stéphane Richard a indiqué que le contrat qui devait initialement lui rapporter 1 milliard d’euros pourrait finalement doubler face à l’afflux d’abonnés.

Au final, seules certitudes, tout dépendra de la vitesse des recrutements de nouveaux abonnés dans les mois à venir et du déploiement du réseau de Free. «A chaque nouvelle antenne installée, le coût pour Free diminue car plus d’abonnés passent par son propre réseau. Donc l’avenir devrait réserver de bonnes nouvelles pour Free» estime Stéphane Dubreuil, associé Télécoms et Média au sein du cabinet Sia Conseil.

Autre inconnue de taille: le montant des terminaisons d’appel mobiles, ces tarifs de gros qu’un opérateur de téléphonie mobile facture aux autres opérateurs pour acheminer les appels vocaux vers ses abonnés. Pour l’heure Free dispose d’un avantage tarifaire conséquent considéré comme injustifié par la Commission européenne.

«Ce différentiel est une sorte de subvention payée par les opérateurs historiques, qui peut représenter 5 à 10 euros par mois selon la nature du client. Cette notion est donc une inconnue très forte dans l’équilibre financier et économique de Free Mobile», souligne Henri Tcheng.

Enfin troisième paramètre crucial pour espérer dégager des marges: la qualité de son parc de client. «Traditionnellement ce type d’offre illimitée attire d’abord de très gros consommateurs, qui sont des clients structurellement peu rentables, mais peuvent venir en deuxième ligne des clients qui prennent un second forfait pour 20 euros par mois et ne consomment presque rien et représentent alors un revenu pur. Tout dépendra donc de l’effet mix entre ces deux clientèles», estime Henri Tcheng.