Tout comprendre du nouveau contrat à terme sur la dette française
FINANCE•Un nouveau contrat à terme sur les obligations d’Etat françaises va être mis à disposition des investisseurs lundi prochain. «20 Minutes» explique sa nature, sa raison d'être et ses enjeux...Bertrand de Volontat
La bourse de Francfort va lancer le 16 avril prochain un nouveau contrat à terme sur les obligations d’Etat françaises à dix ans, c’est-à-dire sur les Obligations assimilables du trésor français (OAT). Le «future» OAT. Alors simple contrat couvrant l’investisseur, ou véritable instrument de spéculation?
C’est quoi ce contrat à terme?
Un contrat à terme ou «future» sur une obligation d’Etat permet d’acheter ou de vendre à terme (à la fin du contrat, trois mois généralement) une obligation d’Etat. Ce sont des contrats qui visaient les monnaies existantes avant l’euro. Ces contrats avaient connu un grand succès dans les années 1990 avant la disparition du marché à terme international de France en 1999. Ces contrats avaient été retirés également, faute de demande de la part des investisseurs qui ne servaient presqu’uniquement des contrats à terme sur les emprunts d’Etat allemands, les «future Bunds», ne faisant pas de différence entre les dettes souveraines.
Avec la crise de la dette dans la zone euro, les dettes nationales ne se valant plus, il faut de nouveau des contrats spécifiques à chaque pays. Il a notamment été créé en Italie en 2009. Ce nouveau type de contrat permettra aux investisseurs de détenir le dérivé des obligations d’Etat français à 10 ans et d’avoir des garanties en cas de moins value en cas de baisse de la valeur de l’obligation, dont un défaut de paiement. Il permettra en somme aux investisseurs de parier sur la hausse ou la baisse des obligations françaises à l'avenir.
Pourquoi le lancer maintenant?
Avec l'introduction de ce nouveau contrat, «nous réagissons au grand intérêt témoigné par les participants à des solutions d'arbitrage plus personnalisées», a déclaré Mehtap Dinc, responsable du développement des produits d’Eurex. Les contrats sur OAT auront une structure similaire à celui du «future» sur le Bund allemand.
Les traders obligataires veulent de nouveaux moyens d'arbitrer les emprunts souverains dans un marché qui devient de plus en plus fragmenté et où le risque doit être évalué pays par pays.
De plus, «l’ajout d’un nouveau contrat permet d’augmenter les liquidités, les mouvements de "future" qui à terme amène davantage d’obligations sur le marché», nous explique un économiste. Un moyen de dynamiser le marché et de permettre à l’OAT de regagner quelques points de base.
Ce produit va-t-il séduire?
Il est trop tôt pour se prononcer sur l’impact réel qu’aura ce nouveau contrat sur la dette française. «Il faut voir si l’instrument est un succès», constate Dominique Barbet, responsable de la recherche économique de marché chez BNP Paribas. En Italie, par exemple, les volumes d’échanges ne se sont pas envolés, les investisseurs continuant à utiliser les «future Bunds». «Si le produit ne correspond à aucune demande, il y aura peu de transactions sur cette demande», poursuit-il. Certains analystes interrogés questionnent même l’intérêt d’un tel contrat qui ne «changera pas grand-chose».
Ce contrat est-il purement spéculatif?
«Eurex est dans son rôle de mettre à disposition un instrument de couverture des risques», note Barbet, notamment à la vue de l’instabilité régnant autour de la dette française et des finances du pays. «C’est un instrument qui permet de se couvrir face à un risque de marché mais qui permet également de spéculer et de jouer sur une crise de crédit», explique-t-il. En effet, l’intérêt pour les spéculateurs est d’arbitrer entre le montant du contrat à terme et celui des obligations d’Etats concernées. Le risque existe aussi car ce nouveau contrat sera ouvert à tout type d’investisseurs. Il pourrait donc servir à tous de spéculer contre la dette française, une semaine seulement avant le premier tour des élections présidentielles, où l’annonce d’une victoire socialiste est redoutée par les marchés.
Il ne faut pas oublier cependant que «spéculer veut bien dire autant perdre que gagner», conclut Barbet. Jean-Luc Mélenchon parle pour sa part d’une «nouvelle arme de la finance contre la France» et d’un «nouvel instrument spéculatif contre la dette française» offrant «des moyens considérables aux spéculateurs pour attaquer notre pays».