ECONOMIEMais qui sont vraiment les classes moyennes?

Mais qui sont vraiment les classes moyennes?

ECONOMIECes Français du «milieu» sont très sollicités par les politiques...
Gilles Wallon

Gilles Wallon

Ils ne cessent de les évoquer… sans jamais vraiment développer le sujet. Les «classes moyennes françaises», très courtisées par les politiques, sont au centre de toutes les attentions de ce début d'année. Mardi, par déclarations interposées, Nicolas Sarkozy et François Hollande se sont écharpés à leur sujet, le chef de l'Etat accusant le candidat PS de fomenter à leur encontre « une attaque sans précédent ».

Nouveau coup de projecteur ce matin : l'Observatoire Cetelem publie son rapport sur «les classes moyennes face à la crise.» Reste à savoir de qui on parle. Car le terme, un peu fourre-tout, couvre plusieurs réalités. «Ce n'est pas une appellation d'origine contrôlée», avertit ainsi le sociologue Louis Chauvel. Difficile ainsi d'établir une fourchette de revenus pour les définir. Le patrimoine, l'épargne, le nombre de membres dans le foyer rentrent aussi en ligne de compte.

Dans l'entre-deux

Pour le sociologue Eric Maurin, les classes moyennes représentent les 30 % de la population française située dans l'entre-deux séparant les classes populaires (la moitié des ménages) et catégories aisées. Ils ont des métiers qualifiés, des revenus convenables, mais restent les témoins privilégiés d'une crise qui les angoisse terriblement. «Ils ont très peur du déclassement et sont prêts à tout pour l'éviter», avance Eric Maurin. Les classes moyennes sont donc les Français qui ont les capacités financières pour «déménager si le quartier se dégrade, pour prolonger les études supérieures des enfants… Mais cela implique énormément de stress et beaucoup d'efforts financiers». Son confrère Louis Chauvel définit les classes moyennes ainsi : «un peu d'épargne, trois semaines de vacances, capables de payer des études supérieures aux enfants.»Pour lui, si ces Français sont moins confrontés au chômage ou à la précarité, ils ont tout de même subi la crise de plein fouet. «C'est souffrir plus pour gagner moins. Il y a un sentiment d'injustice généralisée.»

Dans le discours politique, pourtant, les classes moyennes ne sont pas les mêmes. Un exemple? Le récent livre sur le sujet de Laurent Wauquiez, le ministre de l'Enseignement supérieur. «Pour lui, c'est l'ensemble des Français hors des 10 % des plus riches ou des plus pauvres», critique Eric Maurin. «Dans le discours classique de la droite, les classes moyennes sont surtout ceux qui se reconnaissent dans la philosophie du travail, de l'effort, de la méritocratie. On inclut dans les classes moyennes ceux qui souhaiteraient y accéder.» Leur vote pour la présidentielle paraît loin d'être fixé. «La crise a créé du ressentiment», constate Louis Chauvel.

*Les Nouvelles Classes moyennes d'Eric Maurin et Dominique Goux, édition du Seuil